Chapitre 6

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-  T'es pas sorti du lit t'es sérieuse ? C'est la première phrase que Ken dit en entrant chez lui.

Je n'ose même pas sortir ma tête d'en dessous des couvertures.

- Tu dors ? Il demande.

- Non, je finis par dire.

- J'ai ramené à bouffer, chinois ça va? Tu répondais pas donc t'as pas le choix, je l'entends dire en fouillant dans son armoire.

- Merci.

- Tu peux aller manger, j'vais me changer vite fait.

Je sors doucement ma tête de sous sa couverture et le cherche du regard. J'avais raison, il est face à son armoire entrain d'enfiler un débardeur blanc. Je tourne ma tête vers la table de nuit pour attraper un pull que Ken m'a prêté.

- Faut je te raconte, on a prévu pleins de bails avec Syrine ça va être ouf, déclare-t-il en se tournant vers moi.

Il se stoppe dans son monologue en fronçant les sourcils.

- T'as besoin d'un truc Nini ?

Je secoue la tête négativement. Il sait que j'ai pleuré mais il ne le révèle pas.

- T'as faim au moins? J'ai pris plein de trucs comme ça il en reste pour demain.

Je secoue la tête positivement à mon tour. Je n'ai pas vraiment faim mais je sais qu'il a voulu bien faire. Il me tend la main pour m'aider à sortir du lit.

Notre soirée commence donc comme ça, assis sur son canapé à regarder un film français avec nos nouilles. Je me dis que j'aurai peut-être dû le contacter lui en premier pour venir me réfugier ici car seule chez Léna j'étais totalement perdue. Je suis vraiment reconnaissante pour mon frère. Plus on grandit plus on est soudés. J'ai encore une fois la preuve que je pourrais toujours compter sur lui et vice-versa. La famille passe avant tout.

- Quoi ? Dit-il sans enlever son regard de la télévision.

Je roule des yeux en le voyant autant captivé par cette comédie française.

- Je t'aime c'est tout.

Il tourne la tête et me regarde d'un air bizarrement.

- Qu'est-ce que t'as ? Je lui demande.

- T'es chelou frère.

Je roule à nouveau des yeux.

- Je t'aime aussi Nini, dit-il finalement alors que je viens me blottir contre lui.

Je pose ma tête sur son torse et c'est peut-être le seul moment où je me sens bien depuis une semaine.

- Tu veux toujours pas sortir ?

Je secoue la tête sans répondre.

- T'es pas sortie depuis des jours Nini.

- Je suis sortie pour venir ici.

- Génial le chemin entre chez Léna et chez moi c'est quoi 20 minutes?

Je hausse simplement les épaules.

-C'est une coïncidence que Léna soit revenu travailler le lendemain de ton retour ?

Je hausse une nouvelle fois les épaules.

- Tu voulais pas revenir ?

- Pas tout de suite, je chuchote.

- Pourquoi ?

- J'avais encore besoin d'être seule.

C'est à son tour de ne pas répondre.

- Mais je suis bien ici avec toi, dis-je en relevant la tête vers lui.

J'ai remarqué qu'il est lui aussi dans un piètre état. Je pense que ça nous fait du bien à tous les deux d'avoir quelqu'un sur qui compter et qui nous dérange pas en même temps. Alix a peut-être raison. Je suis sa copie conforme. Ça me brise le coeur de le voir à nouveau comme ça. Même si cette fois-ci c'est un peu différent. Il ne réagit pas. On dirait aucune émotion ne traverse son esprit. Il subit ce qui se passe. Il n'écrit même plus alors que c'est sa particularité. Écrire tout le temps. Il écrit des chansons et depuis quelques années il écrit quasiment tous les jours dans des journaux. Depuis que je suis là je ne l'ai pas vu écrire une fois. Je sais que c'est Leila. C'est toujours Leila la cause de ses peines.

- Nini je veux pas te mettre la pression mais ça va faire une semaine que t'as vu personne. Même pas les darons. Tu veux pas au moins aller les rassurer ?

- Je n'ai pas envie. Si tu me forces je pars.

- Arrête deux minutes, j'ai pas dit que j'allais te forcer tu sais très bien que je le ferai pas.

Je le regarde méfiante. Je sais qu'il a raison mais j'ai peur que les parents viennent à l'improviste comme l'a fait Mathieu quelques heures plus tôt. Je ne sais pas si Ken est au courant.

- Ils sont énervés? Dis-je en croisant les bras.

- Pas énervés, ils comprennent juste pas. Enfin si Papa s'est énervé contre moi comme à son habitude. Il a dit que tu voulais faire comme moi et donc que j'étais un mauvais exemple.

Je secoue la tête. J'ai si honte d'avoir disparu comme ça. Bien sur que mon père rejette la faute sur Ken. Depuis que je suis petite il me répète des choses similaires. Au début c'était des 'tu as la même tête que ton frère' jusqu'au 'ne reproduis pas les bêtises de ton frère' pour finir à des 'tu es exactement comme ton frère'. Je sais que je ne fais que décevoir mon père depuis quelques années. Je ne sais pas comment je vais lui expliquer. Je ne sais pas comment je vais faire face à tout le monde. Je ne pensais pas un jour être autant atteinte par une peine de coeur. Ma peine est tellement forte que je ne dors pas la nuit. Mes nuits sont rythmées par des cauchemars. Je dors toute la journée et mes angoisses réapparaissent la nuit tombée. Hier j'ai enfin dormi une nuit complète grâce à Ken.

- Je dis juste que tôt ou tard, il sera l'heure.

Je le regarde de travers une nouvelle fois. Je sais qu'il a raison donc ça m'énerve.

- Tard c'est mieux, dis-je en m'enfonçant dans le canapé.

- Le temps laisse des marques irréversibles.

Putain de Nekfeu avec ses phrases de merde.

- Pas besoin de rouler des yeux Nini.

- Ils me manquent un peu.

- Qui ça ?

- Les parents.

Il secoue la tête. On reste pendant quelques minutes en silence.

- Je pars au Japon la semaine prochaine, déclare-t-il.

- Quoi ? Dis-je en me relevant.

- Je pars au Japon la semaine,

-J'ai compris, mais comment ça se fait ? Je veux dire, tu viens à peine de revenir à Paris. Pourquoi tu repars déjà ? dis-je en le coupant.

Il ne peut pas me laisser lui aussi. J'ai besoin de lui.

Réparer les dégâts - PLK 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant