Chapitre 17 : Chaque bouffée que tu respires.

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PDV EMMA :

Nous nous mettons au lit après cette fin de soirée mouvementée. La femme que j'aime ne décroche pas un mot depuis ma demande de voir un psychologue. J'essaie tout de même d'avoir une discussion en tête-à-tête avec elle. J'ai non seulement besoin d'être rassurée, mais besoin de la rassurer elle aussi. C'est plus fort que moi, je suis tellement attaché à elle.

- Cheryl, ça fait 13 ans. Dis-je tout bas.
- Je le sais ! Je ne me suis pas encore remise de la mort de Tamsin. Et je sais ce que tu penses, Emma, je sais que tu as raison.
- Je sais.
- Ça fait 13 ans, j'en suis très loin et je déteste ça. Je déteste le fait que malgré que ça fasse autant de temps, chaque matin, je me réveille aussi malheureuse. Je déteste devoir enfouir au fin fond de moi tout ce désespoir parce que je ne suis pas seule. Tu vois, Emma, je ne suis pas seule, il y a Jessy.
- Je sais bien...
- Je déteste me dire que même si j'arrive à le cacher, demain, ce sera la même chose. Chaque jour n'est que désespoir et tristesse. La même douleur qu'au premier jour, mais il y a Jessy, son portrait cracher. Il y a toi, aussi avec Pauline. Je ne suis pas seule, il n'y a pas que moi qui souffre, mais c'est tout ce qu'il me reste.
- Es-tu attaché à ta tristesse ?
- Sûrement, je ne me vois pas vivre sans, tout comme je ne me vois pas continuer d'avancer sans ma culpabilité.
- Je comprends que ta femme ait beaucoup comptée pour toi, c'est normal mais...
- Ce n'était pas que ma femme. Dit-elle en me coupant. C'était ma meilleure amie. La première personne à m'aimer tel que je suis, malgré mon passé et mes casseroles. Elle était absolument tout pour moi, pas seulement la personne qui partageait mon lit. Même en colère contre moi, elle faisait tout pour moi, pour me défendre et me rendre la vie plus agréable. Tu ne sais pas ce que c'est, toi, de voir tout ton monde s'effondrer en un claquement de doigts. De devoir prendre une décision qui te fera te détester jusqu'à la fin des temps. Emma, tu es gentille à vouloir m'aider, mais ne crois-tu pas que tu fais plutôt tout cela pour toi et non pour moi ? Après-tout, c'est toi qui le vie mal.

Ma gorge se serre après son petit monologue. Elle ne comprend pas ce que je lui dis ou ce que j'essaie de lui dire. Cheryl reste ancré dans ses retranchements, à vouloir m'écarter de tout.

- Tu as conscience que j'ai raison, mais tu restes ainsi. Je ne comprends pas.
- C'est comme ça. Nous pouvons très bien vivre heureuse, toi et moi, tout en restant ainsi. Ma douleur n'est pas la tienne. Je ne te demande rien vis-à-vis du père de Pauline, ni pourquoi vous vous êtes séparés.
- Tu penses que nous sommes heureuse ?
- Actuellement, non. Mais on pourrait l'être.
- Comment ? Explique-moi comment. En ayant des œillères ? Ce n'est pas une vie que d'ignorer tes sentiments. Ça ne me fait pas plaisir de savoir que tu pleures tous les jours.
- J'entends bien, mais c'est comme ça, on n'y peut rien.
- Tu ne veux surtout rien faire pour arranger ça. Tout ça te plaît finalement. Et concernant le père de Pauline, quand je lui ai appris ma grossesse, il s'est drogué jusqu'à se provoquer une overdose. Il était hors de question pour moi que mon enfant grandisse dans ces conditions.
- Et c'est ton choix ! Tu as certainement bien fait, je ne suis personne pour juger !
- J'ai toujours été honnête avec Pauline, sur n'importe quel sujet.
- Je ne dis pas le contraire, Emma.
- Toi, tu n'es même pas honnête avec toi-même.

Cheryl ouvre la bouche, mais la referme aussitôt. Elle part chercher son ordinateur portable, puis s'installe de nouveau dans le lit auprès de moi. Elle sort une clé usb de son tiroir de table de nuit puis la branche à l'ordinateur.

- Jessy m'a donné ça en reprenant l'entreprise, c'est de la part de Tamsin. Je ne sais pas ce qu'elle contient. Tu veux bien le découvrir avec moi ?
- Je ne pense pas que cela me concerne Cheryl.
- Comme tout ce qui la concerne, mais tu me donnes ton avis sans arrêt. J'apprécie ce que tu fais pour moi. Tu penses que je suis malhonnête, alors regardons ça ensemble. Tu pourras voir comment je réagis sur le moment, tu n'auras pas à chercher la vérité ou mes sentiments. Tu verras tout en direct et tu verras que sur ce point tu te trompes.

Je fronce des sourcils avant de la serrer dans mes bras. Elle ressert l'étreinte, puis ouvre le dossier de la clé usb.
Des documents en format Word apparaissent ainsi qu'une vidéo. Cheryl l'a lance sans attendre.
Un gros plan se fixe sur une femme blonde, Tamsin. Ses yeux sont cernés, son visage impacter par la maladie, mais un sourire sincère est scotché sur son visage. Quelques secondes passent avant qu'elle ne prenne la parole, elle semble chercher ses mots, se concentrer. Ça commence.

« Bébé,
Ouah, bébé... Ça sonnait bien mieux dans ma tête ! Dit-elle en riant.
Cheryl, il ne faut pas que tu pleures encore tant d'année après mon départ.
Je me doute que ça fasse ma, à ta place, je serais dévastée.
Tu sais que mon but principal dans ma vie était que tu sois heureuse ? J'ai toujours tout fait pour toi, pour que tout aille bien pour toi. Je l'ai fait avec amour, toujours par amour.
Maintenant, c'est à toi de faire un truc pour moi. J'aimerais que tu ailles de l'avant, je te connais, je sais qu'à ce jour, tu continues de me pleurer. Je ne veux pas que tu continues à te faire du mal comme ça. Je sais que tu penses que si tu passes à autre chose, pour toi, cela voudrait dire que tu m'oublies, que tu ne m'aimes plus. Mais entre nous, nous savons aussi bien l'une que l'autre que c'est faux.
Avance, Cheryl, sois heureuse, sois bien, vie. Vie pour toi, pour moi.
Tu vas retrouver quelqu'un sans difficulté !
Tu as le droit au bonheur, Cheryl, ça ne veut pas dire que tu me trahis, ça voudrait dire que tu m'aimes assez pour avancer, même sans moi. Je ne suis pas la seule raison de ton bonheur contrairement à ce que tu crois. Les années vont passer, la douleur va s'estomper, même si tu ne le souhaites pas. Et il faut que ça fasse moins mal. Crois-moi, je ne t'ai jamais menti. »

Tamsin cherche ses mots, elle a prononcé cette dernière phrase avec énormément de difficulté. Cheryl pleure en silence, les yeux rivés sur l'écran. Un nouveau sourire de la blonde fait son apparition et provoque celui de ma rousse.

« Tu ne peux pas passer ta vie à être malheureuse. Tu l'as assez fait, avant moi, après moi.
Nous avons eu une belle vie ensemble, courte, mais magnifique. Il vaut mieux peu que pas du tout, tu ne penses pas ?
S'il te plaît, fais ça pour moi, mon cœur.
Je ne peux pas t'aider et tu n'as pas besoin de mon aide, ni de moi.
Tu n'as pas besoin de moi pour ça, Cheryl. Je t'aime, je t'aimerais jusqu'à la fin des temps, mais tu es toujours là contrairement à moi.
Retrouve quelqu'un, bâtis quelque chose de beau, sois amoureuse. Promis je ne serais pas jalouse ! Rit-elle encore.
Chérie, j'attendrais que tu me rejoignes, si c'est ce que tu veux entendre, mais ça va prendre des années. Je préfère te voir, de là-haut, pleine de vie, riant, plutôt que triste et morose.
Si tu n'as rien fait de ce genre depuis tant d'années, que tu attendais ma bénédiction, tu l'as. Cheryl, tu as toute ma bénédiction et je suis désolée que tu vois tout cela une fois que Jessy soit majeur. Mais comprend moi, je ne pouvais pas te donner cette vidéo de suite.
Si une personne qui t'aime essaie de t'aider, laisse la faire ! N'affronte pas cette situation toute seule... Tu as le droit d'être vulnérable, triste ou en colère. C'est à moi que tu dois en vouloir et non à toi. Tu as tout fait pour moi, ne te prends pas pour responsable, mon cœur. »

Une autre coupure se fait pendant le monologue. Je serre Cheryl de toutes mes forces contre moi. Je sens son cœur battre si fort à travers mon corps, ma tête poser sur son épaule. Nous attendons que le monologue reprenne, mais il se fait attendre.

« J'aimerais que tu sois aussi heureuse à présent que je l'ai été avec toi. Ne pense pas que ça ferait de toi une personne égoïste, bien au contraire. Tu as du temps devant toi alors fais absolument tout ce que tu veux du moment que tu es heureuse. C'est tout ce que je te demande, d'être comblée, avec quelqu'un qui t'aime, qui prend soin de toi et pourquoi pas que cette personne te tienne tête ! Tamsin rit une fois de plus.
Ta petite tête que j'aime tant, quelqu'un d'autre l'aimera et j'en suis fière.
Je ne veux pas que tu passes le restant de ta vie seule, Cheryl, tu ne le mérites pas. Marche la tête haute et avance maintenant. Il est temps.
Je t'ai aimé Cheryl, à un point inimaginable et c'est encore par amour que je te dis tout ça. Je ne t'en voudrais jamais. J'ai passé ma vie à tout faire pour toi et je continuerai à vouloir le meilleur pour toi après ma mort.
Vie, mon amour, je t'en supplie, remplis le cœur de quelqu'un d'autre. Ne prive pas une personne géniale de toi comme je te prive de moi. Tout finira par aller mieux, je te le promets. Mais pour ça, il faut que tu fasses le premier pas, après ça, les autres viendront tout seul. »

Cheryl met la vidéo en pause à quelques secondes de la fin. Elle se mouche, essuie ses larmes et relance la vidéo.

« Je t'aime, Cheryl, aujourd'hui et à jamais. »

L'exposition de la vérité a un prix [TOME 4]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant