X - LA ROSE ET LE DERNIER DOUTE

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Point de vue d'Ève

Nous nous sommes réveillés plus tôt le lendemain, et nous avons passé une journée un peu plus seuls que d'habitude. Après le déjeuner, Adam m'embrassa et repartit dans la jungle, moi je suis allée au bord de l'eau puis j'ai décidé de ne pas y aller. Je suis allé voir ma rose au pied de l'arbre où nous étions nés.

Pourquoi? vous demandez-vous peut-être.

À vrai dire, je n'en sais trop rien. J'avais envie de la voir. Je la trouvais belle, l'endroit où elle était plantée ne signifiait que des choses positives et j'avais peur de revoir le serpent. Naïvement, je pensais que si je m'éloignais de la plage, il perdrait peut-être ma trace. Je suis donc partie immédiatement, car je voulais être de retour pour la nuit, j'ai un peu couru pour être sûre d'être de retour à temps. Lorsque je suis sortie de la jungle, j'ai retrouvé les chats qui m'attendaient, ils ont fait un bout de route avec moi. Cela me faisait du bien, j'avais besoin d'avoir un peu de compagnies. Lorsque je suis arrivée non loin de la rose, j'ai pris quelques fruits pour les manger près d'elle, je me suis ensuite assise à ses côtés. Ce fut un agréable moment de répit pour moi. Je ne pensais alors à rien. Le doute s'était provisoirement évadé de moi. Dieu vint me rendre visite et cela me fit du bien. Nous n'avons pas reparlé de l'arbre, nous avons parlé des bébés, de l'avenir, du jardin..., et c'était une bonne chose. À son départ, j'ai fait une petite sieste en compagnie des deux chats, près de la plante. Elle était de courte durée, mais elle fut revigorante. La rose allait bien, elle avait beau être sous un arbre, un petit rayon de soleil l'éclairait tout de même et fit ressortir l'éclat rouge de ses pétales. Cette rose, j'y tenais, car je voyais en elle un avenir serein, Dieu m'avait dit que je cultiverais d'autres plantes et cette idée me plut. C'est donc toute revigorée que je suis retournée en direction de la plage. Lorsque les chats m'ont laissé, j'ai marché seule un moment. C'est alors que je me suis arrêtée, je me sentais suivie. J'ai regardé autour de moi, dans les arbres, partout, mais rien. Je ne vis pas la moindre trace de vie, seuls des arbres à perte de vue s'étendaient devant moi. Je repris ma marche. C'est alors que je vis le serpent m'attendre un peu plus loin. «

Laisse-moi tranquille!

- Je voulais juste faire un peu de chemin avec toi. Promis, je ne te parlerai pas de l'arbre.

- Tu promets?

- Je promets. Je te l'ai dit hier, je veux passer un peu de temps en ami avec toi.

- Tu n'es pas mon ami, nous ne nous sommes vus que deux fois.

- C'est vrai, voilà pourquoi je voulais profiter de faire un bout de route avec toi : pour que l'on se connaisse mieux. »

Croyez-le ou non, mais il a tenu parole. J'étais froide avec lui au départ, mais il était sincère. Il n'a rien dit de perturbant. Il m'a parlé de la femelle qu'il recherchait, il a plaisanté, il a été gentil. Non sérieusement, je dois avouer qu'il n'a rien fait de faux. Moi en revanche, je ne peux pas en dire autant, après un long moment de détente, c'est moi qui ai relancé le sujet fâcheux, je dois l'admettre aujourd'hui, ce fut ma deuxième erreur. «

Puis te poser une question, serpent?

- Bien sûr.

- C'est au sujet des fruits défendus.

- Je croyais que tu ne voulais pas qu'on en parle?

- Oui, mais...

- Non, je ne veux pas en parler. Je t'ai fait la promesse de ne plus te perturber à ce sujet alors n'en parlons plus.

- Mais...

- Le sujet est clos, femme! Arrête de te torturer l'esprit. J'ai fait une erreur en te disant tout cela, ce n'était pas bien. N'en parlons plus.

- Que veux-tu dire par...?

- Oublie.

- Bon alors, dans ce cas puis-je te poser une question personnelle ?

- Oui, mais attention, si elle me dérange, je n'y répondrais pas.

- As-tu mangé du fruit défendu?

- Je n'en ai pas mangé...

- Dans ce cas-là, comment sais-tu que cela ne me tuera pas?

- Parce que je possède la connaissance du bien et du mal.

- C'est impossible!

- Et pourquoi?

- Parce que Dieu ne...!

- Pourtant je parle, pour parler, il faut de l'intelligence non?

- ...

- Je t'ai dit que je ne voulais pas que l'on parle de cela aujourd'hui, changeons de sujet, femme! »

Avec le recul, je dois avouer qu'il était malin. Après le doute sur le fruit, celui sur le futur de mes enfants, il me mit le doute face à lui-même et me faisait culpabiliser. Il s'était débrouillé pour que je me tende mon propre piège et que je tombe dedans. Après cela, nous avons repris des sujets moins sérieux et ensuite, il me laissa. Depuis ce jour, je ne l'ai plus revu. Dieu ne me rendit également plus visite. Le soir, je suis retournée sur la plage et je fis ma troisième erreur : je n'avais encore rien dit à Adam. J'ai gardé tout cela pour moi, encore une fois.

Pour trouver le sommeil, je me suis forcée à penser à la rose, au jardin et à comment je me sentais, quelques jours plus tôt, lorsque je n'avais pas encore rencontré le serpent et que je me sentais comme sur un nuage dans les bras d'Adam. Mais comme je vous l'ai dit, je me suis « forcée » à penser à tout cela, car mon esprit était préoccupé. Et plus mon ventre grossissait, plus j'avais peur pour l'avenir. Quelques jours étaient passés depuis, Adam se sentait un peu impuissant face à mes silences, car oui, je parlais moins. Nous ne faisions plus l'amour. Encore quelques jours plus tard, j'avais fini de nommer les animaux sous la mer, et Adam avait fini de nommer ceux de la jungle. Nous avions décidé de retourner nous établir près de la rose, histoire de nous revigorer. Près d'elle, nous avons passé du bon temps et nous avons même eu un moment passionnel, une fois.

Ce fut la dernière fois. 

Adam et ÈveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant