Après la mort de l'un des leurs, les hoplites avaient adopté la stratégie du cercle. Dépourvus de leurs bouliers mais toujours armés de leurs glaives, ils se déplaçaient avec prudence dans une formation plus ou moins circulaire, serrés les uns contre les autres, épaule contre épaule, hanche contre hanche, mollet contre mollet. Ainsi ils étaient en mesure de voir leurs ennemis arriver sur 360 degrés.
Impossible de dire s'ils avançaient... ou s'ils reculaient... ou s'ils tournaient en rond... ou s'ils chancelaient sous l'ébriété. Quoi qu'il en fût, le petit groupe avait la fâcheuse tendance à se mouvoir dans le sens strictement opposé du cœur des batailles, hors d'atteinte en particulier du gros tatoué de serpents, du dingue de métèque et du grand blond à l'épée.
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Démosthènès persévérait dans un marathon qui ne le conduisait et ne le conduirait nulle part. Il tournait en rond telle une mouche désorientée : il zigzaguait entre les cadavres qui jonchaient le pont ou sautait par dessus. Il piquait de temps à autre des pointes de vitesse comme si Neptune lui piquait les fesses de son trident pointu.
Un barbare lui barra soudainement le passage. Il ne l'avait pas remarqué et l'évita de justesse. Il vira sur sa gauche jusqu'au mât central qu'il contourna. Un barbare sur son flanc droit et un autre sur son flanc gauche l'obligèrent à tracer droit devant. Il poursuivait sa course et maintenait un bon rythme. Or le bord du navire se rapprochait à grands pas. Il devait prendre une décision : droite ou gauche ?... ou se jeter à corps perdu dans l'abîme.
Jamais il n'aurait l'audace de se précipiter dans la mer.
Son questionnement s'éternisa un tantinet trop longtemps - droite ou gauche ?, gauche ou droite ? ou les eaux profondes ? - si bien que cet écart de temps eût pu lui être fatal.
Emporté par l'élan et le poids de son corps, Démosthènès partit dans une glissade incontrôlable...
In extremis, il réussit à maintenir son équilibre et à ne pas tomber. Une goutte de sueur dégoulina avec lenteur du haut de son front. Son cœur battait la chamade. Ses orteils flirtaient dangereusement avec le vide. Il poussa un énorme soupir.
Il contempla l'immensité bleue : Neptune le protégeait. Cela ne faisait aucun doute. Et si Neptune le soutenait, Neptune le sauverait. Il se promettait de lui rendre grâce et de lui apporter une offrande exceptionnelle, à nulle autre égale, dès qu'il aurait rejoint la terre ferme et la sécurité de sa maison à Rome : une génisse... Ou un bœuf... Ou mieux : deux bœufs.
Pas le temps cependant d'y songer maintenant !
Démosthènès effectua un quart de tour sur sa droite, souffla à nouveau et reprit sa course de plus belle.
Il longeait le bord de la birème. Au bout d'une trentaine de pas, il braqua sur sa gauche. Si Neptune lui permettait de s'en sortir vivant, il sacrifierait trois bœufs. Ou quatre... Il pourrait aller jusqu'à six. Voire même un troupeau tout entier !
Perdu dans ses pensées, il eut un moment d'inattention et entra en collision avec le gros ventre d'Ucinius...
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Coincé dans une posture semi-assise comme sur un cheval au galop - mais sans cheval, Proxènos ne tiendrait plus bien longtemps. Il n'avait toujours pas trouvé le courage de descendre jusqu'à l'ophthalmoi. Ses muscles tressaillaient par intermittence. A tout moment, il risquait la chute.
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SIRÈNES - LIVRE I - LES BARONS
AbenteuerAntiquité - Ve siècle avant J-C. Les Barons sont des pirates redoutés qui sèment la terreur le long des côtes de la mer Tyrrhénienne. A leur tête, le terrible capitaine Xytrios, dit le Minotaure, secondé par Archélaos, un blondinet au visage angéliq...