29 - Chutons

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Je n'arrive pas à faire ralentir les battements de mon cœur. Ses mains sont sur moi. Tout le temps. Il fait mousser le savon entre ses paumes et les pose sur ma nuque, mon épaule, mon bras. Il me lave comme un petit enfant. Je m'en remets totalement à lui. Ses doigts glissent de mon biceps au creux de mon coude et je dois me concentrer de toutes mes forces pour ne pas frissonner. Il me rince, en prenant garde de ne pas mouiller le pansement de ma paume. Je ferme les yeux. L'eau chaude dénoue mes muscles tendus. Il me savonne l'autre épaule, l'autre bras. Je me crispe un peu. C'est dans cette paume là qu'il y a des sutures. Mais je m'inquiétais pour rien : il est encore plus prudent. Je me penche en avant, et il me masse. Je n'ai rien demandé, mais il m'a senti me raidir. Je m'en remets à lui. Comme souvent. Non. Soyons honnête : comme toujours. Ses doigts pétrissent mes muscles douloureux, rincent des égratignures dont j'ignorais l'existence, s'appliquent à me rendre une apparence humaine, à me rendre à moi-même. Lentement, ils glissent dans mes cheveux et l'odeur du shampooing solide qu'il utilise se mêle à celle de ses phéromones, qu'il diffuse pour m'aider à me détendre.

Je m'adosse confortablement dans la baignoire. Il est assis sur un tabouret derrière moi et comme pour mon dos, le lavage de mon crâne se mue lentement en massage.

C'est tellement bon...

J'en oublie la légère pulsation dans mes paumes qui augmente pourtant à mesure que les anti-douleurs reçus à l'hôpital s'estompent. J'inspire son odeur, je m'en emplis et j'exhale pour mieux m'en emplir encore. C'est bon. C'est chaud. Ça picote dans le bas de mon ventr... NON !

Non non non non non !

Cela ne peut pas se produire !

Pas maintenant !

Pitié non !

Je me redresse, je pose mon front sur mes genoux remontés.

Pourvu que ça passe ! Il faut que ça passe ! Vite...

Derrière moi, Jasper bouge à peine. Il a dû croire que je voulais qu'il me masse encore le dos, car ses mains glissent le long de ma colonne vertébrale, jusqu'à ma taille, et... et...

— Jasper ! Ne... Non !

Les mains m'abandonnent. Je l'entends s'accouder à la baignoire. Mes joues me cuisent de honte.

— Je suis désolé. Si tu me laisses un moment, ça va passer. Tu n'as pas à... Je ne suis pas... Ce n'est pas mes chaleurs, Jasper. Je suis désolé.

— Attends, quoi ?

Ses longs doigts plongent dans mes cheveux, il me tire doucement en arrière pour croiser mon regard mortifié.

— Markus, quel est le rapport ? Tu... tu penses que je me force ou que je te propose mon aide ? par... par...

— Non ! Non, je sais que tu ne me prends pas en pitié mais... juste...

— Merde, Markus... tu en es encore là ?

Sa main s'égare dans mon cou et je ne sais pas quoi répondre, je ne comprends pas de quoi il parle. J'ai du mal à me concentrer parce qu'une part de moi n'a qu'une envie c'est bondir et partir en courant cacher ma honte ailleurs et une autre ne veut surtout pas qu'il cesse de caresser mon cou, même à travers le tissu du collier. Je ne comprends pas. Je dois me ressaisir.

— Markus, on est ensemble depuis des semaines. On s'entend bien. On vit pratiquement ensemble. C'est juste... normal de se désirer. Et je t'aime.

— Oui, oui, tu me l'as déjà dit, on est amis. Mais Jasper, je n'ai jamais demandé à mes amis de me branler juste parce que j'ai les mains blessées !

— Ah.

Ses doigts quittent mon cou, il m'abandonne, il va quitter la pièce et me laisser seul me ronger de honte et... et... il tire le tabouret pour me faire face ?

Il m'a rarement regardé aussi intensément et je resserre mes bras autour de mes genoux écorchés. Je me sens mal à l'aise.

— Je suis désolé, Markus. Je pensais vraiment être plus transparent sur mes sentiments. J'ai oublié que tu n'es pas très à l'aise avec la compréhension des émotions. C'est vrai, je t'ai dit que je t'aimais comme j'aime mes amis.

Je l'ai rarement vu aussi peu sûr de lui. Je me redresse un peu, je ne sais pas où poser mes yeux, ni ma main, et d'ailleurs il la prend entre les siennes, sans toucher à ma paume parce que même là il reste conscient des besoins de mon corps mieux que moi. Et il reprend avant que j'aie pu trouver quoi que ce soit à répondre :

— Mais depuis ce moment me sentiments ont évolué. Je t'aime-aime. Je veux dire... Je suis amoureux de toi. Et... Et moi aussi je bande depuis que j'ai commencé à te savonner. Douloureusement.

Un regard me le confirme. Son pantalon en toile, encore tâché de mon sang, semble très tendu et je... je dois regarder ailleurs. Mais pas son torse, parce que sa chemise est ouverte et que sa peau, sa peau me donne envie de... Je voudrais penser à autre chose mais je ne peux que tourner la tête et ouvrir et refermer la bouche stupidement, comme un poisson hors de l'eau.

C'est encore lui qui doit me rassurer. Alors que je suis plus âgé, bon sang !

Ses phéromones emplissent encore mes poumons, sa main glisse sous mon menton et ses yeux se plantent dans les miens.

Je ne peux pas lui échapper... Mais il ne fait rien pour s'imposer. Je vois qu'il hésite. Qu'il pèse ses mots.

— Je suis heureux que tu aies envie de moi, Markus. J'ai envie autant que toi. Est-ce que... tu penses que... tu pourrais... me faire confiance ?

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