Chapitre 16

55 2 1
                                    


Les mâchoires crispées, il posa sur elle son regard marin dont les prunelles avaient viré au gris en exerçant une légère pression sur son bras. Il le souleva délicatement pour découvrir jusqu'où la douleur se répendait.

Sa voix grave s'insinua perfidement en elle, accélérant les pulsations de son cœur. A ce moment pourtant, il n'y avait rien de sensuel dans ses gestes soigneux et mécaniques.

- Il y'a comme un vide dans votre épaule, juste là. Vous avez reçu un choc qui a fait bouger l'os. Comment vous êtes vous fait cela ? demanda t-il.

- En tombant, lâcha-t-elle laconiquement.

- Alors la chute a dû être rude... attendez...! c'était le soir de votre agression n'est ce pas ?

- Oui... mais c'est trois fois rien. j'ai vu un médecin et...

- Vous avez jugez inutile de suivre ses recommandations j'imagine, la coupa t-il un sourcil levé.

Il était si proche qu'elle percevait sa voix comme un murmure effrayant. On aurait dit une enfant pris en faute.

- Vous avez des baumes ici? demanda Aurélio. Il ne servait à rien de la blâmer.

- Oui, dans la boîte à pharmacie. Sous la deuxième étagère dans l'armoire du salon.

Quelques instants plus tard il revint, s'assis en face d'elle et entrepris de lui enduire l'épaule avec le médicament.

Ses gestes étaient doux et précis, son attitude emprunte de bienveillance. Kaélé n'était pas habituée à ce que des étrangers s'occupent d'elle de cette façon. Il y'avait certainement une raison.

- Pourquoi ?
- pourquoi quoi? répondit-il.
- Pourquoi vous occupez vous de moi? Je doute fortement que vous le fassiez pour tout vos employés. Et il faut dire qu'on ne s'entend pas du tout vous et moi, alors... qu'est-ce que vous voulez ?

Pendant quelques minutes, le silence reigna à la suite des réponses de Kaélé. Elle pensa qu'il ne répondrait pas lorsqu'il dit :

- Je reconnais que je n'ai pas été très tendre avec vous depuis notre rencontre.

Il pris une inspiration avant de poursuivre :

- Vous me faites penser à un homme que j'ai connu autrefois. Il était toujours sur la défensive. Il ne laissait personne s'approcher trop prêt de la carapace qu'il s'était forgé, et entrevoir sa fragilité.

- Je ne suis pas faible, argua Kaélé avec humour en retenant un cris de douleur quand il toucha un point particulièrement sensible de son épaule meurtrie.

- Je n'ai pas dit ça ! vous n'êtes pas faible en effet Kaélé.  Vulnérable par contre, ça oui vous l'êtes.

Sa voix roque aux intonations chaudes emplissait la pièce. Elle agissait sur elle bien plus efficacement que le baume qu'il lui frottait sur la peau. Ce serait peut être facile de lui parler après tout.

- Qu'est-ce qu'il avait cet homme ? le questionna la jeune femme, captivé par ses mots, par l'histoire qu'il lui racontait.

Estelle lui avait dit avant de partir qu'elle n'aurait qu'à faire comme s'il n'était pas là. Mais à cet instant précis comment pouvait-elle faire comme s'il n'existait pas alors qu'il était si proche avec sa main sur sa peau endolorie, qu'elle respirait son parfum mélange subtil de son après rasage et de l'odeur enivrante de son corps viril ?

- Disons qu'il était le seul à avoir la télé, bloquée sur la chaîne culpabilité. Il redoutait que ses démons ne s'en prennent aussi à quiconque s'approcherait trop et préférait les affronter seul. Le problème c'est qu'en le faisant, il se détruisait lui-même.

Grand Coeur MaladeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant