Chapitre Vingt-et-un

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Lord Geffreys n'a pas été spécialement bavard lors du dîner, et je dois bien avouer que cela m'a arrangé : entre la route, la pluie et la conversation avec maman, tout ça m'avait fatiguée. Je me suis donc retrouvée rapidement dans ma chambre et me suis endormie avec la même rapidité.

Et j'ai rêvé de Toby.

C'est comme si le fait d'en avoir parlé à maman avait rendu la situation plus réelle... et inévitable. Il est plus présent dans mes pensées, et désormais dans mes rêves aussi.

Et quel rêve...

Je sais que je suis réveillée, mais je garde les yeux fermés, pensant un peu naïvement qu'avec un peu d'efforts, je pourrais m'endormir et le rejoindre à nouveau. Plusieurs minutes passent, mais je finis par me rendre à l'évidence : je dois désormais la réalité et mes questions sans réponse.

Le souvenir de ce baiser onirique ne disparaît pas quand j'ouvre les yeux. C'est même tout le contraire : une chaleur étrange envahit mon cœur, puis tout mon corps.

La journée risque d'être étrangement compliquée, si toutes mes pensées se remémorent ces quelques instants inventés par mon esprit, mais je ne peux les chasser de ma tête... Est-ce que je le veux après tout ?

Je me redresse et m'adosse au dos du lit. Il fait encore sombre dans la chambre grâce aux imposants rideaux que j'ai tirés hier soir, mais quelques rayons du soleil se dessinent sur le sol de la chambre. De la lumière qui me donne un aperçu de l'heure, mais qui me dit surtout que je devrais bientôt sortir de cette pièce pour affronter le monde réel.

Et j'ai peur. J'étais un peu plus rassurée grâce à la conversation avec maman, mais maintenant je suis terrifiée.

C'est une chose d'accepter ses sentiments, de les comprendre... C'en est une autre de savoir s'ils sont partagés.

Et si cela n'était pas le cas ? Comment pourrais-je réussir à passer au-dessus de ce que je ressens et le côtoyer comme si de rien n'était ?

Comment se remet-on d'une peine de cœur ?

Comment savoir ? Je ne peux décemment pas débarquer et lui poser la question du but en blanc. On a déjà du mal à discuter en simple ami, ça risquerait donc d'être un peu trop surprenant comme question.

Mais je dois savoir. Je dois trouver un moyen de résoudre cette énigme qui occupe tout mon esprit. Peut-être que savoir pourra m'aider à mieux gérer ses émotions... Ou bien cela aura l'effet inverse, et sera dévastateur.

Je me glisse à nouveau sous la couette, tête comprise, et ferme les yeux tout en soupirant. J'aurais aimé pouvoir me rendormir et retrouver ce si doux rêve...

Mais la réalité me rattrapa par des petits coups à la porte. Je sors la tête de ma cachette et invite Anya à entrer dans la chambre : il n'est pas difficile de savoir qu'il s'agit d'elle, nous nous étions mis d'accord au préalable pour qu'aucune autre personne n'entre de la sorte. Princesse ou pas, j'ai encore droit à une certaine intimité.

Anya entre donc, déjà parfaitement coiffée, maquillée et habillée. Elle m'octroie une révérence ainsi qu'un « Votre Altesse Royale » avant d'aller ouvrir les rideaux et de laisser entrer les rayons du soleil. Je dois cligner plusieurs fois des yeux pour m'adapter à cette nouvelle clarté.

— Bien dormi, Anya ?

— Très bien, et vous ?

Je lui réponds que oui, même si mon rêve me laisse un goût amer dans la bouche. Je sors ensuite du lit et nous entamons une discussion sur le programme de la journée tandis que j'attrape mes vêtements soigneusement préparés la veille par mon habilleuse. Après cette brève discussion, je rejoins la salle de bain avec une certaine hâte : bien que mon engagement n'ait lieu que ce soir, j'ai envie de profiter de chaque instant, d'autant que la météo semble être radieuse et qu'on m'a vanté les mérites des jardins de mon hôte. Et puis... j'ai faim. Mon ventre a commencé à émettre des gargouillements au moment même où Anya a quitté la chambre.

Nos Années Volées - Tome ✯✯✯ © (La Découverte)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant