Partie 65 - Bonus et suite

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Partie 65 – BONUS - « Sad and Happy fucking Birthdays »

Les bougies s’accumulent et pas seulement sur nos gâteaux.
Encore une que je souffle tristement depuis que t’es parti.
Tout change, mais les hommes changent encore plus.
L’humain est un être que décidément, je n’arriverai jamais à comprendre, et est-ce qu’au juste je cherche à le comprendre ?
Je me laisse faire par la vie comme une marionnette, essaie de respirer un air pur au milieu de la haine, tente de relativiser dans un monde qui ne laisse pas la place aux rêves.
Je laisse guider mes pas par Allah, et j’espère un jour que le Paradis sera au bout du chemin qu’Il aura choisit pour moi.
J’espère, mais rien n’est sûr, rien n’est certain.
J’étais sûre et certaine de ne plus jamais quitter Marseille, et pourtant, me voilà, dans une autre ville, dans un autre environnement et surtout, dans un autre pays.
Adieu Marseille et son marché du soleil, Adieu Marseille et ses rues étroites en pente, Adieu Marseille et son architecture tristement salie, Adieu Marseille et le Prado avec sa grande roue, Adieu Marseille et ses marches de la Gare St Charles, Adieu Marseille, oui, Adieu Marseille et ses habitants joyeux, Adieu Marseille et ses chauffards, Adieu Marseille, non non non non surtout pas, non pas Adieu Marseille !!
Au revoir, je l’espère…
D’un geste un seul, je suis ressortie de cette maison qui n’était désormais plus la mienne, fouillée par des inconnus, souillée par des inconnus. J’ai mis mes enfants à l’abri dans ma voiture, le seul endroit qui désormais était encore chez moi, me suis éloignée de quelques kilomètres et ai composé le numéro de la Police.
C’était un cambriolage en bonne et due forme, tout était par terre, brisé, rien n’a été laissé au hasard.
Mon regard se perdait dans l’immensité de cet amas de déchets. C’est ça, ils avaient fait de ma maison une déchèterie contenue par 4 murs, ces mêmes 4 murs qui abritaient, la veille, ma maison, mon foyer, mon repère, l’endroit où je me sentais le mieux, où j’avais la ferme conviction que mes enfants y étaient en sécurité.
Et c’est mon moral qui a rejoint les milliers de débris qui jonchaient le sol.
Sa main manquait dans la mienne, je cherchais son regard pour avoir quelque chose de digne à soutenir et je ne le trouvais pas, lui n’était pas là, et puis moi j’étais seule, au milieu de tous ces gravats.
Je n’avais même pas remarqué que la porte avait été enfoncée et qu’une énorme fissure la traversait de haut en bas, au milieu.
Je bouillonnais en moi, j’étais trop occupée avec les enfants, Yassine accroché à ma longue robe, Younes dans mes bras et Kaylissa flânant à côté de moi, comment ais-je pu être aussi stupide et entrer, sans même prêter attention à ces détails qui, après coup, étaient immenses ?
Dans ma tête, ça fusait à mille à l’heure.
Et si j’étais rentrée et que les cambrioleurs avaient encore été là ?
Et si j’étais rentrée et qu’ils s’en étaient pris à moi, ou pire, à mes enfants ?
Et si je n’étais pas sortie hier soir et que Sou ne m’avait pas obligé à dormir chez elle avec les enfants, me serais-je retrouvée face à face avec eux, auraient-ils quand même pris la décision de fracturer ma maison, même si j’y avais été ?
J’avais froid dans le dos, j’avais peur, même si c’était derrière moi, rien ne me prouvait qu’ils n’allaient pas revenir, ces foutus cambrioleurs.
Je me sentais clairement salie, même s’ils ne m’avaient pas touchée directement.
Mon téléphone n’arrêtait pas de sonner, Khalid m’appelait, et je n’osais pas décrocher.
Comment pouvais-je lui dire que tous nos efforts pour nous construire une vie rêvée, un foyer digne, que tous les sacrifices que nous avions fait pour offrir à nos enfants une vie de rêve venaient d’être réduits à néant parce que des hommes, comme nous des créatures d’Allah, avaient décidé de venir et de tout nous prendre ?
J’ai fuis, je me suis installée à l’hôtel le plus proche et suis partie faire les magasins, il était hors de question que je remette ne serait-ce qu’un seul de mes anciens vêtements, ni à moi et encore moins à mes enfants.
Des inconnus les avaient touchés, ils avaient visité notre intimité, le moindre recoin de cette maison dans laquelle je me sentais si bien avait été espionné, reluqué, comment pourrais-je un jour me sentir encore dans un cocon alors qu’il a été brisé ?
Je n’ai rien dormi, et au petit matin, encore ce foutu téléphone, j’ai envie d’hurler, de crier sur Khalid, de l’insulter parce qu’il n’est pas là, encore une fois en déplacement, encore une fois pour son travail qui lui prend du temps, trop de temps, voire tout son temps.
Je n’ai pas envie de décrocher, j’ai envie de lui faire la tête, mais en observant les enfants dormir, et Khalid insister, je n’ai pas le choix.
