6 - Mais...

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Dans son immense bureau du palais de l'Élysée, la Présidente à Vie patientait, tapotant nerveusement son stylo Bic sur la table. Tous ceux qui la rencontraient s'étonnaient de ce détail, que d'aucuns trouvaient charmant. Bien que riche et orgueilleuse, la femme la plus puissante de France avait toujours sur son bureau plusieurs de ces stylos à bas prix qui traînaient. Souvenir de son époque étudiante ? Fétichisme bizarre ? Ses employés ne se posaient pas la question, et se contentaient de vérifier qu'elle en dispose en permanence dans le plumier de marqueterie d'or et d'ébène qui contenait son matériel d'écriture.

Ce jour-là, elle avait rendez-vous avec son ministre de la Défense. Et ce dernier, bien entendu, était ponctuel. Elle avait horreur du moindre grain de sable qui venait gripper les rouages de son organisation, et ses collaborateurs le savaient tous. Encore plus ceux qui espéraient placer un fils à leur poste lors de leur départ à la retraite. Pierre de Dompérain était de ceux-là, et aussi son homme de confiance.

— Pierre, commençons sans tarder, voulez-vous ? Quelles nouvelles m'apportez-vous ?

Le ministre était à peine entré. Il reconnaissait bien là sa vieille camarade. La Présidente allait toujours droit au but. C'est ainsi qu'elle avait pu accéder aux plus hautes fonctions, puis avait réussi l'exploit de faire modifier la loi pour être nommée présidente à vie. Et c'était grâce à elle qu'il avait ce poste, lui aussi à vie... tant que la Présidente lui faisait confiance. Il était entièrement dévoué à son travail et à la défense de son pays, si bien que pour le moment n'était-il pas vraiment inquiet au sujet de sa place à ses côtés.

— Eh bien Madame la Présidente, il faut bien avouer que les investigations ne progressent pas vraiment. Nous savons qu'il y a de plus en plus d'Omégas dans Paris qui revendiquent plus de droits, mais c'est assez brouillon. Les gens sont prompts à manifester leur mécontentement en ligne sur les réseaux sociaux, mais rien ne semble aboutir.

Il tourna la page de son fichier et parcourut rapidement les lignes de graphiques qui s'y trouvaient avant de les poser sur le bureau de la présidente, puis d'en pointer un du doigt.

— Voyez ici, l'incidence de ces messages est assez stable, et ils proviennent de plusieurs sources. Il ne semble pas y avoir de réelle unité comme nous avions pu en avoir au début de votre présidence au sujet des droits des Bêtas. Mais les Omégas sont tellement moins nombreux qu'il leur est plus difficile de soulever l'opinion publique. Nous avons toujours les mêmes éléments sous surveillance. Les streamers depuis l'étranger sont également observés. Rien n'a bougé cette semaine.

— Bien, parfait. Allons,-y. Le conseil des ministres nous attend.

La Présidente se leva, dégageant une puissante aura d'Alpha, et empocha son sempiternel stylo Bic. Son bras droit lui emboîta le pas, un léger sourire flottant sur les lèvres à la vue de ce banal objet dont elle ne se séparait jamais.

La femme s'arrêta brusquement et se tourna vers lui.

— Voyez avec votre secrétaire si vous avez du temps pour un dîner informel dans les jours qui viennent. Juste vous et moi. Il y a des semaines que nous ne nous sommes pas vus en dehors du travail.

— Bien Madame.

Il fit un geste vers son employé, qui s'était déjà rapproché de celui de la présidente pour trouver une soirée qui conviendrait aux deux partis.

Ils traversèrent quelques couloirs de l'Élysée, d'un pas rapide, et poussèrent la porte du Conseil des ministres où les attendait l'épineuse question du budget de la Santé.

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