Chapitre 11

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Point de vue Louane.

J'imagine que les jours deviennent plus sombres pour lui. En tout cas, c'est comme ça que je le ressens. Il me manque. Alors que dans la logique des choses, il ne devrait pas. C'est le problème existentiel des souvenirs. S'attacher aux moments qui nous font du bien et les approprier à quelqu'un. C'est ce que j'ai fait avec Gauthier. Nous avons partagé tellement d'instants ensemble depuis ces dernières années qu'aujourd'hui, l'absence de mon meilleur ami agrandit le trou qu'il a déjà formé. Et c'est assez difficile de se persuader qu'il ne faut pas lui en vouloir. Ce que nous avons construit ensemble n'était pour moi que le reflet de deux meilleurs amis et quand j'apprends qu'en face de moi se trouvait mon frère, j'ai du mal à revoir nos souvenirs de la même façon. Pourtant je ne peux pas oublier ce que nous avons vécu ensemble. Il est l'une des personnes qui m'a aidé à devenir celle que je suis aujourd'hui, mais ce n'est pas le seul.

Ça m'a pris soudainement. Ce matin, je me suis réveillée et la première chose à quoi j'ai pensé c'est de rendre visite à mon ancienne maison. Je ne sais si elle est vendue ou si une nouvelle famille a pris ses aises dans la maison où j'ai vécu pendant dix-sept ans. Cela me paraît étrange de donner à quelqu'un un endroit qui a construit une partie de mes souvenirs. Cela ne reste qu'une chose matérielle, pourtant cette maison signifie bien plus qu'un simple bâtiment.

Me voilà devant ce qui a été mes années de mensonges. Ces murs solides ont construit et voir même emprisonné une vie entière cachée dans l'ombre. Je ne la reconnais plus. Si peu de jardin que nous avions, aujourd'hui son sol fertile en est recouvert de mauvaises herbes. Je me souviens alors de cette banale balançoire de couleur verte. Coincée entre deux arbres, je me vois encore me balancer dans les airs à la recherche de n'importe quel nuage pour m'imaginer à quoi il pouvait correspondre. L'imaginaire d'une petite fille découvrant un éléphant dans cet aspect blanc et doux. J'ai toujours trouvé le ciel fascinant. L'histoire d'une image se renouvelant chaque minute. À la fois imaginaire et réel, le ciel n'est pas vu de la même façon par le monde. C'est un peu sa propre possession. La nature offerte à chacun de nous sous un aspect différent. Et c'est l'une des joies de l'enfance que je voudrais retrouver.

Partir d'ici m'a fait réaliser que j'avais grandi. Même un peu trop vite à mon goût. Je ne suis pas sûre de retrouver dans mon miroir le reflet de la petite fille que j'étais. Mon corps a suivi le temps et s'est transformé en gardant un peu de mes fossettes. Mon esprit a suivi ce qui m'entoure mais s'est transformé sur les erreurs des autres. Nous choisissons ce que nous devenons, mais certaines circonstances font que ce sont les autres qui choisissent pour nous. J'arrive à un âge où je dois construire mon avenir toute seule. Et si j'ai décidé de partir d'Oxford, je dois faire face aux choix rapide et insensé que j'ai fait et ça commence d'abord par trouver un job. Chose qui était loin d'être présent dans mon esprit pour pouvoir en paniquer à mon âge. J'étais pourtant quasiment certaine de devenir comédienne avant de poser n'importe quel pied dans un job étudiant. À croire que je vais passer ma vie à me tromper.

Paris n'est pas une ville en manque de travail et la restauration auprès de la Tour Eiffel est en pleine effervescence ces jours-ci. Pour dire vrai, j'ai du user de mon regard de chien battu pour être accepter en tant que serveuse dans un petit restaurant. Voilà un mois que j'ai intégré l'équipe et je suis à deux doigt de renoncer. Je passe mes journées à courir entre la salle de réception et la cuisine sur les ordres d'un patron exigeant près à tout pour obtenir sa première étoile. L'équipe est très petite, c'est l'une des raisons qui fait que je suis encore là après avoir cassé plus de cinq services. Je suis débutante, je n'ai jamais vraiment eu d'expérience dans ce domaine et mon collègue Mathéo ne semble pas vouloir accepter cela. Chaque matin, je le vois avec un regard froid et des manches retroussés parce que selon lui, je suis la seule responsable des dégâts causés le jour d'avant. J'aurai bien été dire à mon patron l'état dans lequel on me reçoit, mais je préfère ne rien dire si je suis en face du père de mon collègue favori. Alors je fais avec. Je ne me plains pas parce que je reçois ma paye à chaque fin de semaine, ce qui m'aide beaucoup pour manger et payer mon loyer.

Maintenant, je sais... (TOME 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant