- J'espère au nom du prince que tu as une bonne explication.
Geoffroy était confus, il ne savait plu que croire. En entrant dans la pièce il avait tout de suite remarqué les objets nouveaux: le tableau, une fresque représentant un phare allumé étendant sa lumière sur une eau verdâtre et sur l'ombre d'un navire, illustrée dans une scène où le jeu de perspective, de lumière et d'ombre était remarquable. Il était certain que cet œuvre ne se trouvait là avant. Son esprit vif le poussait inconsciemment à examiner la pièce. Il remarque aussi la soie posée sur l'une des chaise et enfin reconnu le style des vêtements de son commandant. Comme il avait beaucoup voyagé dans sa vie, beaucoup plus que Marius, non pour être plus âgé mais parce que le roi Argandiel le mandatait pour « étendre » le nom du prince Amenadiel à travers le royaume. Mais la preuve la plus marquante reste le vin et la coupe, gravée sans scrupule de la marque de l'ennemi que son propre commandant lui tendait.- Si j'avais fait quelque chose de répréhensible, crois-tu que j'exposerais à la vue de tous les symboles de ma trahison ?
- peut-être la vieillesse t'a rendu stupide.
Il se rassit en riant. Il n'avait jamais vraiment cru que le commandant les avait vendu, Geoffroy savait que tout autre homme serait capable de cet affront le faire, mais jamais Marius de Siuan.
Geoffroy attendait l'explication, confiant mais impatient pendant que Marius, qui ne s'était jamais levé, le dévisageait avec reproche et fatigue.
- Jamais plus Geoffroy, quoi que tu voies, quoi que l'on te dise. Jamais plus tu ne doutes de ma loyauté.
C'était d'un ton sec, celui du commandant, du maître en colère et non plus de l'ami. Parfois c'est vrai, Geoffroy comme tous les autres chevaliers perdent mémoire de la place de Marius dans l'histoire du prince.
-cinq jours après votre départ, commençait-il du même ton, nous avons vu approcher sept hommes à cheval, brandissant le blason de la légion du Sphinx des Mers. Ils étaient peu nombreux et il y avait peu de chance qu'ils soient au courant de notre présence dans ce village, alors nous nous sommes fait discrets, cachés mais prêt à nous battre. Un homme descendit le premier et parla pour tous, c'était Raen de Merrlin, qui, contrairement à nous tous n'a pas changé depuis neuf ans. Je ne pouvais oublier le visage d'un homme dont l'épée faillit me trancher la gorge... Il criait au milieu du village, à l'intention de tous, qu'il venait en paix et cherchait un homme dont la description me correspondait parfaitement. A croire que lui non plus ne m'avait pas oublié. Tapis dans l'ombre sous ma cape, j'attendais de voir sa réaction quand il n'aurait aucune réponse. Et en homme de notre rang, il resta calme et attendit toute la journée dans la maison du chef. Au soir, je me décida à me montrer et l'entendre, s'il avait pris le risque de quitter Orwin si peu accompagné et de traverser des territoires dangereux, je lui devais au moins cela. J'entrais seul dans la maison du chef, laissant mes armes à l'extérieur comme le voulait la coutume.
- tu as donc pactisé avec l'ennemi !
- Geoffroy n'oublie pas à qui tu t'adresses. Non à ton commandant mais surtout à un homme qui a tout abandonné au nom du prince. Je n'ai pas pactisé avec l'ennemi, j'ai négocié une trêve avec la légion du Sphinx, celle du second fils et donc l'une des plus redoutables.
-les trêves ne se font pas avec des cadeaux.
-les trêves sont questions de diplomatie et je crains que tu n'y connaisses rien. Raen m'assurait sur écrit que sa légion n'attaquera plus la notre, il le jura devant les dieux, et connaissant le prince Arian c'est là le plus haut degré de promesse qui soit. En guise d'amitié ils avaient tous ces objets qui ont attiré ton attention. Comme je n'y étais pas préparé, symboliquement je lui donnais l'épée que j'avais gardé dehors. J'espère que Raen ferait comprendre à son « prince prêtre » que pour un soldat offrir son épée est un cadeau de haute valeur. Ce qui m'étonna le plus était qu'il n'attendait qu'une chose de moi : que je remette cette lettre à Aménadiel et que je me charge de le convaincre de se rendre à Orwin. Bien évidemment, ils s'assureraient de notre cheminement en sécurité.
- Si tu dis vrai, c'est un piège.
- j'y ai pensé, mais tout ce qui reste à cette légion, à part une cité maritime qu'elle finira par perdre, c'est bien son honneur.
- une guerre comme celle-ci n'a que faire de l'honneur. Elle veut un vainqueur, un conquérant.
- crois-tu que c'est là le profil du prince Arian ? Il a peut-être la seconde légion du royaume mais il enchaîne les défaites les plus humiliantes. Le royaume entier le surnomme « Kazal », le lâche.
- oui et tu veux faire confiance à un lâche ? A un perdant qui n'oserait pas à user de tous les stratagèmes en vue de réduire la concurrence. Tu as toute de même conscience qu'il attend quelque chose de nous.
- évidemment, c'est un piètre seigneur de guerre mais il n'en reste pas moins un, en plus d'être un prince. Un mélange de stratégies militaire et politique, tant est qu'il s'agisse encore de deux concepts différents. Il voudra une alliance, ou alors une réticence de notre part.
- l'un ou l'autre est impossible. Nous venons de conclure une alliance avec la légion d'Or et tu sais comment est Zedd.
- nous nous soucierons de lui en temps voulu. Pour l'instant je sais que nous venons de perdre des hommes et que c'est à peine si nous étions assez nombreux. Nous n'avons pas assez d'argent pour mener une guerre pendant longtemps. Nous n'avons pas de cité comme point de retraite. En un mot sous sommes des cibles faciles. Je sais que le retirement est impossible, mais je ne serais pas contre une alliance avec l'homme qui possède la cité la plus inviolable de ce pays.
- qu'il finira par perdre, tu l'as dit toi-même.
- il la perdra s'il continue à subir des attaques. Mais avec une alliance, je crois bien qu'il a enfin décidé de porter les coups à son tour.
-Arian n'est pas notre ami, il convoite la même chose que nous.
- plus important encore il n'est pas notre ennemi. Je ne sais pas encore comment nous pourrions nous entendre au sujet du trône. Mais je connais assez ce prince pour savoir qu'il touchera Aménadiel là où ça fait mal. S'il le garantit qu'il pourrait tuer Aragon, je doute qu'Amenadiel refuse. Et honnêtement, qui serait contre la protection d'Orwin.
-je ne suis pas à l'aise avec cette idée.
- Arian à su que nous étions ici, rien ne garanti qu'il est le seul à le savoir. Je ne sais pas pendant combien de temps nous pourrions tenir si nous sommes à l'affût de toutes les attaques. Il existe un minimum pour prétendre à une guerre que nous avons à peine. Antar à le pouvoir de mobiliser non des légions mais des armées entières contre nous et nous savons comment Azan est cruel, Ored-Hans ne survivra pas au Boucher.Geoffroy passa instinctivement sa main sur la cicatrice disgracieuse de son visage, il se souvenait comment les hommes d'Azan les avaient attaqués en pleine nuit, dans un village qu'il raya de la carte. Ils avaient lâché des scorpions et des serpents dans les maisons, réveillant ainsi les familles par la terreur, ensuite ce fut le feu. Pour pousser le village à les affronter dans les rues. Marius avait commis l'erreur de vouloir se battre plutôt que de partir ce qui coûta la vie à plus de la moitié de ses soldats. Geoffroy avait sortit Aménadiel de son lit et l'avait porté sur son épaule quand Azan était entré dans la maison, c'est à l'issu de leur combat qu'il fut blessé au visage et marqué à jamais de l'arme particulière d'Azan.
C'est après cette attaque qu'on le surnomma « le Boucher ». Il était réputé pour ses batailles sauvages n'épargnant pas les habitants. Il attaquait pendant des tempêtes et se servait d'animaux dressés au combat.
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La dernière des guerres
Adventure«Quand un roi meurt, c'est son premier fils qui lui succède. Ces fils sont son héritage à travers le temps. Et Argandiel ne nous a laissé que vous. A croire qu'il est maudit » Les seuls héritiers d'un roi sont ses six fils adoptifs, chacun plus am...