3 - Respire.

3.2K 239 19
                                    

C'est vers la fin du cours qu'il le remarqua. Peut-être un peu plus tard que d'autres, parce qu'il était plus loin, et très concentré. C'est presque autant l'agitation de certains de ses voisins qui lui fit lever le nez que l'odeur douce qui se répandait. Une odeur de foin frais et d'iode, avec une touche de miel en arrière-plan.

— Merde. Markus.

Avant même d'avoir fini de marmonner le prénom de son camarade entre ses dents, il était debout et son ordinateur fermé dans son sac. Le professeur terminait son cours et l'odeur de Markus se renforçait. Jasper joua des coudes entre les étudiants qui rangeaient leurs affaires, et les quelques Alphas aussi empressés que lui auprès de Markus, qui semblait au bord de la panique.

Sans réfléchir, il découvrit les dents et repoussa plus violemment qu'il ne l'aurait voulu l'homme qui l'empêchait d'accéder à l'Oméga à présent pétrifié. Le mince vernis d'arrogance de Markus craquelait de partout. Il le saisit par le poignet.

***

— Lâchez-moi. Lâchez-moi !

— Markus. Respire. C'est moi.

J'inspire. Jasper. J'inspire. Je ne le vois pas, mais je le reconnais. Son cœur bat vite contre mon oreille, et ses phéromones sont puissantes. Assez pour chasser tous les Alphas autour de nous.

L'amphi se vide. Je sens d'autres effluves qui me soulèvent l'estomac, mais Jasper ne me lâche pas. C'est bien.

Merde, à quoi est-ce que je pense ? Comment ça, « bien » ? Mon corps ne répond plus à mes propres décisions, mais simplement à son odeur et je trouve encore que « c'est bien » ? Est-ce que je deviens fou ?

— Lâche-moi !

Je le repousse. Son contact me répugne. Enfin non, justement, et c'est ça qui me dégoûte. J'ai chaud. J'ai du mal à respirer. Je transpire. Je me sens fiévreux, nauséeux, malade. Je déteste l'idée qu'entre ses bras à lui, ça s'apaise. Je serre les dents. Je ne veux pas être... Comme ça.

— Tu n'as toujours pas de suppresseurs, Markus ?

— Je n'ai pas eu le temps.

Pourquoi est-ce que je me justifie ? En quoi est-ce que ça le regarde ?

— Tu dois aller voir ton médecin tout de suite.

— Non !

J'ai presque crié. Je culpabilise. J'inspire. Expire. Il faut que ça se calme. Je tire sur le col de ma chemise, je suis essoufflé, il faut que ça s'arrête. Je n'arrive pas à lui résister quand il m'attire à nouveau contre lui. Je n'y arrive pas et je n'en ai pas envie. C'est moi qui passe mes bras autour de son cou et qui l'embrasse ici, au milieu de l'amphithéâtre qui ne va pas tarder à accueillir le cours suivant. Je l'embrasse et j'oublie tout.

Mon dégoût, les risques, les Alphas tout autour de moi il y a trois minutes, qui me parlaient, me touchaient, jouaient des phéromones pour me tétaniser et mieux m'emporter pour... pour...

j'ai tout oublié et je ne suis plus que dans l'instant, là, tout de suite, et sa langue sur la mienne, et mes mains qui cherchent ce dont mon corps a besoin pour se calmer, je hais ça, mais je ne l'arrête pas parce que la partie de moi qui déteste est faible, bien trop faible, impuissante face à la vague qui me balaye et qui n'est que désir primaire, bestial, inhumain. Il faut qu'il me prenne là, maintenant, pour que mon ventre s'apaise un peu, que la fièvre retombe, que ça cesse.

***

— Viens. On ne peut pas rester ici.

Jasper glissa un bras autour de la taille de Markus, ramassa leurs deux sacs et l'entraîna vers la sortie de secours de leur amphithéâtre, où d'autres étudiants entraient déjà et se figeaient, stupéfaits par la saturation de l'air en phéromones. Markus ne devait en aucun cas être reconnu.

Cherche et trouveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant