Maintenant, je sais... (TOME 2)

Chapitre 14

Je n'avais pas réalisé à quel point c'était aussi dur de ne pas être dans ses bras. Je n'ai jamais été aussi éloigné de lui. Une distance s'est installé entre nos corps. Même quand nous étions de simple amis, j'avais le droit au moins à un petit contact. Aujourd'hui rien, et ça fait mal. Seul mes yeux peuvent poser un regard sur lui et encore j'ai l'impression d'aller trop loin. Je n'ose pas m'approcher, à vrai dire je n'en ai certainement pas le droit. Ce serait pourtant un geste simple pour montrer que je n'ai pas pu l'oublier comme je le voulais. Je ne fais rien et à cet instant précis, la parole est notre seul moyen de communication.

- Paris te plaît ?

- C'est plutôt sympa.

- Mme Anderson vous a pas trop embêter avec nos monuments français ?

- On a été visité le Louvre hier.

- Oh...

- Connor a dit que si jamais on était face à un attentat, il n'hésiterait pas une seconde avant d'arracher le tableau de la Joconde et de l'envoyer sur un des terroristes.

- Ça ne m'étonne pas de lui, répondis-je dans un sourire.

- C'est vrai qu'il a toujours le don pour nous faire rire.

- On l'aime bien pour ça...

Cette discussion ne rime à rien et n'aide personne. Pitoyable. Vraiment, déplorable. Pourquoi j'ai amené un sujet de conversation aussi inutile ? Tout ce que je fais c'est retarder le moment où il faudra parler du véritable sujet. Je nous emmène directement dans un labyrinthe qui n'a aucune issue pour le moment. Mes questions s'enchaînent pour ne pas s'arrêter sur ce silence qui est déjà là. Qui sera le premier à nous sortir de ce trouble qui nous guette ?

Alors que je m'apprête à parler, Lucas tourne son visage vers moi.

- Tu sais quoi Louane ? J'en ai marre de regarder chaque matin la porte d'entrée du lycée pour m'assurer que tu sois là. Je passe mes journées à penser à ce que tu m'as fait et je ne trouve pas assez de courage pour te détester. Dès que je te vois c'est comme si rien n'était arrivé. Pas un seul moment j'arrive à me dire que tu m'as vraiment abandonné. Il y a des soirs où je me demande comment je peux être si aveugle. Je ne comprends pas comment tu peux être encore aussi présente même après deux mois d'absences. Je repense sans cesse à ton départ et je me refais le scénario en tête chaque soir avant de m'endormir sur tes derniers mots qui me brise le cœur. J'ai fait tous les efforts possibles pour ne pas craquer devant ta place vide en cours. J'ai totalement pété les plombs quand j'ai dû jouer notre duo avec quelqu'un d'autre. Comment voulais-tu que je tombe amoureux quand la seule personne qui compte est à des kilomètres de moi ? J'ai essayé de me réjouir à l'idée qu'on t'avait trouvé une remplaçante pour jouer le rôle de Sandy, mais dans mes rêves je devais t'embrasser toi et pas un sosie misérable qui ne sait même pas apprendre son texte alors que toi tu le connais du bout des doigts depuis que tu es petite. Est-ce que tu peux imaginer les innombrables fois où j'ai voulu te rejoindre, mais que j'ai abandonné cette idée pour ne pas t'offenser ? Je t'ai attendu chaque jour, chaque heure, chaque seconde et c'est maintenant que tu réapparais ? Non Louane, je ne veux pas succomber à cette puissante envie de te prendre dans mes bras, de sentir ton parfum, de pouvoir emboîter nos mains les unes dans les autres. J'espère que tu comprends que j'ai vraiment eu mal.

Pour une fois, je n'ai pas de mots. Mes yeux sont embués et je ne sais pas si je suis heureuse ou triste. Sur son visage, je perçois un soulagement. Cela faisait trop longtemps qu'il avait tout ça en tête. Je ne sais pas quoi lui répondre, même un simple pardon est ridicule face à son aveu. Un aveu qui me fait bien comprendre que j'ai brisé son cœur. Quand j'ai décidé de partir, je savais que j'allais le détruire d'une manière ou d'une autre, mais je n'avais pas envisagé l'ampleur des dégâts. Comment puis-je réparer mes erreurs ? Les bons mots me manquent. Nous sommes brisés l'un comme l'autre, sauf que je suis la source de son malheur.