26 - Secrets

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- Attends... tu as quoi ?

Je n'en reviens pas. Je suis levé depuis deux heures, et si Jasper m'a rejoint très vite, il a fallu plus de temps à Julie et Juan pour émerger. Quant aux autres... ils sont partis depuis trois jours.

- J'ai pris un médicament pour déclencher mes chaleurs.

- Mais... Pourquoi ?

- Ça me semble assez évident, Markus. Pour qu'ils ne te percent pas à jour.

- Comment ça ?

- Mes phéromones sont plutôt fortes. Les chambres de l'étage ne sont pas isolées comme la vôtre. Mes chaleurs les ont indisposés, et ils sont partis prendre l'air ailleurs. Ainsi, ils pensent toujours que tu es récessif.

- Mais... Tu... Toi tu... Comment est-ce que tu...

Du regard, j'interroge Jasper, qui semble aussi perplexe que moi. C'est lui pourtant qui a trouvé le mot laissé par nos amis alphas, mais il parait ne pas comprendre plus que moi ce que Julie explique.

- Juan et moi... faisons partie d'un réseau. Un genre d'association, si tu veux. Un groupe d'entraide. Clandestin. Pour les Omégas. Ta médecin aussi en fait partie. Elle n'a pas rompu le secret médical ! J'ai juste... J'ai un excellent nez, Markus. Je sais depuis le début que ce ne sont pas les phéromones de Jasper. J'en ai parlé lors d'une réunion et nous avons découvert qu'elle t'avait reçu en consultation et donné des médicaments. Quand j'ai dit que nous partions en vacances ensemble et qu'il y aurait des Alphas, elle m'a fourni les gélules et expliqué comment faire. Mais elle n'a donné aucune information sur toi. Promis. Elle m'a juste donné de quoi te protéger parce que j'avais découvert que tu n'étais pas récessif.


****


Jasper déposa le plateau contenant des cafés pour eux quatre sur la table basse et se laissa choir dans le canapé près de Markus.

— Tu ne m'as jamais dit tout ça.

Il faisait un simple constat, mais sa plus proche amie sentit le reproche voilé. Elle lui sourit et se contenta de déclarer platement :

— Tu es un Alpha, Jasper. Tu ne peux pas tout comprendre. Même en étant aussi déconstruit et ouvert, il y a des choses qu'il vaut mieux que tu ignores. C'est mieux pour tout le monde. Même Juan ne sait pas tant de choses que ça. On cloisonne beaucoup. C'est mieux pour tout le monde.

Le jeune homme lui parut un instant sidéré, puis il accepta ses explications, d'un hochement de tête.

Markus, lui, ne disait rien. Il regardait pensivement son mug de café, totalement absent.

Jasper lui caressa la joue.

— Tout va bien, Markus ?

— Je... Oui, je... crois. Je ne comprends juste pas... pourquoi.

— Pourquoi je t'ai aidé ?

— Oui.

— M'enfin Markus ! Parce que tu es un Oméga comme moi !

Elle marqua une pause, puis reprit :

— Et parce que contrairement à moi, tu sembles avoir besoin de cacher ton statut. Et vu ta famille, ça peut se comprendre.

— Mais tu as dû subir...

— Quoi, mes chaleurs ? J'ai l'habitude tu sais, ça m'arrive une fois par mois depuis pas loin de dix ans déjà. Et puis Juan était là. Il y a beaucoup de choses que tu dois apprendre, Markus, et nous avons assez peu de temps.

Markus hocha vaguement la tête. En effet, leurs camarades Alphas avaient prévus de revenir quelques jours plus tard, après un court séjour chez un autre ami et un festival musical sur la côte nord.

Ils étaient donc quatre à la villa Tahéal pour moins d'une semaine.

— Apprendre quoi ?

Julie le regarda avec un sourire, puis but une gorgée de café, qu'elle avait rallongé avec un peu de lait et du sucre, sous le regard horrifié de Jasper qui ne le buvait que noir, et qui ne manqua pas de se moquer d'elle, comme à peu près tous les matins depuis leur arrivée en Bretagne.

— Des taaaas de choses, mais le plus urgent, c'est à utiliser tes phéromones. On nous apprend depuis toujours à nous méfier des nôtres, à les cacher, on nous laisse entendre que c'est dangereux et que c'est ça qui rend les Alphas fous et agressifs, comme si c'était de notre faute, alors que c'est totalement faux. Tout comme eux, nous pouvons nous en servir, et les moduler pour communiquer. Jasper est un des meilleurs que je connaisse chez les Alphas. Et tu as de la chance, je suis une des meilleures Omégas. Juan est de plus en plus adroit aussi, nous allons donc pratiquer ensemble et Jasper servira de cobaye.

— Hein ?

Le jeune Alpha regarda les Omégas face à lui en clignant des yeux, provoquant leur hilarité.

Julie se pencha et lui tapota le bras avec une feinte sollicitude.

— Allons, allons, ne panique pas. Le pire qu'il puisse t'arriver c'est de vomir.

Puis elle expliqua comment les Omégas pouvaient utiliser leurs phéromones. Tout comme les Alphas, leur odeur pouvait subtilement changer pour indiquer une émotion forte, ou au contraire aider leur partenaire ou leur enfant à contrôler les siennes. Cela se faisait assez naturellement, sans y penser. Ce qu'elle souhaitait apprendre à Markus, cependant, c'était à les provoquer. Elle détailla comment, en apprenant à reconnaitre ses propres émotions et la manière dont cela affectait son corps, l'on pouvait ensuite provoquer ces changements et émettre ces phéromones de manière consciente.

Markus l'avait expérimenté, puisque Jasper le faisait constamment. Il saisissait très bien la subtile différence entre celles dont l'Alpha le couvrait tous les jours, qui indiquaient clairement la possessivité et la défiance, et celles qu'il émettait lorsqu'il l'aidait à gérer une crise d'angoisse.

Juan et Julie montrèrent que la colère, la fureur, ou la peur pouvaient faire produire des phéromones si puissantes qu'elles pétrifiaient brièvement un Alpha, ou le rendaient malade.

Markus travaillait dur, et chaque soir il se couchait épuisé et migraineux, tant les odeurs des uns et des autres le sollicitaient. Pourtant, il ne maitrisait absolument pas cette capacité, et se persuadait qu'il en était dépourvu. Jasper lui massait les tempes et diffusait des phéromones apaisantes jusqu'à ce qu'il s'endorme. L'Alpha était dépité de voir son ami en échec. Il sentait la frustration de l'Oméga, qui comprenait très bien la théorie mais se heurtait toujours à la réticence de son corps. Comme depuis ses premières chaleurs, Markus refusait tout ce qui faisait de lui un Oméga au lieu d'embrasser sa condition, et tous les efforts de ses amis pour l'aider à en faire une force semblaient vains. Et les leçons durent cesser dès que leurs camarades revinrent à la Villa Tahéal.

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