Le premier

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Lovers rock - TV Girl

Zoé

Je me suis toujours demandé ce que ça faisait, d'être en vie. De le ressentir réellement. Ces choses dont on parle dans les films et dans les livres que je n'ai jamais expérimenté. J'aurais aimé, qu'on sache me décrire avec beauté pour exprimer à quel point on m'aime, à quel point on me trouve merveilleuse. Peut être est ce égoïste de penser comme ça, que tout irait mieux si j'étais quelqu'un d'autre, une version parfaite de moi.

Quand je le regarde, j'ai mal. Ça fait mal de regarder quelqu'un qu'on n'aura jamais, quelqu'un d'une telle beauté . Quelqu'un de plus merveilleux que nous.

- Et c'est là qu'il a compris qu'on se connaissait déjà en fait !

Tout le monde rigole en entendant l'histoire d'Isaac. Moi, je n'ai rien écouté. Je ne sais pas tellement pourquoi mais, depuis quelques jours, Isaac me semble bien plus beau qu'avant .

Je n'ai jamais connu mes parents amoureux, je ne sais pas ce que ça fait de le voir, de le ressentir, l'amour. Je n'ai jamais été amoureuse non plus. En réalité, j'ai longtemps été persuadé de n'être capable de ressentir aucune émotion. Comme une boîte de conserve vide qu'on oublie au fond d'un placard. Mes émotions ne résonnent pas, elles n'existent plus. C'est sûrement plus simple comme ça : naître, ne rien ressentir, puis disparaître.

- Zoé ?

La voix d'Isaac me ramène. Isaac est loin d'être une boîte de conserve lui. Quand je le vois, c'est comme si toutes les sensations du monde s'étaient réunies en un seul être.

- Oui?

Il me sourit et je me rend compte que les autres me regardent aussi.

- Tu étais..ailleurs.

C'est Emma qui parle. Ses cheveux sont emmêlés et ses yeux fatigués. Elle ne ressemble plus au soleil.

-Désolée, de quoi on parlait ?

Elle me sourit, compatissante. Même épuisée, elle reste parfaite.

- On voulait savoir si tu voulais aller à la rivière ?

Je souris.

- Oui , bien sûr.


Plus tard, nous roulons sur nos vélos à travers la petite ville. On contourne les commerces, les petites places où les vieilles dames s'assoient à l'ombre du soleil et bientôt nous ne voyons plus que des champs entourants la route. De temps en temps, je tourne la tête vers Isaac juste pour observer ses cheveux clairs s'étaler au vent. J'espère qu'il tourne sa tête vers moi mais il ne le fait pas et je me concentre à nouveau sur la route.

Quand les arbres longeants la rivière se dessinent, je sais que nous allons bientôt nous arrêter.

La rivière, selon Thomas, est le lieu où Theo et Emma se sont embrassés pour la première fois. Il me dit ça pendant qu'on installe nos serviettes sur les galets.

- Pourquoi Théo n'est pas là ?

Je chuchote.

- Ils ne s'aiment plus.

Je tourne la tête vers Emma, toujours parfaite. Elle retire sa robe et se jette dans l'eau sans un regard. Est ce possible d'arrêter d'aimer si vite ?

- C'est possible de ne plus s'aimer après autant de temps ?

Il me sourit.

- Pourquoi tu penses que les gens divorcent ?

Parce qu'ils ne se sont jamais assez aimés.

- Je ne sais pas.

- Emma l'aime toujours, Théo a couché avec quelqu'un d'autre.

Isaac se joint à nous.

- Mais avec qui?

Isaac hausse les épaules.

- Je ne sais pas, mais je suis d'accord avec toi Zoé. On ne peut pas arrêter d'aimer d'un seul coup.

Je souris et il tapote le dos de ma main. Je fixe sa main qui reste posée sur la mienne pendant plusieurs secondes.
De profil, son nez semble si pointu et doux . Le même nez que Thomas, droit et fin.

« Sois normale Zoé »

Je me redresse et retire ma main de la sienne. Je sais qu'il me regarde mais je me lève et m'éloigne pour retirer mes vêtements. Quand mes pieds touchent enfin l'eau des petits frissons remontent le long de mon échine et je m'avance un peu plus. Les galets me font mal aux pieds mais j'avance quand même jusqu'à ce que l'eau atteigne mes côtes.

Je n'ai pas toujours aimé l'eau. Quand j'étais petite, je me contentait d'observer mon grand père pêcher sans jamais vouloir m'aventurer sur la barque à ses côtés. J'ai appris à nager très tard et sur un coup du hasard : je veux récupérer mon ballon qui est tombé dans la piscine mais en m'abaissant pour l'attraper, je tombe la tête la première.

C'est tout, j'ai failli me noyer. Pas très originale mais ça reste mon histoire à moi.

Quand je tourne la tête, Isaac est en train d'entrer dans l'eau. Il me sourit en s'approchant de moi sans que je ne comprenne pourquoi. Une fois à ma hauteur, il m'enlace. Si simple comme mouvement. Ses bras passent autour de ma taille , ses frissons se noient dans les miens. Je reste d'abord là, le cœur qui bat jusque dans mes oreilles. Puis je me dis que je dois faire quelque chose, mon corps me hurle de faire quelque chose. Mais je n'ai pas le temps de faire quoi que ce soit qu'il m'éclabousse légèrement .

Je rigole et il finit par s'avancer vers moi observant l'eau , jouant avec le reflet.

J'appuie mon menton sur son épaule . Je n'ai jamais ressenti ça , ce tel besoin de proximité. Cette envie constante que nos peaux se touchent, qu'importe la manière.

Là, tout près de mon oreille, il murmure:

- J'aimerais tant tout savoir.

Je souris même si je ne suis pas sûre de le comprendre de quoi il parle , sa voix sonne comme du vent et le vent ne m'a jamais paru aussi doux.

- Moi aussi.

Il me serre ma main sous l'eau. Ça ne dure qu'une seconde mais avant que je ne puisse lui rendre son étreinte, il me fait basculer dans l'eau. Je me retrouve sous l'eau, dans le sombre du monde. Je ne peux rien voir et pourtant je ressens tout pleins de choses à l'instant. Et quand je remonte à la surface , il rit en me regardant alors je l'éclabousse à mon tour.

Cet après-midi là, nous avons jouer dans la rivière durant des heures. Il s'agissait du bon moment , des bons gens et du bon garçon.

Je pense que c'est là que j'ai su.

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