Vème siècle avant J-C.
Mer Tyrrhénienne, quelque part au large de Cumes[1]
« Gauloï[2] à tribord, hurla Pépy, le gars chauve et barbu depuis le sommet du mât. Gaulooïï à triiibooord ! »
A ces mots, Xytrios, le capitaine des Barons des îles, esquissa un semblant de sourire – tout du moins une déformation notable, sorte de grimace douloureuse entre les joues et la mâchoire, accentua les traits burinés de son visage. Cela témoignait d'un contentement certain car rares – presque inexistants – étaient les moments durant lesquels cet homme d'une envergure imposante daignait manifester une quelconque émotion.
Au fil du temps, les Barons s'étaient forgés une solide réputation de barbares sans pitié. Ils sévissaient dans le triangle que forme la mer Tyrrhénienne et y semaient confusion, terreur et mort. Ils avaient assis leur notoriété à coups d'abordages sanguinaires et de pillages massifs qui s'achevaient par de spectaculaires brasiers des navires. Une terreur si bien implantée dans l'esprit de tout homme qui naviguait sur la mer Tyrrhénienne, qu'avant d'y pénétrer, chacun sacrifiait qui un bœuf, qui une génisse, qui un coq (pour les plus pauvres) dans le but d'amadouer la magnanimité des Dieux.
Xytrios comme la plupart des membres qui constituaient son équipage se complaisait en tortures bestiales et tueries gratuites. Son faciès imperturbable comme figé dans le marbre indiquait sa profonde indifférence à l'égard des souffrances de ses victimes. Il semblait même en tirer une certaine forme de satisfaction.
Lors de chaque rapinerie, les hommes – plébéiens comme patriciens – étaient massacrés sans distinction de classe sociale : rossés, égorgés, poignardés, saignés à vif, empalés ou décapités et pour certains privilégiés, les barons combinaient à l'envi les possibilités. Quant aux esclaves prépubères destinés à être revendus, ils étaient jetés par-dessus bord sans aucun état d'âme et mouraient noyés.
Quant aux très rares femmes qu'ils rencontraient,... l'affaire commençait à se complexifier ! Un véritable sac de nœuds ! Au sens propre comme au figuré... Bref une foutue affaire embrouillée... qu'il fallait trancher ! Au sens propre... comme au figuré.
D'une manière générale, les femmes étaient violées – mortes ou vives, sans distinction d'âge ni de critères de beauté physique. Toutefois, tout dépendait du cycle menstruel de la voyageuse. En effet, il convenait de s'assurer que la fille ne saignait pas. Pour ce faire, deux Barons maintenaient les membres immobiles de la voyageuse pendant qu'un troisième insérait ses doigts sales aux ongles dégueulasses dans le vagin de la pauvresse. Il vérifiait qu'aucun bout de bois entouré de laine n'y était inséré. Si aucun tampon n'obstruait le passage, chacun leur tour, ils déversaient en elle leur frustration séminale contenue depuis des lunes. En revanche, si la compresse retirée était mouchetée de sang, la femelle féconde était tuée sur le champ, souvent par étouffement. (Il est bien connu qu'une femme porte malheur sur un navire : en particulier, en période de menstrues car celles-ci affolent les boussoles.) Ils la violaient alors dans un deuxième temps.
Les très rares survivants qui – Zeus, le Père Suprême, soit glorifié ! – en avaient réchappé presqu'indemnes, aimaient à narrer leur sauvetage miraculeux à grands renforts d'hyperboles face à un auditoire médusé. Bien que l'épouvante générée par une mort imminente dans d'atroces souffrances eût modifié leur perception de la réalité et eût effacé une grande partie de leurs souvenirs, cela ne les empêchait en rien de palabrer sur l'assaut des pirates. Exacerbés par les regards inquiets des spectateurs et les cris des femmes, leur soif inextinguible de notoriété les avait rendus affables et prétentieux.
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SIRÈNES - LIVRE I - LES BARONS
AbenteuerAntiquité - Ve siècle avant J-C. Les Barons sont des pirates redoutés qui sèment la terreur le long des côtes de la mer Tyrrhénienne. A leur tête, le terrible capitaine Xytrios, dit le Minotaure, secondé par Archélaos, un blondinet au visage angéliq...