Chapitre 18

18 0 0
                                    

À bord du bus nous menant à Lille, Gauthier et moi passons la plupart de notre temps à parler de l'enfance qu'on aurait pu avoir à deux. Nous en arrivons à la conclusion que nous avions probablement raté les meilleurs moments de notre vie.

— Tu parlais d'un manque constant à l'intérieur de toi l'autre fois. Pourquoi n'ai-je pas ressenti la même chose ? lui demandé-je.

— Je n'ai jamais compris d'où cela venait. Je ressentais juste un vide inexplicable en moi durant mon enfance.

— Mais avant tes onze ans, tu ne savais pas que j'existais...

— Dans la réalité, non. Mais inconsciemment, malgré mon très jeune âge, j'ai dû comprendre que quelqu'un d'autre grandissait dans le ventre de ma mère.

Les recherches scientifiques affirment qu'un nourrisson ne se souvient pas de ses premiers mois d'existences, mais il est capable de ressentir les éléments autour de lui. En à peine neuf mois, Gauthier avait ancré dans son être la présence d'une âme qu'il n'avait jamais rencontrée. Je comprends alors que les premières années de sa vie n'ont pas dû être des plus simples. Alors même si le mot « petite sœur » résonne encore faux dans ma tête, mon corps veut apaiser la douleur de mon partenaire assis à ma droite. Lorsque je le prends dans mes bras, du coin des yeux, je peux voir Lucas nous regarder. Je me détache instantanément de mon meilleur ami avant que Lucas puisse imaginer quoi que ce soit.

— Je devine que quelqu'un nous trucide du regard, demande-t-il après ma soudaine séparation.

— Je ne sais pas comment aborder le sujet. Comment puis-je retourner auprès de lui après mon départ sans explication ? Il y a tellement de choses que je n'ai pas encore réglées.

— Ça viendra avec le temps. Mais, ne l'écarte pas de ta vie. Même si pour le moment tu ne peux pas lui donner de réelles explications, intègre-le toujours dans ton quotidien.

— En prétendant quoi ? Que je puisse être sa petite-amie ? Et revenir comme ça auprès de lui ?

— Commence par regagner sa confiance en le remerciant de t'avoir ramenée à la maison. Puis petit à petit, tu trouveras un moment pour lui partager tes soucis.

Pour résumer, vis l'instant présent et attends que le temps s'éclaircisse. Pas évident quand je ne cherche qu'à retrouver les bras de mon amoureux. Les souvenirs de la nuit dernière me reviennent en mémoire. Loin des soucis de mon présent, nous avons passé un bon moment. Je ressors de ma poche le papier qu'il a déposé sur ma table ce matin. Je le regarde attentivement avant que Gauthier ne vienne me l'arracher des mains.

— Et en plus, monsieur te glisse des mots d'amours !

Je tente en vain de reprendre le message de Lucas avant qu'il n'atterrisse dans de mauvaises mains. L'inscription en elle-même n'est pas dangereuse, mais les rumeurs de notre classe tournent aujourd'hui essentiellement sur mon retour en Angleterre. Je n'ai pas envie que des détectives et des inspecteurs non qualifiés fassent de ma vie leur prochain reportage. D'autant plus qu'ils interpréteraient tout de travers.

Le chahut de notre petite querelle ne reste pas insensible à Lucas qui se lève brusquement de son siège et se dirige vers nous. Gauthier s'empresse de me rendre le bout de papier lorsqu'il croise le regard noir de Lucas.

— On dort ensemble la nuit dernière et tu te permets de te prélasser dans les bras de ton meilleur ami !

— C'est pas ce que tu crois..., essaye de lui répondre Gauthier.

— Lucas Levy, auriez-vous l'amabilité de répéter ce que vous venez de dire ? ordonne Mme Anderson.

Lucas ne se retourne pas d'un centimètre, mais sur son visage se forme le regret d'une telle parole prononcée. Ce n'est d'ailleurs pas seulement le regard de Mme Anderson qui s'est tournée vers lui, mais également celui de tous nos camarades de classe. Des messes basses passent d'oreille en oreille et le seul qui semble profondément amusé par la situation est Harry. De mon côté, je souris bêtement à Gauthier qui attend des explications détaillées de A à Z. Mais je n'ai pas le temps de lui dire un mot, quand une menace plus grande s'approche. Mme Anderson et les deux professeurs-accompagnateurs du voyage nous demandent de les suivre à l'avant du bus, loin des regards indiscrets.

Maintenant, je sais... (TOME 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant