Chapitre 2 (2/2)

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Nathanaël gravit rapidement les six étages sans ascenseur qui le séparaient de l'appartement. L'odeur familière de bois et de renfermé, accompagnée du craquement des marches et du faible éclairage jaune dispensé par les ampoules fixées au mur le détendirent quelque peu. Il allait glisser sa clef dans la serrure dorée quand la porte voisine s'ouvrit. L'homme qui la franchit et lui sourit chaleureusement n'était pas inconnu à l'adolescent.

Il n'aurait su donner un âge à monsieur Voiron... Chauve, le nez chaussé de petites lunettes qui grossissaient légèrement ses yeux noisettes, le chauffeur de bus et sa femme vivaient à côté de chez Philippine depuis bien longtemps déjà quand il avait emménagé avec elle. Le couple l'avait donc connu au plus bas de sa forme avant de le voir remonter la pente petit à petit, tout cela sans se départir un instant de leur sourire bienveillant.

— Bonjour, Nathanaël ! s'exclama-t-il. Comment se passe le lycée ? Pas trop dur ?

— Ça va... répondit l'adolescent en laissant un semblant de bonne humeur émerger sur son visage. Et vous ?

— Très bien, écoute ! Dis à Philippine de passer ce soir, Florine compte préparer un cake au citron en rentrant, on vous en donnera un bout pour le dessert !

Le voisin le salua en lui tapotant sur l'épaule, lui souhaita une bonne soirée et s'engagea dans les escaliers. Lorsque monsieur Voiron eut disparu de son champ de vision, Nathanaël ouvrit enfin la porte avant de la refermer aussi sec derrière lui. Dos contre le battant, il se laissa glisser jusqu'au sol où il demeura un bon moment immobile.

Malgré cet échange chaleureux avec son voisin, les images des événements lui revenaient par vagues. Son cœur manquait encore des battements quand il se voyait courir jusqu'à Fanny, faire face à l'anomalie, puis à sa camarade horrifiée. Serait-elle présente en classe le lendemain ? Il espérait que non. Il pourrait alors prétendre qu'il ne s'était rien passé.

Lorsque son adrénaline se fut tarie, l'adolescent se releva, grimaça quand il sentit ses articulations protester et trottina jusque dans sa chambre où il s'enferma. Il avait beau être seul dans l'appartement, rien ne lui faisait plus de bien que de se sentir à l'abri dans son cocon, entièrement coupé du monde extérieur.

Ainsi dans son élément, il se remémora le jour de la semaine et confirma à l'aide du pansement sur son bras qu'il avait bien pris son traitement coagulant ce matin-là. Malgré son petit excès de zèle, il devrait donc échapper à une quelconque hémorragie. Son regard se posa sur son genou droit, qu'il devinait légèrement déformé à travers son jean. La faute à plusieurs mois sans ses médicaments contre l'hémophilie. Il avait toujours eu une certaine sensibilité au niveau de cette articulation. Le sang qui y avait pénétré à répétition sans être contenu avait eu raison de son cartilage. Les médecins lui avaient bien parlé d'opération, mais l'adolescent n'était pas particulièrement enthousiaste à l'idée de passer sur le billard. À qui la faute ? Il se rappela la carte glissée dans sa poche et rit nerveusement.

Dans un soupir, Nathanaël s'arracha à sa contemplation et laissa tomber son sac sur le sol, à côté de son bureau. Il en sortit sa sacoche avant de vider le contenu par terre.

Après un inventaire rapide, il constata avec soulagement que le médium de l'Institut n'avait rien oublié. Satisfait, il ouvrit son armoire dont il tira une vieille boîte en métal un peu rouillée. Il ignorait ce qu'elle avait contenu initialement, mais il y avait fort à parier qu'il s'était agi de gâteaux : les couleurs passées décorant le couvercle représentaient une famille heureuse autour d'une table en pleine nature, sans doute à l'heure du goûter. Heureusement que Philippine n'était pas encore rentrée du travail, elle grimaçait à chaque fois qu'elle le voyait manipuler la boîte, baptisée par ses soins « Técanos », le nid à tétanos. Cependant, l'objet était l'un des rares souvenirs matériels que Nathanaël conservait de son père, ses protestations s'arrêtaient donc là.

Le Sang des marionnettistes T.1 (50%)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant