le sage

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born to run - bruce springsteen

Isaac

J'ai pensé à lui dire.

C'est vrai que , quand on est amoureux de quelqu'un depuis aussi longtemps que je le suis d'Emma, on pense forcément à l'avouer un moment donné. Peut être qu'elle aimerait savoir que quelqu'un l'aime très fort, plus fort que beaucoup de choses. Mais Theo c'est le frère de Leo, c'est donc aussi mon frère et on fait pas ça à un frère. Alors je regarde et je me tais. Au moins je la vois, de loin et avec un autre, mais je la vois. La seule personne qui sait , c'est Thomas. Pas parce que j'ai décidé de lui dire mais parce qu'il l'a deviné et que je ne sais pas mentir. Il sait toujours tout Thomas.

- Elle est jolie cette fille, non?

Je tourne la tête vers Emma qui me parle. Elle parle de Zoé. Je lance un regard vers Thomas et il me sourit sagement. Il m'énerve mon frère , à toujours tout savoir.

- Oui, si on veut.

Elle est bien plus que jolie. C'est la plus jolie fille que j'ai pu voir. Quand on la regarde elle a pourtant rien de plus que les autres , quand on y pense. Un nez, une bouche et des joues rebondies. Peut être que c'est ses yeux, parce que de ma vie je n'ai jamais vu de plus jolis yeux marrons que les siens. Peut être, je ne sais pas.

- Tu craques pour elle ça se voit.

Elle me taquine. Je la regarde me sourire, ses lèvres pleines remontent contre ses joues remplies de tâches de rousseur.

- Pas du tout, c'est mon amie.

Théo revient, nos cremes glacées entre les mains , il les dépose sur la table. Quand il s'assoit, il embrasse Emma et je détourne le regard. Au loin, j'aperçois le fleuriste du coin devant sa boutique. Il sourit aux vieilles dames et ça marche à chaque fois. Je fronce les sourcils en le voyant passer sa main dans ses cheveux, sourire aux dames et observer les plus jeunes. J'ai toujours trouvé ça bizarre, de draguer. Ça n'a rien de naturel , rien de réel, c'est triste. Je me demande quel genre de personne il est , si il est marié ou si il a un chien. Est ce que quand il rentre chez lui le soir, il raconte sa journée à sa femme, va embrasser ses enfants et s'ouvre une bière devant la télé? Est ce que c'est le genre à se faire dévorer par la solitude? Je ne sais pas.

- Isaac?

Je sursaute et lève la tête, c'est Zoé. Le soleil passe à travers ses cheveux et m'oblige à fermer les yeux un peu. Elle est debout, elle porte une robe orange et me sourit timidement. Elle est belle. Du genre, belle comme une saison, belle comme une chanson , le genre de personne que l'on voit sortir d'un bus et qu'on ne rattrape pas parce qu'on est trop intimidé par leur prestance, leur beauté. Le genre de personne qu'on n'oublie jamais. Voilà, elle est belle comme ça .

Quand je la regarde, j'essaie d'imaginer sa vie à elle aussi mais j'y arrive pas. Puis je me dis que je dois avoir l'air étrange à la fixer de la sorte, alors j'arrête. Elle me rappelle un poème de Charles Baudelaire :
« Un éclair... puis la nuit!
Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité? »

- Salut.

- Salut.

C'est Emma qui réponds. Moi je reste là, enfoncé dans ma chaise en plastique à brûler sous la chaleur.Cette sensation que mes pieds s'enfoncent dans le sol quand elle est là.

- Tu t'assois avec nous ?

Zoé sourit et s'assoit face à moi. Elle commande un milkshake vanille en se recoiffant. Mon téléphone vibre dans ma poche arrière.

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