Chapitre 4

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« Attias avait un jour fondé Zhür et c'est à cause d'Argandiel que les flammes rejailliront les ténèbres d'où le divin les avait cachés »

C'était une phrase que répétait souvent un homme d'Orwin, un vieillard vêtu d'une tunique crasseuse et dont la barbe et la longue chevelure blanche donnait des allures de vieux magicien des temps révolus.
Il passait ses journées dans la rue à répéter des phrases tristes et effrayantes, tel un prophète qui annonce la nouvelle au peuple, et ses nuits allongé sur un bout d'étoffe devant le grand temple d'Orwin.
Il criait des journées entières à s'en casser la voix et
ses discours portaient principalement sur la chute de Zhür et le massacre du peuple après celui de tous les princes. Occasionnellement, ils narraient aussi la venue d'un monstre qui achèverait de consumer le royaume, ne laissant que cendre et poussières de ce qui fut un jour un pays prospère. S'il était à comparer à un prophète, il serait plutôt un de ceux qui annoncent les périodes sombres et désolantes.
Ses déclarations, à vrai dire, n'intéressaient que les enfants pour qui elles n'étaient que des contes à écouter le soir venu et à chercher à modifier durant toute la nuit pour la raconter à sa guise le lendemain.
Les adultes eux ne remarquaient qu'à peine le vieux Thaïr, quand ils déniaient poser leurs regards sur lui,  ce n'était que pour juger son pauvre vêtement et sa peau sale. Personne ne remarquait ses yeux pleins de désespoir ni la tonalité presque noble de sa voix.
Il n'était que le vieux pauvre qui criait des idioties dans la rue.

Pourtant, un jour d'une autre vie, il avait été parmi les plus riches d'Orwin. Il avait aidé les plus démunis et avait dîné avec Argandiel et hébergé Aménadiel durant sa fuite.
Le meilleur trajet pour atteindre Orwin a partir d'Inad-Ale était de passer par Medès, d'où un pont de près de 7 km était construit pour relier les deux cités. Cependant la voix maritime était aussi une option, cette fois il fallait d'abord naviguer sur la rivière d'Inad-Ale jusqu'à son confluant avec le lac Shyr, les chutes qui s'y trouvent ensuite empêchent la suite de la navigation, ce qui nécessitent de continuer sur la terre ferme jusqu'au port de Loffey sur le grand fleuve. En suivant le cours du fleuve à partir de Loffey, jusqu'à quelques kilomètres de son estuaire sur l'océan, une terre apparaît et laisse entrevoir les hauts mûrs de la cité fortifiée d'Orwin.

Aménadiel avait suivi la voie de Medès pour arriver à Orwin, de même qu'Azan, Arian lui était venu par le fleuve car ses navires se trouvaient déjà à Loffey.
Elle était la seule cité à avoir été occupée consécutivement par trois princes.
D'abord Amenadiel pour qui elle était le premier refuge, ensuite par Azan qui y avait instauré un règne de terreur.

Thaïr perdit tout à l'arrivée d'Azan, sa maison comme sa famille. Le prince fit exécuter sa femme et ses enfants avant de mettre le feu à sa maison, pour faire de lui un exemple et prévenir tous ceux qui oseraient protéger un autre prince.
La violence dont était capable Azan était sans limite. Tant que pendant les 98 jours que durèrent son occupation, les rues d'Orwin se trouvèrent pleines de cadavres.
Arian vint en salvateur pour reprendre la cité à son frère, et son mode de gestion était si tendre en comparaison à celui d'Azan, qu'il fut aimé plus qu'Antar à Inad-Ale, ou Aragon à Neptra.
Il était considéré comme un roi dans sa cité, non par obligation, mais par respect, par admiration.

Thaïr semblait être le seul à ne point l'aimer. Il crachait devant son convoi et maudissait son nom et sa descendance. La haine que lui avait aspirait Azan s'était étendue sur chacun des fils d'Argandiel, et la seule vengeance que sa vieillesse et sa misère pouvait lui offrir se trouvait dans ses mots.
« Tous des bêtes assoiffées de pouvoir. Il s'abreuveront de notre sang jusqu'à ce qu'il n'y ait plus personne à tuer, et là il répandront leurs ailes sombres sur la terre entière et réveilleront le monstre qui somnolait dans les ténèbres que le divin avait éclairés ». Il criait cette phrase à chaque fois qu'il apercevait le blason d'Arian.
Parlait du divin Attias avec vénération avant de maudire chacun de ses enfants, depuis Azediel jusqu'à Aménadiel.

La dernière des guerresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant