Chapitre 1 - Partie 2

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Devant un immense temple aux colonnes blanches, Arès pénétra sans une hésitation. Il fit claquer ses sandales contre la pierre, ignorant les serviteurs qui se trouvaient sur son passage. Au fond du temple se dressait une grande pièce à coucher. Tout était pour le moins sommaire. Il y avait le nécessaire sans réelles fioritures comme on aurait pu l'attendre d'un dieu. L'ordre qui y régnait était principalement dû aux domestiques qui rangeaient l'endroit, aussi peu utilisé était-il.

Arès avait le goût de la guerre. Il aimait le sang, les combats, le front. Il n'hésitait jamais à donner de sa personne quitte à vivre aux milieux des hommes. Les tentes militaires et les lits de fortunes étaient des choses auxquelles il était accoutumé. Le luxe des dieux ne le rendait pas plus heureux.

Il se laissa choir sur un fauteuil près d'une grande ouverture donnant vue sur une bonne partie de la Grèce. D'ici, la mer Egée se fondait avec la Méditerranée. L'eau turquoise était coupée d'une ligne bleue foncée, là où les profondeurs cachaient le royaume de son oncle Poséidon. La mer s'étendait à perte de vue, jusqu'à ce que le ciel ne l'interrompe de son bleu azur moucheté d'oiseaux marins, dominé par l'astre solaire dont aucun nuage ne venait perturber le rayonnement.

Le visage soutenu par son poing, Arès se laissa aller à une grimace. La douleur qu'il avait contenu jusqu'à maintenant, lui tiraillait les entrailles. Jamais de sa vie il n'aurait cru un jour pouvoir ressentir pareils maux suite à un affrontement avec un mortel. En temps normal, il aurait déjà guéri. Il était intimement convaincu que quelque chose n'allait pas avec l'arme de ce héros grec. Il n'y avait que le pouvoir d'un dieu qui pouvait en toucher un autre. Si Héphaïstos avait appris l'art de la forge à ces mortels, rien de ce qu'ils pouvaient fabriquer n'était en mesure de mettre à mal un dieu.

De sa main libre, Arès pressa son ventre perforé. Il baissa les yeux en sentant quelque chose de chaud contre sa paume de main, et les plissa en y voyant du sang. Phobos avait raison, il saignait beaucoup trop pour que ce soit normal. Outre sa blessure, Arès porta son attention sur son armure. Du bout des doigts, il toucha le métal plié et déchiré. Même cette armure était divine. Une preuve que Diomède n'était pas seul dans cette histoire. Il savait Athéna aux côtés du héros. Cependant, vouloir l'éradiquer de la sorte, via un humain, était nouveau. Arès n'y voyait aucune logique là où la déesse de la guerre et de la justice n'était autre que méthode et cohérence.

Il délaissa sa blessure pour reporter son regard sur l'horizon, attendant le retour de son messager. Lorsque le char d'Hélios eut atteint le bout du ciel, Arès décida enfin de se lever. Il traversa sa chambre et sous une arche, pénétra dans une pièce à eau. Un bassin était creusé à même la pierre blanche où des têtes de sanglier sculptées déversaient une eau chaude et fumante. Arès se délesta de son armure, congédiant quiconque voudrait pénétrer ces lieux. Sa plaie ne s'était en rien résorbée. Elle suintait sur son ventre, déformant les lignes et les courbes de son corps taillé pour des activités extrêmes. La peau autour était rouge, boursouflée et lui faisait mal. Son dos lui était tout aussi douloureux. Malgré la gravité de la blessure, Arès mit un pied dans l'eau. Des marches lui permirent d'entrer progressivement, l'eau léchant au fur et à mesure sa peau teintée par ses combats au soleil.

Ce fut un supplice que de se plonger intégralement dans l'eau. La chaleur du liquide brûla les chaires à vif du dieu, lui arrachant une plainte. Il persista pourtant dans sa position, basculant sa tête vers l'arrière, sa nuque calée contre le rebord en faïence blanche, les yeux clos. Ses cheveux courts, à la teinte si particulière, s'évasèrent comme la corole d'une fleur épanouit. L'air frais de la nuit tombante s'engouffra dans la pièce par une ouverture non vitrée. Elle caressa le visage crispé d'Arès et créa de petites vaguelettes à la surface du bassin, dont les reflets étaient parfois rosés.

Dark Egypt - Godness : ArèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant