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6 février 22

C'est un comédien très spécial
Qui ce soir-là, foule la scène
Debout malgré les nuits glaciales
Passées à jouer de sa lyre vaine
Oh ! oui son cœur est tout à peine
Fraîchement déçu de l'Idéal,
Que l'ange déchu avance et tienne :
C'est un comédien très spécial

On le regarde au fond des yeux
Comme pour épier ces bleus étals,
Y trouver de quoi rire un peu,
Combler un vil besoin bestial,
Pour renverser tel un vandale
Ses airs de fou élu des dieux
Mais le poète ignore le mal
Ah ! qu'il est gré d'être malheureux !

L'audience se tait, l'homme se fait pâle
Tremblant déjà, les mots le tiennent
Il sent Phoebé, s'en sait féal
Et fait céder les valves tièdes
De son cœur et mal et remède,
Portant son drame viscéral,
Il sent en lui une force sereine
L'audience se tait, l'homme se fait pâle

Sûr d'être né pour éprouver
Une vie dense aux deux extrêmes,
Maudit et par le verbe scellé,
Il est celui qui sait et sème ;
Offrant entier tout ce qu'il est
Dans un regard plombé d'ébène,
Il dit
Sa peine.

Quand le silence refait surface,
Ses ailes en plein vol s'effacent.
Dans les ténèbres du théâtre
S'allument épars des feux rougeâtres,
Dans cet espace passent et repassent
Tous les torrents du blanc tenace :
Et ainsi l'homme et ses brûlures
Se noient dans la littérature.

- Menteur ! crie-t-on
depuis les tranchées de velours
Et l'artiste, sous les sifflets
Reste immobile et pris de court.
Seul face à l'averse de tomates
Qui fait saigner sa masse grise
Et lui donne ses premiers stigmates,
Si désolé, il réalise.

Coupable de la seule frasque
D'avoir ouvert son cœur en deux
- Naïf enfant, le poing à l'aine,
L'autre main morte pour seul casque,
Il s'en va en cachant ses yeux
Car un fruit trop mûri de haine
A dû le toucher sous son masque.

Mourir est un art intérieur :
C'est adresser stoïquement
Un regard froid au grand cadran
Quand celui-ci crie sonnant l'heure.

Saison déraisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant