Chapitre 30 - La fille du patron

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— Je ne suis pas d'accord.

Je fixe la petite blonde assise en face de moi. Comment ça, elle n'est pas d'accord ?

— Pardon ?

La jeune tape du poing sur mon bureau et me lance un regard dédaigneux.

— Je veux parler avec un vrai écrivain. Est-ce que tu écris, au moins ?

Ma mâchoire manque de se décrocher.

— Quoi ? Oui, bien sûr que j'écris ! Non mais attends, ce n'est pas le problème !

Retenant la furieuse envie de taper ma tête – ou la sienne, ce qui vient – contre la surface lisse du bureau, j'inspire un bon coup avant de reprendre :

— Écoute... C'est quoi ton nom, déjà ?

— Alyssa.

— Alyssa, je suis correctrice. Mon boulot, c'est d'améliorer les futurs auteurs comme toi.

Les deux derniers mots m'écorchent la gorge, manquant de me faire grimacer.

— Mon père te paye pour ça, en même temps. Ça ne veut pas dire que tu es une écrivaine.

Je sers les poings sous le bureau, imaginant lui donner assez de claques pour qu'elle se réveille. Sous prétexte que c'est la fille de Monsieur Mandini, cette horrible gamine qui s'habille et se maquille comme une femme bien plus âgée qu'elle se permet de me prendre de haut, et c'est une chose que je ne supporte pas. Du coin de l'œil, je vois Adrien qui se fout ostensiblement de ma gueule, feignant d'être occupé avec Jake.

— Tu veux parler avec un écrivain publié, c'est ça ? avec malice en me levant.

— Oui, mieux vaut tard que jamais !

Je lui offre mon sourire le plus hypocrite et rejoint le box de Jake.

— Adrien ? Je peux te voir une minute ? avec un ton professionnel.

Mon voisin me regarde avec un air condescendant.

— Trees, il y en a qui bossent. Ta libido attendra.

Je le dévisage, fière.

— Vois-tu, mon cher Trevis, ma vie sexuelle, quoique plus palpitante que la tienne, n'a rien à voir là-dedans. Il s'agit d'une mission pour le patron.

Je prononce les derniers mots en articulant chaque syllabe. Jake est définitivement une Marie au masculin, il serait prêt à tout pour recevoir un compliment de Mandini.

— Ah oui ! 'exclame-t-il comme s'il venait de se souvenir de l'info people la plus croustillante de Miami. Tu parles de cette mission avec sa fille ? Celle que tu as humiliée devant son père ?

Mon visage se renfrogne. J'enroule mes doigts autours du bras incroyablement musclé d'Adrien pour le sortir du box. Je le tire jusqu'à mon bureau et le force à s'asseoir sur ma chaise.

— Alicia...

— Alyssa, corrige-t-elle.

À l'instar de Cat, je balaie ce détail de la main.

— Peu importe ton prénom, je te présente Adrien Doth. C'est un auteur qui vient d'être publié chez nous.

J'aurais pu lui dire qu'il vendait des choux sur le marché, le résultat aurait été le même : elle est déjà en train de baver en posant ses yeux sur ses cheveux soyeux, son regard chocolat intense, sa mâchoire anguleuse mais sans trop l'être, ses abdominaux visibles sous son tee-shirt blanc qui moule son corps à la perfection. Tout bien réfléchi, je suis peut-être celle qui bave. Mais le regard que lui lance Alyssa laisse peu de place à l'imagination concernant ses pensées actuelles. Si elle n'avait pas seize ans à tout casser, je lui ferais bouffer le stylo qu'elle triture d'une manière qui se veut sexy. Putain d'hormones adolescentes. En même temps, qui pourrait la blâmer ? Adrien est l'incarnation même d'un dieu grec, de même qu'Alyssa est celle d'une petite peste du groupe de méchantes filles au lycée.

Un lendemain ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant