Les enfants de Samhainn : L'éveil

Menace palpable

Dans un vol de papillon qui peut être un message d'espoir ou l'inverse...

Suite à son entretien avec son frère, Kaïbern se sentait plus inquiet que jamais. Il savait ce que son jumeau avait en tête sans avoir besoin de recourir à la moindre once de magie. Son cadet avait toujours eu une âme vengeresse. Comment lui en vouloir après tout ce qu'il avait vécu ? Hélas, ce n'était pas la solution. Du moins, ce n'était pas une réponse viable au problème qui se posait face à eux. La mâchoire serrée, l'auguste prêtre faisait les cent pas, agité par la menace que représentait son propre sang. Il ne pouvait ni l'arrêter ni le laisser agir sans rien faire. Encore une fois, il le mettait au pied du mur. Tout son instinct le poussait à le priver de ses pouvoirs, mais il se doutait qu'il trouverait autre chose pour pallier ce manque. En plus, il risquerait de développer sa haine et sa frustration et engendrer un cataclysme plus important. Il devait l'arrêter, mais comment ?

Il l'ignorait et pour l'aider, il avait réuni les onze autres prêtres qui organisaient les covens de Seattle. Il croyait qu'ils pourriaent lui apporter un semblant de réponse, mais il ne faisaient qu'agiter ses craintes et ses soupçons. Tandis qu'il tentait de réfléchir sereineemnt, ses pairs s'agiter en alarmes et en suggestions de cercles de protection. Se retirer du conflit n'était pas une mauvaise idée, mais cela pouvait s'avérer risquer s'ils se trouvaient au milieu de deux feux sans le vouloir. S'ils devaient choisir un camp, il savait pertinemment qu'ils choisiraient celui de son frère. Il était le seul rempart qui s'opposait à la folie de son alter ego. Le seul autre chef que l'on suivait les yeux fermés. Et cela commençait à lui peser car il ignorait s'il en serait à la hauteur. Il peinait déjà à apaiser les ardeurs de son jumeau, il serait alors bien en peine de canaliser les inquiétudes de centaines de sorciers. Et encore, c'était sans compter la présence des autres créatures surnaturelles qui vivaient tapies dans l'ombre.

Kaïbern sentait une sorte de brume l'envahir car il ne savait quoi faire. Pour la première fois depuis longtemps, il ignorait quel était le chemin le plus sûr à suivre. Il se trompait peut-être à s'accrocher à tout prix à cette paix éphémère que tout le monde semblait contester. Après tout ; cela semblait stupide de demeurer inerte quand les humains massacraient leurs semblables sans la moindre hésitation. Eux n'avaient pas hésiter à les brûler par dizaine de milliers. Cela lui coûtait de l'admettre, mais ces souvenirs s'agrippaient à sa mémoire et rien ne pouvait l'en débarrasser.

L'espace de quelques instants, tout s'obscurcit et il fut replongé près de quatre siècles en arrière. Au début de sa vie, le jeune homme était plein d'espoir car sa famille était l'une des plus respectées de Salem et ils possédaient une belle demeure. Nobliaux, leur fortune les isolait de la misère locale et des dangers qui y régnaient. Pourtant, les jumeaux s'évadaient souvent de leur cocon familial pour aller courir avec les jeunes paysans qui étaient nettement plus intéressants que les riches prétentieux qu'ils avaient l'habitude de les côtoyer. Contrairement aux idées reçues, leurs parents étaient plein de délicatesse et de bienveillance même s'ils tentaient de retenir les deux tornades châtaines qui échappaient à tout contrôle.

Lors de leurs premières années de vie, la paire gémellaire était inséparable et turbulente. Aucun n'était plus calme que l'autre et ils se retrouvaient dans des situations plus cocasses les unes que les autres. Leur caractère était si semblable que seuls leurs parents parvenaient à les différencier. Pour les autres, ils étaient une seule et même personne. Cela ne les dérangeait pas outre mesure tant qu'ils pouvaient s'amuser. En grandissant, ils avaient quelque peu affirmé leurs propres personnalités, mais ils demeuraient assez proches. Le temps s'écoula sans problème jusqu'à leurs trente ans. Ce fut à ce moment précis que commença la grande purge qui secoua violemment le Nouveau Monde. Ils avaient eu des échos provenant du Vieux Monde qui parlaient de violentes exactions envers ceux qui ne respectaient pas les dogmes de l'Eglise. Celle des humains qui établissait son contrôle sur les âmes qui y étaient soumis. Et ceux qui y déviaient se faisaient brûler sans la moindre hésitation. Les parents Parker avaient fui justement leur Ecosse natale pour éviter à leurs descendants de se faire persécuter et de se retrouver sur un bûcher sous le prétexte qu'ils étaient sorciers. D'ailleurs, ils ne pouvaient que raremnt utiliser leurs dons magiques pour éviter d'éveiller les soupàons même dans cette nouvelle contrée qui se voulait progressiste. En vérité, ce n'était qu'un refuge pour ceux qui étaient protestants, mais leurs superstitions étaient proches des catholiques.