Moi : Allo ?!
Khalid : ça va bébé ?
Moi : non ça va pas
Khalid : qu’est-ce qu’il y a, un problème avec les enfants ?
J’observe un long silence.
Khalid : allo ? t’es encore là ?
Moi : oui oui je suis là, comme toujours !
Khalid : oula tu t’es mal réveillée ?
Moi : non
Khalid : alors qu’est-ce qu’il se passe ?
Moi : on a été cambriolé
Khalid : QUOI ? T’AS RIEN, ET LES ENFANTS ?
Il s’est mis à me bombarder de question tout en hurlant, ce qui m’a encore plus agacée. J’ai cru que lui dire que nous n’étions pas là à ce moment là allait le calmer, mais c’était peine perdue.
Khalid : j’pense bien que vous n’étiez pas là, sinon ils ne seraient pas rentrés ! putain mais j’y crois pas, t’es sérieuse, il y a beaucoup de dégâts, ils ont pris quoi, juste la télé ?
Moi : TOUT !! enfin, il doit rester quelques serviettes, et quelques torchons, tu vois ce que j’veux dire
Khalid : Nadiya, j’te parle sérieux là
Moi : mais moi aussi la con de toi ! tu veux qu’ils rentrent dans une maison pour faire un cambriolage et qu’ils repartent juste avec une télé alors qu’ils ont carte blanche, j’étais pas là, comment veux-tu qu’ils repartent les mains vides ? ils ont pris tout ce qui était intéressant et de valeur, un cambriolage quoi !
Khalid : bon, appel le serrurier, faites vous changer la serrure, et puis ça va aller inchaAllah
Moi : comment ça, « ça va aller » ? tu crois quand même pas que nos enfants et moi on va rester dans cette baraque alors que n’importe qui peu y rentrer ? que n’importe qui peu violer notre intimité comme ça ? tu crois vraiment que je vais me sentir en sécurité parce que j’aurai changé la serrure ? t’es sah ?
Khalid : et tu veux faire quoi Diya, hein, dit moi tu veux faire quoi !
Moi : ah, et si ça t’intéresse ils ont tout fracassé dans la maison, parce que bien sûr, après avoir tout piqué, il faut tout saccager pour pas laisser de trace derrière soi !
Khalid : ok
Moi : c’est quoi ce OK ?
Khalid : rien
Moi : mais vas y, vas au fond de ta pensée !
Khalid : t’es toujours en vadrouille, si t’étais restée à la maison, ils auraient eu la trouille de rentrer c’est tout
Moi : donc maintenant, c’est de ma faute tout ça ?
Khalid : c’est pas ce que j’ai dit
Moi : tu l’as pas dit, mais largement sous entendu, c’est pareil, t’as le culot d’me dire que si j’étais pas partie ils seraient pas venus ? Allah ister ! mais imagine Khalid, ouai, imagine juste que j’étais restée à la maison et qu’ils avaient estimés que j’étais qu’un obstacle, que tes enfants et moi n’étions que des obstacles et qu’ils nous avaient fait du mal ? tu dirais toujours qu’on aurait dû rester ?
Khalid : ben non mais…
Moi : donc j’aurais dû rester, mais j’aurais dû partir, faut savoir, en cas, c’est pas de MA faute à moi mais de TA faute !
Khalid : de ma faute ?
Moi : si TOI t’avais été là, ils ne seraient surement pas venus !
Khalid : arrête bébé, t’es en colère, mais ils seraient surement venus quand même !
Moi : maintenant j’ai droit à « bébé », « arrête », « ils seraient venus quand même » ?
J’me suis mise à rire, un rire bien noir, sorti du côté mauvais de mes entrailles.
Khalid : qu’est-ce qu’il y a ?
Moi : rien, c’est juste qu’en fait je ne savais pas que la présence d’une femme et d’enfants vulnérables, sans aucune défense puisse empêcher un cambriolage, moi qui pensait que c’était la présence d’un homme protégeant son foyer qui pourrait faire fuir les gens malintentionnés… laisse moi encaisser la nouvelle !
Khalid : maintenant, toi, va au bout de ta pensée !
Moi : j’suis sérieusement dépitée de ce que tu viens de me dire, t’as osé insinuer que j’aurais dû être là, au risque d’être en danger avec les enfants, pour protéger une maison qui aurait, de toute façon fini par être cambriolée ? je suis sous le choc… sah… j’en ai marre que tu t’en aille tout le temps, que j’sois seule la plupart du temps, et c’est aussi ça qui a fait qu’on a été cambriolé, un jour t’es là, puis des semaines entières tu t’en vas…
Khalid : je sais bébé, on en a déjà parlé, mais tu sais que ça me tiens à cœur de l’ouvrir cette boîte, et de l’ouvrir là !
Moi : et ta famille, elle te tient pas à cœur ?
Khalid : arrête, c’est pas là le sujet, bien sur que vous me manquez, même de dingue !
Moi : alors reviens…
Khalid : tu le sais, quand c’est vous je regarde pas, mais ne m’en veut pas, je rentrerai pas, pas cette fois… on en avait déjà parlé Nadiya
Moi : je sais… donc maintenant je sais que tu ne viendras pas…
Khalid : pas maintenant, et tu sais pourquoi
Moi : pas maintenant… je sais pourquoi oui, mais j’avais pas prévu un cambriolage… et j’aurai aimé que tu rentres mais… hassoul
C’est vrai, on en avait longuement parlé lui et moi, et tout se concrétisait

Il était une fois : pff les contes de fées n'existent pas.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant