87. Par-delà nos rêves

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Zoro ralentit sa marche comme il arrivait en vue de l'antre des cuisiniers. La détermination irrépressible qui l'avait envahi quelques instants auparavant l'avait poussé à rejoindre le blond sans plus réfléchir mais maintenant qu'il allait se confronter à lui, les défauts liées à sa démarche lui sautaient aux yeux, le faisant douter. Qu'allait-il dire à Sanji ? Qu'il avait bien réfléchi et qu'il voulait partager à nouveau une relation avec lui ? Mais de quel droit ? Alors qu'il était lui-même parti, repoussant leur attachement pour mieux se consacrer à son rêve. Peut-être n'avait-il plus peur de ce qu'il ressentait à présent mais n'avait-il pas déjà manqué à sa promesse lorsqu'il s'était détourné en invoquant sa propre faiblesse face à l'intensité de leurs sentiments ?

Zoro soupira. Il avait probablement commis des erreurs d'appréciation à l'époque et le temps lui permettait désormais de voir les choses sous une autre lumière. Il ne pouvait cependant pas revenir en arrière mais il lui restait la possibilité d'exposer son ressenti au blond pour demeurer le plus honnête possible envers lui-même et le plus respectueux envers ce qu'ils avaient partagé. Et tant pis s'il devait se mettre à nu et livrer ses émois les plus intimes. Sanji s'était bien dépouillé de tout pour tenir l'engagement qu'ils avaient pris, il lui revenait donc de tenir l'avenir de leur relation entre ses mains. C'était le sabreur qui les avait privés de ce lien unique alors c'était à son compagnon de la leur rendre s'il le désirait, et selon ses conditions.

Sa volonté raffermie, Zoro passa sa tête dans l'entrebâillement de la cuisine. Il fronça ensuite les sourcils en avisant la pièce vide et se retourna vers la salle où il repéra notamment Malek en train de discuter avec Vivi et Adrien à une table. Sanji n'était nulle part en vue et l'escrimeur secoua la tête. Il était certain d'avoir vu l'autre cuisinier disparaître ici alors il décida d'y pénétrer totalement. Il constata ainsi qu'une petite porte donnait sur l'arrière de la salle, probablement pour faciliter l'acheminement des provisions en toute discrétion, et Zoro la poussa pour rejoindre l'extérieur.

Sanji était là, à quelques pas. Dos à lui et une cigarette à la main près d'un arbre qui projetait ses ombres sur son costume toujours impeccable malgré l'avancée de la soirée, il avait le regard tourné vers les terres. Parmi le silence de la nuit, Zoro le vit porter sa cigarette à ses lèvres et remarqua que la main du cuisinier tremblait légèrement. Il avança alors d'un pas vers lui.

"Est-ce qu'on peut parler ?"

Le blond ne bougea pas, continuant d'inspirer sur sa cigarette comme s'il ne l'avait pas entendu même si le sabreur était certain du contraire. Il attendit donc patiemment le temps nécessaire et ce n'est que lorsque le cuisinier souffla sa fumée vers le ciel qu'il répondit, toujours dos à lui.

"Ca dépend. De quoi tu veux parler ?

- De nous."

Sanji tira de plus belle sur son mégot et Zoro le vit secouer la tête. Il jeta enfin sa cigarette et se tourna vers lui.

"Je ne suis pas sûr de pouvoir le faire, admit-il.

- Dans ce cas, j'aimerais juste parler, proposa le bretteur, indécis. J'ai besoin de... de dire certaines choses. Je crois que ce sera plus simple ensuite..."

Le blond finit par hocher la tête et Zoro franchit les quelques pas qui les séparaient encore. Cependant, Sanji se détourna et son compagnon se figea, surpris. Il remarqua alors qu'il se dirigeait vers un petit muret sur lequel il s'assit et le sabreur l'imita rapidement.

"Dis-moi", reprit aussitôt le cuisinier, le regard tourné vers le village endormi et une nouvelle cigarette aux lèvres.

Malgré l'empressement manifeste de son compagnon, l'épéiste ne répondit pas tout de suite. Il sentait la tension du blond et son envie d'en finir au plus vite mais ce qu'il avait à dire méritait qu'il choisisse précautionneusement ses mots.

Par-delà nos rêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant