Chapitre 16 - Les inévitables égouts

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Les jours de voyage qui suivirent se déroulèrent sans incident notable. Probablement car Richa et Yennaël n'avaient communiqué qu'un minimum lorsque cela s'était avéré absolument nécessaire. Le silence s'était donc imposé durant la majorité du trajet, nourrissant cette éternelle tension qui pesait toujours entre eux. Heureusement, la plaisante proximité avec la mer avait contribué à partiellement la dissiper.
Le trajet avait également contribué à permettre à la blessure de Yennaël de cicatriser, aidée dans ce processus par l'onguent d'Alerrin, qu'il avait dû appliquer seul.
La silhouette de Tikka se dressant non loin leur permit de changer l'orientation de leurs réflexions, du moins, dans le cas de Richa.
Comme attendu, la cité était bien plus modeste que la capitale. Les habitations, peintes de crépis colorés et aux toits dont les tuiles se déclinaient en différents camaïeux de couleurs, étaient basses et, si elles se resserraient vers le centre, elles s'étalaient en des bras qui s'étendaient parmi les vergers d'agrumes et les oliveraies. Cela conférait une forme d'étoile imprécise à la ville.
Le seul bâtiment qui s'en détachait réellement était la masse d'un blanc éclatant du poste de la Flamme Blanche.
La frontière avec les Terres de Fer se situait à quelques kilomètres derrière, uniquement définie par les accords entre les deux royaumes, et, à sa suite, se profilait les frondaisons de la Forêt de Zbagodd, qui éveillait des souvenirs qu'elle préférait bannir de son esprit dans la mémoire de Richa.
Les rues de Tikka se révélèrent calmes et peu bruyantes, ce qui s'expliquait certainement par le fait que la majorité des habitants se trouvait actuellement en train de travailler dans les terres agricoles alentours. Une bonne partie des citadins était employée par les propriétaires terriens qui composaient le reste de la population locale. En revanche, l'activité dans les vergers qu'ils venaient de traverser était particulièrement élevée.
Yennaël avait rabattu la capuche de son habituel manteau en cuir et toile pour camoufler ses traits lors du deuxième jour de voyage et il ne l'avait plus retirée depuis. Richa savait plus ou moins que le jeune homme était recherché par la Flamme Blanche à cause de ses activités d'opposants mais elle ne s'était pas douté que c'était à ce point.
Il n'y eut que peu de badauds pour observer leur passage, personne pour témoigner de leur progression jusqu'au poste de la Flamme Blanche, ce qui les arrangeait.
Comme dans les autres villes de l'Enclave que Richa avait déjà eu l'occasion de visiter, l'édifice blanc se dressait sur la place principale face à l'office de l'échevin. L'éternelle même bannière blanche brodée d'un motif de flamme tout aussi clair s'agitait mollement dans le vent. Un monticule de bois avait été installé devant, un bûcher qui attendait son combustible principal. Il n'allait pas falloir que Richa tarde à trouver cet elfe pour l'interroger.
Seulement, comment entrer dans ce poste ? Ils n'allaient certainement pas pouvoir user d'une stratégie aussi simple qu'à Inteliore. La seule solution demeurait l'infiltration et, pour ce faire, elle devait posséder une certaine connaissance des lieux, seulement un minimum. Relevant donc tout élément pouvant s'avérer utile, elle observa le bâtiment.
Deux tours carrées s'élevaient en prolongement de la façade, percées par des vitraux représentant des flammes claires, encore et toujours. Pour le reste, il s'agissait d'un édifice rectangulaire, plus grand dans le sens de la longueur que de la largeur, entièrement crépi de blanc aux hautes fenêtres étroites à croisillons derrière lesquelles on apercevait quelques silhouettes blanches se déplacer. D'autres se tenaient devant l'entrée, surveillant attentivement tous les mouvements alentours.
Cet examen n'aidait pas davantage Richa à construire une stratégie pour entrer. Elle manquait d'informations.
Heureusement elle avait sous la main quelqu'un qui en possédait probablement davantage par son objectif. Yennaël ne servait pas qu'à la frustrer en exacerbant ses sentiments contradictoires.
Ouvrant la bouche, elle se tourna vers le jeune homme qui se tenait derrière elle, mais, avant qu'elle ne formule une syllabe, il lui plaqua une paume sur les lèvres, les gardant scellées, et la tira en arrière pour l'entrainer dans une venelle. Se débattant, elle se dégagea violemment pour faire face à Yennaël.
Ce dernier lui indiqua l'entrée de la ruelle devant laquelle passa une patrouille composée de douze Hommes Blancs. Richa aurait dû le deviner et être prudente. Il n'y avait rien de surprenant à ce que la présence des Hommes Blancs soit forte autour du poste, mais, comme bien souvent, elle n'y avait pas songé, emportée par ses émotions et par ses pensées.
L'enjoignant à le suivre d'un geste, Yennaël s'enfonça dans la venelle, prenant un peu de distance avec la place pour discuter de la manière dont s'infiltrer dans l'édifice.
S'installant contre un mur de briques, ils réfléchirent en silence. Du moins, Yennaël s'abîma dans ses réflexions alors que Richa attendait qu'il se prononce sur la situation.
S'impatientant, elle l'interrogea directement :

Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 3 : La Piste du Sang-mêlé [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant