Chapitre Dix-Huit

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Je suis rentrée dans la voiture juste après avoir salué de la main les photographes qui avaient attendu plus de deux heures derrière les barrières. Deux heures, tout ça pour m'apercevoir moins d'une minute. Il faut être sacrément investi dans son travail pour attendre si longtemps pour si peu ! S'il y a bien un métier que je n'aurais absolument pas pu faire, c'est bien ça. Je ne suis pas très patiente, et je ne préfère même pas imaginer leur détresse si la météo avait été différente.

Heureusement, le ciel était beau, tout comme cette journée d'ailleurs. Je devais avouer que j'étais partie défaitiste : je m'étais attendue à faire une bourde, à angoisser comme jamais et à me sentir totalement épuisée après la visite. Mais, c'est avec une pointe de fierté, que je me rends compte que c'est tout le contraire : je me sens plus vivante que jamais. J'ai adoré passer ces quelques heures en leur compagnie, découvrir ce que maman a aidé à faire bâtir, savoir que moi aussi je pourrais me rendre utile.

Je peux avoir un impact sur le monde ou, tout du moins, sur mon pays. Et cette pensée qui naît dans mon esprit, que je conscientise, me fait trépigner d'envie et d'impatience. Des dizaines et des dizaines d'idées fourmillent en ce moment même dans ma tête alors que nous venons de quitter l'hôpital il y a à peine quelques minutes.

J'ai hâte de pouvoir m'y mettre !

Et peut-être cette excitation se ressentit-elle pour les autres passagers de la voiture, car Anya qui est assise à mes côtés me tend une bouteille d'eau. Je lui adresse un sourire et m'en saisis, remarquant par la même occasion que je suis assoiffée après avoir tant parlé ! Je bois ensuite quelques gorgées et dépose la bouteille à mes côtés avant de perdre mon regard sur le paysage. Bientôt, les immeubles et maisons de la ville font place à un peu plus de nature et d'arbres.

J'aperçois ensuite un lac. Calme et paisible, à une centaine de mètres de nous. Une irrésistible envie de m'y jeter parcourt tout mon être. Je me rends vite compte que cela n'est pas raisonnable, mais je ressens le besoin de me dégourdir les jambes avant de retourner chez Lord Mackenzie.

— Pouvons-nous nous arrêter quelques instants ? demandé-je au chauffeur avec joie.

— Mademoiselle ?

Ma demande est suffisamment soudaine pour interloquer les trois autres personnes qui sont dans la voiture : le chauffeur, Anya et Toby.

— J'aimerais juste marcher au bord de l'eau, me dégourdir les jambes, profiter du soleil tant qu'il y en a.

— Je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée, objecte mon garde du corps.

— Il y a l'air de n'avoir personne, je ne vois pas ce qui pourrait m'arriver. D'autant que tu es là pour me protéger... S'il te plaît, Toby.

Toby est assis en face de moi, de sorte que je ne vois pas son visage, mais j'ai remarqué qu'Anya avait haussé les sourcils, l'air interloqué par la familiarité avec laquelle je me suis adressé à lui. Je ne compte pas m'excuser ni même m'expliquer : tous devront s'habituer, Toby le premier.

— Très bien, finit-il par dire en soupirant. Mais nous allons inspecter la zone avant que vous sortiez. Combien de temps voulez-vous marcher ?

— Je n'en sais rien... Combien de temps avant l'heure du thé chez Lord Mackenzie ?

— Une heure et demie, environ. Le temps que l'on fasse la route, il vous resterait une heure. John, prends la prochaine sortie, ajoute-t-il à l'adresse du conducteur.

Il prévient ensuite Phoebe, qui se trouve dans le deuxième véhicule, de notre changement de programme et donc d'itinéraire. J'ai eu peur d'être privée de ce petit moment de « liberté », mais je savais que Toby finirait par trouver un moyen pour me l'obtenir.

Nos Années Volées - Tome ✯✯✯ © (La Découverte)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant