12 - Dors

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Non, Markus n'avait pas froid, mais Jasper préférait s'inquiéter pour rien. Parce que oui, maintenant, il s'inquiétait. Markus était fort, Markus maîtrisait ses émotions à la perfection – leur refoulement en tous cas – et Markus était le meilleur élève de la promo. Le plus âgé aussi, car il avait déjà un autre Master en économie des finances publiques obtenu avec brio sur ordre de son père après qu'il ait eu le droit de se distraire trois ans en fac de sociologie. Markus réussissait tout ce qu'il faisait, toujours, et Jasper l'admirait depuis longtemps.

Quand Markus s'était endormi, épuisé, le front contre ses genoux, Jasper avait paniqué un instant et envisagé de rappeler à l'instant la médecin qui ne devait même pas encore avoir atteint sa voiture. Mais Markus respirait régulièrement et il avait marmonné quelque chose lorsque l'Alpha l'avait soulevé pour le déposer au lit. Rassuré de le savoir conscient et tout bonnement exténué, Jasper s'était contenté de défaire le bouton de son pantalon et celui de sa chemise, puis il avait remonté la couette légère sur ses épaules.

Donc Markus n'avait pas froid. Jasper avait demandé pour permettre à Markus d'avoir un prétexte pour chasser sa main des mèches de jais. Mais l'Oméga n'en fit rien, à la grande surprise de son camarade. Il murmura simplement :

— Non. Tout va bien.

— As-tu faim ?

— Non plus. J'suis juste crevé.

L'Oméga, déjà retombé dans un demi-sommeil, se tourna vers Jasper pour enfouir le nez contre lui, quêtant instinctivement les molécules odorantes qui l'apaiseraient. L'Alpha laissa ses cours choir sur le sol au pied du lit et s'allongea en ouvrant le bras pour que son ami vienne s'y blottir. Ce qu'il fit, à la plus grande surprise du jeune homme. Il éteignit la lumière, relâcha une bouffée de phéromones et murmura :

— Alors dors bien, Markus. À demain.

Le lendemain, Markus ne quitta pas le lit. Jasper s'était préparé à une longue bataille à coups d'arguments et de contre-arguments, mais il n'en eut pas besoin : son amant dormit près de quinze heures d'affilée.

L'appartement était plongé dans la pénombre lorsque l'Oméga émergea. Son ami avait baissé les volets roulants pour le préserver de la lumière. Dès qu'il remua pour se redresser, Jasper fut près de lui.

Il s'assit au bord du lit et chassa une mèche brune des yeux de Markus.

— Comment vas-tu ?

— Je... suis fatigué. Désolé.

— Arrête d'être désolé et dors.

Jasper sourit, et tendit un verre d'eau que Markus but d'une traite. De la sueur perlait à son front, signe que la fièvre était encore présente, bien que plus faible que la veille.

— Tu peux te reposer plus longtemps. C'est ce que la médecin a dit, de toute façon. Je ne te laisserais pas partir d'ici, tu le sais hein ?

Markus secoua la tête. Il acceptait les soins que lui prodiguait l'Alpha, sans toujours bien admettre les raisons qu'il avait évoquées. Depuis plus d'un mois, trop de choses s'étaient produites, trop d'angoisses s'étaient ajoutées à celles qu'il vivait déjà au quotidien. Il avait fini par céder du terrain et consentir à s'en remettre à Jasper. Si ce dernier lui disait de dormir, alors, il dormirait. D'ailleurs, il avait sommeil. Bien trop sommeil pour penser. Pour même juste envisager de réfléchir.

Il s'était rallongé, les bras enserrant l'oreiller où il avait plongé le nez. Il dormait déjà presque lorsqu'il murmura :

— Phéromones. Encore.

Jasper ne put retenir le sourire qui éclaira son visage et se pencha, diffusant une bouffée des molécules apaisantes. Il épongea la sueur qui perlait aux tempes de l'Oméga et, mu par une impulsion, l'embrassa juste là, où battait une petite veine bleue. Son Oméga.

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