Nos Années Volées - Tome ✯✯✯ © (La Découverte)

Chapitre 9

Le samedi est arrivé plutôt vite. C'est à peine si j'ai vu les deux derniers jours passer. En même temps, grand-mère est très douée pour faire passer le temps en me donnant une tonne de choses à faire. Et quand je n'ai plus rien à exécuter sur sa liste, le stress m'envahit et me pousse à revoir tout ce qu'il y a de prévu dans mon agenda ces prochaines semaines. Je choisis alors un événement, repars dans mes recherches et vérifie, pour la énième fois, mes valises. Ce n'est qu'une fois mes cousines arrivées, en début d'après-midi du samedi, que j'arrive à mettre toutes ces sources d'inquiétude sur pause.

— T'as l'air épuisée, me dit Madeleine sans détour. C'est quand la dernière fois que tu as fait une nuit de sommeil sans te réveiller ?

— Ça doit remonter aux vacances d'été, répondé-je le plus sérieusement du monde. Et encore, je n'arrive même pas à me rappeler avec précision de la dernière fois que j'ai fait une nuit complète, ou que je n'ai pas mis deux heures à m'endormir.

— Tu devrais demander de l'aide.

— De l'aide ?

— Oui, de l'aide, Dela. Le sommeil est super important autant pour le physique que pour le mental. Si tu passes de mauvaises nuits, tu risques de devenir irritable ou de perdre certaines capacités, comme l'observation. Il y a des remèdes naturels pour ça, le temps que tu t'adaptes à ton nouveau style de vie et à sa cadence. Tu n'as pas à avoir honte de recourir à ce genre de choses, tu sais ?

— Maddie, je vois une psy. Alors je pense que j'ai passé le stade d'avoir honte de demander de l'aide, plaisanté-je. Je n'ai juste pas pensé que ça s'éterniserait ou qu'il y aurait des coïncidences. En fait, avant cette conversation, je n'avais même pas remarqué que ça durait depuis déjà un bon mois. Alors, merci de m'avoir complimenté sur mon teint désastreux.

— Toujours là pour t'apporter mon aide, chère cousine.

Nous rions de bon cœur. Mes plus gros fous rires, je les dois à Maddie. Elle a ce talent inné pour dédramatiser n'importe quelle situation et transformer une conversation très sérieuse en un enchaînement de gloussements. Elle a aussi la capacité d'écouter sans juger et sans aller tout répéter à grand-mère, ce qui est appréciable. Je ne suis pas sûre que cette dernière serait heureuse d'apprendre ce que j'ai dit à Maddie lors de notre dernière conversation téléphonique.

Je m'attarde sur cette dernière pensée en fermant les yeux. Je profite d'une des premières journées d'automne où le soleil est toujours de bonne compagnie, assise à même l'herbe, à quelques mètres de nos deux turbulentes petites sœurs qui se courent après. Leurs rires et leurs cris sont si distincts et proches que je peine à me concentrer sur ce qui me fait douter. Sur ce qui me perturbe et que je n'arrive pas, encore, à définir.

— Tu penses que tu arriveras à gérer ?

La voix de Madeleine me fait ouvrir les yeux à nouveau. Sa question, elle, m'interpelle. Elle est trop vaste pour que je puisse répondre avec précision.

— À gérer quoi ? Y a pas mal de choses que je vais devoir gérer, tu pensais à quoi ?

— Je pensais à ton nouveau garde du corps et à ce dont on avait parlé la dernière fois. As-tu trouvé la réponse à ta question ?

— J'espérais stupidement que tu ne ferais pas le lien entre Toby et notre discussion, soupiré-je de désespoir. Maintenant que tu le dis, ça devient un peu plus réel et un peu plus bizarre.

— Je suis désolée, mais... vu que ce n'était pas Drew, ça ne pouvait être que Toby. On ne danse pas avec un garde du corps à un bal en présence d'une centaine d'invités sans avoir une très bonne raison.