XI - LE FRUIT DÉFENDU

20 2 0
                                    

Point de vue d'Ève

Le lendemain, je me suis levée encore une fois des doutes plein la tête. Adam dormait encore. Je me suis mise debout et après avoir fait quelques pas, j'ai mis la main sur mon ventre. C'est alors que j'ai senti la vie, je sentais quelque chose bouger. Je pris conscience pleinement que j'allais devenir mère. En même temps que la joie s'emparait de moi, le doute vint également me hanter. Que devais-je faire? Imaginez, imaginez juste un instant que j'accouche non loin de l'arbre et que je vois des flammes le consumer. Pourrais-je vivre avec un sentiment de honte si fort? Je me sentirais alors coupable toute ma vie d'avoir privé mes enfants de cette connaissance. Je sais, vous vous dites que le Créateur m'avait dit que mes enfants auraient le choix eux aussi.

Et alors?

Que se passerait-il si un de mes enfants joue près de l'arbre et par innocence ou bêtise, prend un fruit et le mange? Ne venez pas me dire qu'un enfant de cinq ans est responsable de ses actes. Il mourra alors, c'est ça? Quelle cruauté! En fait, je n'avais que deux choix face à moi, en cet instant. Soit j'appelais le Seigneur, et je lui demandais de brûler l'arbre pour que la tentation de prendre ces fruits (qui semblent vraiment bons) disparaisse complètement. Soit... j'en prenais un, et j'allais être fixée.

Mais si Dieu avait raison? Et si j'allais mourir? Après tout, je portais des enfants et mon acte aurait alors une conséquence atroce. Adam ne comprendrait jamais... Trois morts, il allait y avoir trois morts. Non, je ne pouvais faire une telle chose.

Ainsi donc, je ne fis rien. Je regardais, debout, au loin en direction de l'arbre et j'attendais. Mon cœur battait un peu plus fort. Devais-je y aller? Oui? Non? Je n'ai pas demandé de l'aide au Seigneur, et je n'ai pas réveillé Adam.

Ce fut mes deux dernières erreurs.

Comme il dormait encore et que l'aube avait bientôt laissé la place au soleil, je suis allée en direction de l'arbre. Cela m'a pris un bon moment. L'un des chats (la femelle) m'a accompagné, mais une fois vers l'arbre, il est resté à distance. Il semblait craintif. Pour ma part, j'ai regardé les fruits. Mon cœur battait plus rapidement. Des milliers de questions me torturaient l'esprit. J'ai alors décidé d'en prendre un pour le voir de plus près. À ce moment-là, je ne le savais pas, mais le serpent m'observait de loin et Dieu m'observa aussi... Le fruit était dans ma main, il battait, il était vivant et n'avait pas changé le rythme de ses battements lorsque je le pris. Je l'ai inspecté dans tous les sens. Je me suis retournée vers la chatte et je le lui ai tendu, « toi? T'en penses quoi? ». La chatte s'est approchée lentement, elle semblait le craindre. Elle l'a reniflé et a soufflé contre ce dernier. Je me suis alors relevée et j'ai continué à hésiter quelques instants. Dans ma tête, des voix ne cessaient de résonner :

- Le fruit bas comme ton cœur, pourquoi te tuerait-il?

- Écoute le Créateur, lui seul sait!

- Mais tes enfants, que deviendront-ils sans connaissances?

- Peut-être pourront-ils choisir eux aussi?

- Ou peut-être pas

- Qui dit la vérité? Dieu, ou le serpent?

- Dieu est le créateur.

- Mais le serpent en sait plus que toi et Adam.

- Adam ne peut comprendre.

- Il ne porte pas les enfants.

- Il ne peut savoir.

Adam et ÈveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant