Chapitre 20

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Point de vue Emma.

Flash-back

Il est minuit passé et j'ai dix ans. Je souffle mes bougies en faisant le vœu d'en avoir dix de plus et de m'en aller d'ici. Personne n'est à la maison. Ma prétendue mère doit se balader dans les bars de la ville avec un gramme d'alcool dans le sang. Encore une fois, je fête mon anniversaire seule avec comme accompagnement gustatif ce délicieux flan que je vole au pâtissier du coin chaque année. Il a fini par me laisser courir sans m'obliger à payer. Je crois même qu'il dépose exprès cette part pour moi devant sa boutique. La pitié m'offre quelques cadeaux. Lorsque ma mère rentre, son état est très éloigné de la sobriété, mais je ne bronche pas. De toute façon, je n'ai pas de pouvoir sur elle. Me souhaiter un joyeux anniversaire ne lui traverse pas l'esprit. Mais, ses insultes envers moi résonnent dans la demeure. Si mon nom de famille est identique au sien, elle ne démentit pas qu'elle voudrait que je ne lui appartienne plus. Alors qu'elle s'affale dans le canapé avec une bière dans la main, elle hurle :

— Ton satané père m'a foutue dans cette merde, t'entends ! crie-t-elle pour une énième fois. C'est à cause de lui si tu me fais chier et que tu traînes dans mes pattes.

Être fille d'un violeur et d'une mère alcoolique s'avère être la réputation qui m'attend à la rentrée demain. Réputation basée sur des faits réels qui m'accompagneront jusqu'à la fin de ma vie. Pourquoi faut-il que certains enfants soient le résultat d'une mauvaise rencontre ?

Au réveil, je ne compte pas sur ma mère pour préparer mon petit déjeuner ou m'accompagner jusqu'à l'école. J'enfile les affaires que je porte depuis trois jours et m'aventure vers ma nouvelle identité. En effet, je compte devenir une tout autre Emma. Vivre une enfance comme la mienne développe de nouvelles façons de penser. J'ai très vite eu un penchant pour la réflexion, la psychologie, le paraître, l'observation ainsi que le contrôle. Tout ce qui peut me permettre de construire une nouvelle personnalité. La revanche sur mes dernières années de souffrance sera bientôt récompensée. Mais avant cela, j'ai besoin d'une âme fraîche.

Comme prévu, ma rentrée ne passe pas inaperçue. Le nom de famille Morel n'est pas inconnu dans la région. Beaucoup savent mon histoire. Tout comme celle de mes voisins ou bien celle du maire. Ce qui est souvent le cas dans les modestes banlieues. Même si mes prochains camarades de classe découvriront bientôt mon visage, je ne baisse pas la tête pour autant. Je ne suis pas responsable de l'échec de ma mère. Je n'ai donc rien à me reprocher. Seulement, je ne supporterais pas d'être reconnue comme une malheureuse petite fille cette année de plus.

En arrivant devant le panneau d'affichage à l'entrée du collège, je retrouve mon nom de famille inscrit sur la liste des élèves de la 6e A. Je parcours les noms de mes camarades de classe à la pointe du doigt et ferme les yeux pour choisir par le plus grand des hasards l'élu qui transformera ma vie. Mon arrêt s'effectue lorsqu'un élève me bouscule. J'ouvre les yeux et lis : « Louane Fleury ». Il est temps de découvrir l'existence de ce personnage secondaire.

Quand la sonnerie se déclenche, nous nous dirigeons vers nos salles respectives. Notre professeur principal distribue nos places dans l'ordre alphabétique. Il arrive enfin à la lettre F et je m'apprête à observer mon nouvel objet. Lorsque son corps frêle se déplace vers son bureau pour se présenter, je souris devant ma plus belle prise. Elle est la définition parfaite de la personne que je recherchais. Visage tendre, regard perdu, sourire effacé, léger tremblement de voix et vêtements mille fois trop grands pour elle. La faiblesse dans son intégralité.

Je ne mets pas en œuvre mon plan tout de suite. Il faut d'abord observer la matière avant de la former. Quelques récréations m'auront suffi à comprendre qu'elle n'a ni ami ni proche dans l'établissement. Elle n'est pas très sociable et passe son temps à se cacher devant la vie scolaire. Le surveillant lui conseille plusieurs fois d'aller vers les autres. Ce qu'elle entreprend de faire avant de se planquer autre part et de sortir un livre de son cartable. Instant parfait pour entrer sur scène. Je m'assieds près d'elle et me penche vers son roman.

Maintenant, je sais... (TOME 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant