*Partie 2*
Joyeux anniversaire Nadiya. 3 ans, que ça passe vite, 3 ans que je n'ai eu aucune nouvelle de mon frère, 3 ans que je n'ai reçu aucune marque d'affections ormis les insultes et les coups, 3ans de galères, de larmes et de sang, 3 ans de bagarres et d'embrouilles, 3 ans, le cul vissé sur cette chaise, face à la fenêtre, les regardant tous grandir et ne jamais concrètement partir, 3 ans en apparence certes, mais une bonne vingtaine d'année en maturité, j'avais compris qu'ici avoir une simple carapace et bien ça ne suffisait pas, il fallait avoir plus, grogner ne suffisait pas, il fallait mordre, et avoir la machoire la plus puissante... Et comme à chaque anniversaire, je pensais à mon frère qui avait pour habitude de m'offrir un muffin surplombé d'une unique bougie qu'on soufflait tous les deux, wAllah c'était rien, mais quand on a rien, on se contente du peu et on s'en régale, j'avais rien ouai, mais j'avais mon frère Hamdoulilah je l'avais lui.. et aujourd'hui.. je n'ai plus rien... Trop occupée à rêver, je n'avais pas remarqué que je n'étais plus seule...
Il me regardait et m'a attrapé par le bras, innocemment certes, mais j'ai sursauté et je l'ai repoussé...
Directeur : Nadia ? Ouhouuu Nadia ?
Moi : Nadiya, pas Nadia
Directeur : oui bon, quelle est la différence ?
Moi : Il faut insister sur le i et ensuite sur le y, ça donne Nadi
puis ya, vous comprenez ? bref, c'est comme ça, c'est tout, qu'est-ce qu'il y a ?
Directeur : comme tu sais, tu as 18 ans aujourd'hui et ici, c'est un foyer pour mineur...
Moi : Comme si je le savais pas hmar ? ça veut dire que vous m'jetez dehors ?
Directeur : j'ai pas le choix tu comprends, si c'était moi tu pourrais rester ici encore longtemps, mais légalement j'ai plus le pouvoir de te garder
Moi : putain mais je vais aller où, ne me dites pas que je vais de nouveau être trimballée de droite à gauche d'une famille folle à une autre encore plus tarée ?!
Directeur : non Diya, j'ai essayé de te trouver une solution tu sais, bon c'est pas terrible mais c'est déjà mieux, tu pourras peut être te reconstruire..
Moi (le coupant) : gelek reconstruire ? mais zeubi j'ai rien construit et il veut je reconstruit ?!
Directeur : je parlais en image Diya, bon... mon ami s'occupe d'immeubles dans un quartier pas très loin, il m'a dit qu'un F2 allait se libérer dans un mois, en attendant je t'ai trouvé une place dans un foyer, une petite chambre mais tu t'y fera, elle est légèrement plus grande que celle que tu as ici, et un petit boulot dans ce même quartier, ça te permettra de t'en sortir...
C'est comme ça que le soir même, sans mon avis ni même mon accord, mon petit bagage et moi-même débarquions dans ce foyer, uniquement composé de filles, j'avais qu'un petit bagage, j'étais tellement souvent trimballée que à force de prendre à chaque fois le minimum, on se retrouve avec le stricte minimum, déjà qu'à chaque fois je sentais un bout de mon coeur se déchirer, on allait même jusqu'à m'enlever tous mes biens matériels... Il ne m'en restait qu'un : mon journal, dans lequel j'écrivais tous les jours à mon frère, pour le jour où on se reverrait, pour ne rien oublier de lui raconter.
J'avais vraiment pas d'amis, dans votre monde j'aurais fait pitié, mais dans mon monde c'était normal, je voyais les filles du foyer parler ensemble puis le lendemain entrain de se bagarrer, ici c'était comme ça, on essaie toutes et tous de se monter dessus car plus t'es faible et plus on te fais subir, plus t'es fort, plus on te laisse tranquille, et moi, trop longtemps solitaire, je montrais plus mes griffes que mon sourire, alors j'ai pas cherché à m'intégrer à leur groupe, elles ont longuement essayé d'ailleurs mais je leur ai vite fait comprendre que fallait me foutre la paix.
Pas d'attaches : c'était comme ça que jusqu'ici je m'en étais sortie et c'est comme ça que je continurais de procéder pour m'en sortir encore, j'ai pas grand chose à part ces quelques valeurs là, tout le reste n'est que lointains souvenirs, quand j'avais encore mon frère derrière moi pour me protéger ou devant moi pour m'éviter de tomber..
Malgré cette vie de fou, j'essayais tant bien que mal de mener mon bâteau à bon port, j'avais pris ce petit boulot de secrétaire dans le centre médical pour les enfants du quartier, c'était plutôt pas mal, j'avais pas grand chose à faire et je ne travaillais que deux semaines dans le mois et c'était à moi de gérer mon planning, toutes ces années je m'étais attelée à cracher sur tout ce que prenait forme d'autorité alors ce travail me convenait, j'avais de compte à rendre à personne si l'administratif était fait à la fin du mois, et le centre fermait tout l'été.
Côté vie privée, j'avais reçu les clés de mon petit appartement, sérieux il était pas mal, mais aussi vide que le mot vide, j'étais toujours partie de rien mais cette fois si ça me semblait plus dur, d'habitude j'arrivais j'avais déjà une chambre toute prête et quelques meubles, là, il n'y avait rien, vraiment rien, à part les sanitaires.
Partir avec rien et improviser comme je le faisais d'habitude ? je m'y refusais, je voulais me reprendre en main alors avec quelques difficultés, j'avais prolongé mon séjour de deux mois dans ce foyer et j'avais doublé mon travail, au lieu de faire le stricte nécessaire, je travaillais à fond pour gagner le double de ma paie, j'avais prétendu un "grand nettoyage" (bon en même temps j'avoue que ça a fait le plus grand bien à ce centre, l'ancienne secrétaire wAllah de la dinguerie, elle gardait tout ce qui fallait pas et le triais, et ne triais rien de ce qui était important) ce qui m'a permis de payer mon permis et de l'obtenir, puis comme convenu avec la Directrice du foyer, elle me demanda de partir car la place venait vraiment à lui manquer, comme prévu, et non comme promis (jamais de promesses avec moi, ça non plus, ça fait pas partie de mon monde) je suis partie, même si j'avais pas grand chose dans mon compte en banque, j'avais assez pour qu'on m'accepte un petit crédit, mine de rien, ce travail CDI m'ouvrait de grandes portes, celles que jusqu'aujourd'hui je ne me voyais jamais arriver à ouvrir...
J'étais plutôt fière de mon chez moi, j'avais galéré à le meubler, à coup de "bon coin" et d'associations, mais c'était plutôt pas mal, à mon goût et pour la première fois de ma vie, je me sentais bien chez moi, c'était pas non plus la belle vie, mais s'en était un avant goût, côté permis j'avais pu me prendre une petite 306, quand j'y repense, elle était bien pourrie mdr, le quartier ça allait, c'était pas la jungle, mais pas non plus le grand paris, dans mon entrée c'était pas non plus le skuatte, l'ascenseur sentait la pisse j'avoue, ça remontait dans le nez et ça te faisais regretter à la seconde prêt d'y avoir posé le pied, mais j'habitais au 2ème, du coup j'avais décidé de ne le prendre que lorsque j'aurais fait les courses, en plus fallait profiter car il marchait la plus part du temps, quant aux gars, y en avait, même vraiment beaucoup mais ils skuattaient l'entrée d'en face, j'étais pas sereine mais elle était quand même à bonne distance de la mienne et au besoin, j'avais ma bombe lacrymogène et mes deux poings.
J'ai un petit banc en bas de ma fenêtre, un peu comme dans les maisons américaines, c'est cool, je m'installe dessus, allume une cigarette d'après emménagement et je me mets à réflechir.. 3 putaines de longues années, chaque 24h je les ai senti passé, est-ce que mes parents avaient réellement fait des enfants pour leur faire subir ça ? s'aimaient-ils réellement ? étions-nous là car ils le voulaient ou parce qu'on est arrivé sans être souhaité ? je sais pas, le mektoub c'est le mektoub, mon frère me manquait, terriblement même, il craignait Allah et était pieu, et il a du faire face au sheitan et il l'a vaincu, de la plus horrible des façons, mais face à ce sheitan là, la Foi ne faisait plus le poids.. Alors aujourd'hui je ne sais plus, ma cigarette se consumme sans que je n'en fume une taffe, wAllah qu'il me manque au delà de tout, je prie pour lui au cas où lui ne le ferais plus, le dernier jour où je l'ai vu.. ses yeux se sont éteints quand il a baissais les yeux et tourné la tête pour ne pas voir à quel point je pleurais, alors j'ai bien peur que ce ne soit pas sheitan qui l'ai détruit, mais moi... Et si c'est moi, je me maudit, j'avais pas le droit de le détruire, lui, il a mis sa Foi de côté pour me protéger, sa fierté d'homme de côté pour m'aimer et me faire sentir aimé, son matchisme et son égo d'homme pour m'offrir un nid douillet, alors j'espère que malgré tout, Allah lui ouvrira les portes du Paradis, il le mérite même s'il a pêché, il n'a pas commis le pire des pêchés, mais il a pêché alors malgré tout je continue de prier pour qu'Allah lui fasse une place au paradis, car c'est mon Ange, et j'espère qu'Allah ne l'ignore pas...
Passons aux choses sérieuses, vous n'êtes pas là pour m'écouter décrire mes moindres faits et gestes, mais là pour écouter le reste de mon histoire, celle-là même qui m'a amené là où je suis aujourd'hui, et qui me pousse à vous l'écrire...
Affalée sur mon canapé, à l'heure actuelle et non à l'heure de la chronique, je reprends mon petit journal entre les mains, va falloir que je commence par le commencement, en vous racontant un maximum de détails, inchaAllah que ma mémoire ne me joue pas de tours..
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Il était une fois : pff les contes de fées n'existent pas.
Fiksi UmumBelle chronique enregistrée à l'ancienne comme on les aime Histoire Réelle