Chapitre 9 - Partie 2

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Maât ne s'était pas absentée bien longtemps. Elle avait fini par trouver une chambre à laquelle une salle d'eau était attenante. Thot avait soi-disant béni le bain. Arès n'y voyait aucune différence. Il s'agissait d'une pièce recouverte de faïence où en son centre avait été creusé un bain en croissant de lune. L'eau était peu profonde, d'un limpide impressionnant, et chaude. Une agréable odeur de fleur s'en dégageait, délicate et apaisante. La sérénité des lieux était surréaliste. L'incarnation du chaos était quelque part en Egypte, suffisamment puissante pour faire trembler les plus grandes divinités natives, mais certains d'entre eux prenaient soin à lui préparer un bain dans lequel il se coula avec langueur.

La chaleur de l'eau fit un bien fou à ses muscles noueux. Il avait l'habitude de la guerre mais son corps, aussi entrainé pouvait-il être, méritait soin et repos. Il posa son attention sur son bras qui avait été meurtrie par l'assaut d'Apophis. Il n'y avait plus de trace, ou si c'était le cas, le sable de Seth s'était chargé de tout effacer sous de nouvelles coupures. Il passa sa main dessus, nettoyant le tout avec de l'eau. Contrairement au bassin béni d'Isis, ce bain là était différent. Sa transparence était irréelle, et à mesure qu'Arès passait de l'eau sur ses égratignures, ces dernières se résorbaient. Bientôt, son corps fut dépourvu de toutes imperfections, à l'exception de sa malédiction. Celle-ci le chatouillait légèrement. L'eau avait tendance à chauffer dessus sans que ce ne soit désagréable. Il se doutait que la magie d'Isis n'était pas celle de Thot, et qu'un bain béni à l'instant n'avait pas les mêmes vertus qu'un bassin constamment ensorcelé.

Il passa une énième fois de l'eau sur son corps lorsqu'un bruissement attira son attention. Sous la voûte qui faisait l'entrée de la salle d'eau, Maât se tenait là. Elle pénétra dans la pièce, silencieuse. Le léger clapotis de l'eau résonnait en une mélopée gracieuse et hors du temps. L'obscurité de la salle d'eau n'était pas suffisante pour obstruer l'intégralité de sa vue. Il n'y avait, de toute façon, que le noir total pour rendre aveugle une divinité.

Arès suivit l'avancée de la déesse d'un œil à la fois méfiant et intéressé. Dans une horrible langueur, il vit tomber une à une ses étoffes, dévoilant les courbes sensuelles qu'elles recelaient. Il pouvait voir chacune de ses formes découpées dans la noirceur de cette nuit froide, où l'eau cristalline scintillait sous les rares rayons lunaires. Des arabesques de lumières dansèrent sur sa peau noire alors qu'elle mit délicatement un pied dans l'eau. Le bain, pourtant nullement éclairé, était si clair qu'on aurait pu croire que de la lumière émanait de ses flots, s'éclairant au passage de la déesse.

De légères vaguelettes naquirent à sa surface à mesure que Maât entrait dedans. Elle s'assit ensuite, quand ses pieds touchèrent la partie la plus profonde du bain. Même immergée, Arès pouvait tout voir. Tout comme Maât n'en ratait pas une miette.

Ses cheveux, qu'elle n'avait pas relevés, s'évasèrent en une corole noire tout autour d'elle. Elle ressemblait à une nymphe rare et précieuse. Une femme si belle et mystérieuse qu'Arès ne pouvait en détourner son attention. Il était, à son sens, stupide de déclarer une déesse comme plus belle que les autres. Aphrodite était magnifique, pour sûr. Mais des mortelles l'étaient presque tout autant. Ce qui engendrait une jalousie perverse. Précisément ce qui avait déclenché la guerre de Troie. Du temps où il avait cédé à la fille d'Ouranos, Arès n'avait jamais désiré obtenir la plus belle de toutes les déesses dans son lit. Il s'était laissé aller à ses mots doux, ses compliments, son charme et surtout son intérêt. Tout comme il avait laisser l'intérêt d'Apollon venir à lui et combler ce vide qu'il niait, qu'il essayait d'assouvir par toujours plus de guerre, toujours plus d'affrontements, toujours plus d'attention qu'on lui portait par la violence dont il usait, par ses sauvageries et son talent inconsidéré pour se battre. Mais le sang ne remplacerait jamais la chaleur d'un regard, quoi qu'il en dise.

Dark Egypt - Godness : ArèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant