Chapitre sans titre 8

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Kaélé regardait évoluer son employeur dans la salle de réunion, avec un calme qu'elle était loin de ressentir. En réalité, elle était en proie à une vive émotion, dont elle ne parvenait à définir la nature. C'était un mélange d'irritation, de gêne, de tristesse et de quelque chose d'autre, comme si elle ne pouvait défaire son regard de l'homme qui venait de faire son entrée dans la pièce lambrissée. Ses yeux étaient aimantés vers lui et elle avait beau faire des efforts, ils restaient résolument rivés sur lui.

Il passa près d'elle et lui semblât tout d'un coup bien plus grand et plus imposant que dans son souvenir, l'homme devait faire au moins 1m85. Son costume sur mesure, couleur corbeau à la coupe impeccable retombait sans un pli sur une chemise blanche, qui moulait son torse et soulignait sa puissante carrure que l'on devinait athlétique. Apollon aurait été bon pour changer de métier s'il avait existé à son époque, Aurelio lui aurait fait de l'ombre. Il devait passer des heures à la salle de gym. A côte de lui, tous les hommes présents dans la pièce, pour la plupart ventripotent, ressemblaient à des gobelins.

Ses cheveux soigneusement coupés et savamment décoiffés, de la même teinte sombre que son costume lui retombaient en quelques mèches sur le col de sa chemise en un contraste des plus saisissants. Ses sourcils eux aussi sombres, au traçage parfait, surmontaient des yeux au regard franc et inquisiteur, dont la teinte des pupilles rappelait les eaux du pacifique par temps d'été. C'est certainement à lui qu'on aurait interdit son reflet, pas à Narcisse. Depuis son nez droit et busqué, sa mâchoire carré, son menton volontaire jusqu'à ses longues jambes qui se mouvaient avec une aisance et une grâce follement féline pour sa grande taille, tout en lui respirait la force, la puissante et l'autorité. Quant au dessin de sa bouche...sa lèvre supérieure avait une taille ni trop forte ni trop petite tandis que celle inférieure était courbée en un tendre renflement qui lui fît se demander ce que cela lui ferait si... elles se posaient sur les siennes.

Qu'allait-elle donc penser là ? se demanda Kaélé soudain sous le choc. Elle ne venait quand même pas de se demander ce qu'elle ressentirait si son patron l'embrassait !

C'était sans conteste l'homme le plus séduisant qu'elle vu de toute sa vie c'est sûr, mais jamais, au grand jamais elle n'avait fantasmé sur un homme. C'était impossible ! Le simple fait de sentir le regard insistant et concupiscent des hommes sur sa personne l'insupportait, la faisait trembler d'effroyable dégout, alors imaginer un contact physique... elle ferma les yeux un bref instant pour effacer douloureusement la vision qui lui venait à l'esprit.

Et les événements des derniers jours qui n'étaient pas pour arranger la situation... !

De toute façon son corps ne réagissait pas à ce genre de chose, elle n'était pas du genre à se pâmer devant un corps d'homme, et c'était tant mieux ainsi.

Kaélé savait ce qu'il en coûtait de se laisser aller à ce genre d'émoi, la leçon elle l'avait retenue avec sa mère. Il suffisait de se laisser aller à des rêves de compte de fées éternel pour que l'amour et le désir rendent débile toute personne qui flirt un peu trop avec eux un temps et ensuite... ensuite l'autre se défile en laissant une blessure, un grand vide et une si profonde tristesse que seule la mort peu l'adoucir. Et la mort avait adouci le chagrin de Sola...le destin c'était bien moqué d'elle. Il lui avait tout promis mais ne lui avait rien donné. Le bonheur disait sa mère, avait été à sa portée, alors elle avait tendu la main et la folie c'était emparée d'elle. Oui la vie ne valait pas grand-chose, elle passait en un instant comme fanent les roses, le temps glissant est un beau salaud, des chagrins et des peines des Hommes, il s'en fait des manteaux, pensa Kaélé la gorge serrée.

Et de toute façon ce qu'elle avait vécu lui avait depuis longtemps retiré toute idée de ce genre, elle n'y voyait pas l'intérêt parce qu'il n'y en avait aucun. Elle ne c'était jamais posée ce genre de question avant pour personne.

Grand Coeur MaladeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant