Chapitre 9 -Le collectionneur

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La première destination de Richa fut les sous-sols d'Inteliore, qui se rapprochaient grandement de ceux de Plainiore, avec son organisation de toute une vie parallèle dédiée à la contrebande humcréa. Elle y découvrit que le nom de Yennaël s'avérait des plus pratiques dans cette communauté pour obtenir les informations dont elle avait besoin, les indications fournies par le rouquin ne le suffisant pas pour trouver cet homme dont il lui avait parlé.
Alors qu'elle se souvenait encore du mur de silence et d'indifférence auquel elle s'était heurté lorsqu'elle avait tenté de se renseigner dans les catacombes d'Inteliore, il lui suffit de donner le nom de Yennaël à son interlocuteur pour qu'on lui dise ce qu'on savait.
C'était cependant probablement car le jeune homme était préalablement venu se renseigner sur le même sujet il y avait quelques jours, sinon, elle doutait qu'on ne lui aurait pas répondu, n'ayant aucune preuve du lien qu'elle possédait avec Yennaël, quelle qu'en soit la nature.
Grâce aux différentes réponses qu'on lui donna, elle put localiser une adresse dans la ville, remontant jusqu'au domicile de cet homme, que tous lui décrivirent comme poli, courtois et charmant, bien qu'également quelque peu doucereux, assez loin du personnage inquiétant que lui avait présenté Yennaël, mais elle préférait se fier à l'avis du jeune homme qu'à celui d'inconnus.
Suivant donc ces indications, elle gagna les hauts quartiers de la cité, ceux situés, non pas à proximité du centre, mais vers l'extérieur de la ville, emplacement qui permettaient aux demeures de profiter d'un parc les entourant et d'un plus grand espacement entre elles.
Remontant la rue soigneusement entretenue aux pavés parfaitement réguliers et bordée des deux côtés par des orangers, en longeant les élégantes habitations dont les tuiles colorées formaient des motifs ou bien dont les murs étaient décorés de mosaïques, de verre pour les plus riches ou bien de terre cuite, elle les détailla à la recherche de celle correspondant à la description qu'on lui avait dressée.
Il n'allait cependant pas falloir qu'elle tarde à la localiser car elle risquait de se faire repérer comme quelqu'un de suspect à observer ainsi ces demeures aisées et possiblement signaler aux autorités de la capitale. En effet, alors qu'elle avançait, les quelques passants qu'elle croisa, tous élégamment vêtus, la dévisagèrent en lui faisant clairement comprendre qu'elle n'avait rien à faire parmi eux et qu'ils désapprouvaient sa présence, que ce soit par leur regard, leur expression, par des têtes secouées de gauche à droite, des claquements de langue méprisants ou des commentaires qu'ils ne cherchèrent même pas à rendre discrets.
Si une telle réaction n'avait pas risqué de compromettre ses chances d'exploiter la piste qu'elle poursuivait, Richa ne serait pas privé pour leur faire ravaler leur supériorité qui n'était légitimée que par l'argent. Jugeant donc cela plus prudent, elle se contint, même si cela exigeait d'elle un grand effort personnel, les poings serrés et les mâchoires contractées, mais sa contrariété trouva un autre chemin pour s'exprimer. Un vent puissant chargé de l'odeur d'iode et du parfums des arbres cultivés dans les vergers non loin ne cessa de souffler dans le quartier en soulevant la lourde chevelure de Richa.
Repérant une demeure s'élevant sur trois étages et dont le corps principal était doté de deux autres ailes qui s'y accolaient, plus basses, elle stoppa. Les murs recouverts d'un crépis blanc crème contrastait avec les tuiles dont le camaïeu de bleus évoquait la mer en bordure de laquelle la cité se dressait, à moins que le motif imprécis ne représente le ciel. Un rosier aux fleurs pâles s'accrochait à la façade et était la seule trace de plantation puisque le reste du jardin semblait plutôt sauvage, bien qu'entretenu, avec des herbes folles et de hauts pins parasols, qui camouflaient partiellement la demeure depuis la rue.
Malgré sa vision particulièrement développée de demie-elfe, Richa ne parvenait pas à distinguer la moindre chose à travers les fenêtres dont le verre des carreaux alternait entre le rouge, le vert et le jaune.
L'endroit correspondait à ce qu'on lui avait décrit et l'homme qu'elle souhaitait questionner vivait ici.
Ne faisant que peu de cas du portail et du mur d'enceinte entourant la propriété, elle força la serrure après avoir vérifié qu'aucun témoin n'était présent pour la dénoncer. Le vent ayant dissuadé les riverains de s'aventurer à l'extérieur limitait ce risque. Elle franchit ensuite la grille sans difficulté en la refermant derrière elle.
A mesure qu'elle approchait de la demeure, elle se demandait de plus en plus si celle-ci était réellement occupée puisqu'aucun signe de vie ne semblait en émaner, pas un mouvement derrière les fenêtres ou un quelconque domestique venant à sa rencontre.
Sur le seuil, elle stoppa et examina à nouveau la maison, doutant soudainement d'y trouver les réponses qu'on lui avait fait miroiter.
S'en assurant néanmoins, ne se contentant pas de cette impression, elle cogna plusieurs coups contrela porte, suffisamment forts pour qu'ils soient audibles de n'importe quelle position dans la demeure, mais on ne se manifesta pas davantage, pas un bruit autre que le vent dans les branchages.
Insistant encore, elle ramassa une petite pierre, trop légère pour causer des dégât, et, prenant un peu d'élan, elle la lança sur l'une des fenêtres du deuxième étage contre la vitre de laquelle elle rebondit avant de retomber à terre.
Son obstination dut suffisamment agacer le propriétaire car, cette fois, des déplacements se firent entendre de l'autre côté de la porte, qui s'entrouvrit pour laisser passer un œil brun parcouru de reflets d'autres couleurs.
Alors que cet œil examinait Richa dans les moindres détails, une voix masculine s'enquit, sur la défensive :

Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 3 : La Piste du Sang-mêlé [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant