Cherche et trouve

14 - Du temps

Jasper s'enfuit vers la salle de bain et s'y enferma avant d'expirer lentement : il retenait sa respiration depuis de longues secondes pour éviter de s'exposer aux phéromones iodées de l'Oméga.

Il ferma les yeux, adossé à la porte, le temps de calmer un peu les battements affolés de son cœur. C'était la première fois qu'il sentait l'odeur de Markus à aussi faible dose et c'était, curieusement, cette subtilité qui lui faisait perdre l'esprit. Ça, plus le tissu noir chatoyant qui attirait sans cesse son regard vers cette nuque désormais interdite.

Agacé par les réactions incontrôlables de son corps, il jeta ses vêtements dans la machine à laver et se rua sous l'eau brûlante, empaumant ce qui exigeait un soulagement immédiat. Il étouffa une plainte entre ses dents serrées. Ah, c'était facile de fanfaronner devant Markus qu'il n'était pas un monstre et savait se tenir ! Vraiment, « j'ai une main droite et quelques films ! » tu parles ! Nul besoin de support vidéo. Derrière les paupières closes de l'Alpha, Markus gémissait, les yeux presque révulsés de plaisir. Il se tortillait sous les grandes mains mates qui caressaient sa peau claire. Ses jambes souples s'enroulaient comme des lianes autour de sa taille. Son souffle court pulsait au creux de son cou. Ses doigts de pianiste crispés sur son dos. Tout de Markus était infiniment érotique, et Jasper, peu à peu, se perdait dans les souvenirs des dernières chaleurs de l'Oméga. De leurs épidermes surchauffés et du plaisir le plus intense qu'il ait jamais éprouvé de sa vie, le nez enfoui contre la clavicule de son aîné, pour inspirer ses phéromones au parfum unique.

La jouissance ne l'apaisa pas, pas assez en tous cas, pas assez pour chasser l'image de Markus de derrière ses paupières. Il renversa la tête en arrière, laissant l'eau chaude pleuvoir sur son visage, dans l'espoir de faire taire un peu ses émotions, d'éteindre son cerveau et d'en expulser l'Oméga. Au moins quelques instants.

Mais il fut forcé d'admettre qu'une douche ne suffirait pas : son camarade occupait toutes ses pensées depuis de longues semaines à présent et il lui fallait bien accepter l'évidence. Tout de Markus lui plaisait, de la douceur de sa peau jusqu'à la manière qu'il avait d'ordonner ses stylos, toujours de la même manière, lorsqu'il travaillait. Et peu à peu il apprenait tout de lui, ses goûts, ses manies, sa tasse préférée, les aliments qu'il laissait sur le côté de son assiette sans y toucher, et il découvrait que sous le jeune homme revêche et hautain se cachait une personnalité parfois bouillonnante... et surtout terrifiée par les carcans familiaux.

Comme ce tissu chatoyant qui était venu coller à son cou. À sa nuque. S'il avait su, Jasper l'aurait mordu lors de ses dernières chaleurs... Non ! Non, il ne pouvait penser cela.

Malgré lui, il passa sa langue sur ses canines, une action devenue machinale depuis un moment et qu'il choisit d'ignorer, bien qu'il ait été alerté sur sa signification depuis l'adolescence.

Il n'avait pas le temps de s'attarder sur ça. Il y réfléchirait une autre fois.

Pour l'instant, il fallait... qu'il finisse de se doucher, après avoir dompté son corps, ce traître.

D'un geste presque rageur, il s'empoigna à nouveau, partagé entre désir et culpabilité.

Quelques trop longues minutes plus tard, il émergeait de la salle de bain, traînant avec lui une vague sensation de honte.

Markus était recroquevillé dans l'angle du sofa, les bras passés autour de ses genoux, comme s'il voulait empêcher son corps de lui échapper. Jasper s'installa près de lui et esquissa un mouvement pour poser la paume sur la nuque de l'Oméga, comme il le faisait de plus en plus souvent. Il se retint juste à temps. Le tissu noir le lui interdisait.

— C'est immonde, hein ?

Il pencha un peu la tête, cherchant à croiser le regard de Markus, dont la voix tremblait encore. Son aîné gardait obstinément le front appuyé sur ses genoux remontés, alors Jasper se contenta d'effleurer sa joue, puis de glisser les doigts dans les mèches brunes.