[20] Jenny

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Le brouhaha incessant des clients du café tambourinent péniblement dans ma tête. Cette journée est particulièrement chargée et le service du midi n'arrange pas les choses.

Je suis entre deux commandes de café latte quand quelqu'un m'interpelle du comptoir. Je l'ignore. Ce n'est absolument pas le moment de me faire déranger par un vieux pervers lourd.

- Hé, la blonde! Répète l'homme derrière le comptoir.

Je me retourne, agacée. Je suis surprise de revoir l'homme qui m'a prise en stop il y a une semaine. Il est accoudé sur le comptoir et me détaille de la tête au pieds. Son crâne lisse brille encore plus sous la lumière des néons du café. Je dépose les deux cafés latte que je viens de faire devant le client qui les avait commandé et je vais prudemment vers Stone.

- Bonjour, je dis poliment, qu'est-ce que je peux faire pour vous?

- Alors beauté? Tu m'as déjà oublié? Me demande-t-il avec un sourire sarcastique.

- Oh, non. Mais là je suis assez occupée, donc je n'ai pas vraiment le temps de discuter.

- Ah je vois. Et tu finis à quelle heure?

Je me mords la lèvre, gênée. Ce mec ne me mets pas à l'aise. J'ai l'impression qu'il cache quelque chose derrière son ton calme.

- Je... je ne penses pas qu'il soit correct de vous le donnez.

- Et pourquoi, Jennifer? Me demande-t-il à nouveau en me regardant droit dans les yeux.

- Je... je ne pense pas que mon copain serait d'accord avec ça.

- Ton copain...

Il joue quelques secondes avec le menu posé devant lui en répétant le même mot avant de sourire et de me demander un double expresso que je lui prépare dans la minute qui suit. Quand il sort enfin, j'expire longuement, comme je m'étais longtemps retenu de respirer. Cet homme me fait définitivement très peur.

*****
Je suis en charge de fermer le café ce soir. À vingt et une heure, je ferme la porte à clé et me mets à retourner les chaises sur les tables pour pouvoir nettoyer le sol. Je déteste faire les fermetures. Être seule en pleine nuit dans un endroit pareil ne me mets vraiment pas à l'aise. Heureusement, quand je dois faire des fermetures, Lola va récupérer Maxence à l'école et reste avec lui dans l'appartement jusqu'à mon retour.

Pendant que je passais le balais, des coups sont frappés à la porte. Je sursaute, surprise, et regarde l'heure sur l'horloge posé contre le mur. Il est presque vingt-deux heures, je ne vois pas quel être humain censé viendrait toquer à une heure pareil. Les coups reprennent. Je tourne la tête et vois Tyler attendre derrière la porte. Je m'avance pour ouvrir la porte.

- Qu'est-ce que tu fais ici? Je lui demande pendant qu'il entre dans le café.

- Tu es seule?

- Pourquoi?

- Réponds juste à ma question.

- Si je dis oui, qu'est qui va se passer? Tu m'emmènes dans les vestiaires, tu me violes et tu me tue d'une balle dans la tête.

- Pas besoin de te violer. Je sais que si je te demandais une pipe maintenant, tu t'exécuterais dans la minute.

- Arrête de croire que...

Il me coupe la parole en posant ses lèvre sur les miennes. Je le repousse immédiatement:

- Mais arrête! Il faut vraiment que tu comprennes que je suis pas ta pute!

Il soupire et lève les yeux au ciel.

- Et il faut aussi que t'apprenne à te taire. Pense pas que je t'ai embrassé par plaisir. Bref, prend tes affaires, on y va.

Je le regarde, sans vraiment comprendre.

- On va où?

Il soupire à nouveau et s'appuie sur une table en face de lui. Je le sens nerveux, comme si il était à deux doigts d'exploser.

- Écoute, je t'expliquerais tout plus tard, mais là faut qu'on y aille. Tout ce que je te demandes, c'est de me faire confiance.

- C'est plutôt culotté de ta part de parler de confiance.

- Je sais. Mais il faut vraiment qu'on y aille, c'est urgent.

Je le regarde. Je vois dans son regard que c'est vraiment important. Il n'aurait pas perdu son temps à venir jusqu'ici pour me faire chier.

- J'ai encore du travail à faire. Tu peux attendre un peu?

Il me regarde intensément, essayant de voir si il peut me croire ou pas. Il finit par soupirer et retourner une chaise pour s'asseoir.

- Dépêche-toi. Dit-il sèchement en s'asseyant.

J'hoche la tête et me remet à balayer. Après avoir passé un coup de serpillière et essuyer le comptoir, je finis par aller dans les vestiaires pour me changer. Tyler m'attends encore dans la salle vide.

- T'as fini?

- Oui, c'est bon.

Il sort et je ferme la porte à clé derrière lui. On monte dans sa voiture garé juste devant et on s'élance vers je ne sais pas où. Un silence pesant règne dans la voiture et aucun de nous deux ose le rompre. Les seuls bruits présents étaient ceux de nos deux respirations et du morceau de rap qui passait à la radio. Je me tordais les mains, honteuse de l'avoir à nouveau fait confiance aussi facilement. Il faut vraiment que je comprenne que ce mec et dangereux et qu'il peut littéralement me conduire à la mort.

- Où on va, Tyler?

- Chez toi.

- Tu veux dire que tu m'as attendu trente minutes juste pour me déposer à la maison? C'est pas ton style.

- Et tu as tout à fait raison. On va à ton appart', on récupère le gosse et quelques affaires et vous venez emménager chez moi.

- Pardon?

- Tu m'as bien entendu.

- Pourquoi emménager chez toi? En quelle occasion?

- Je ne peux pas t'expliquer ça pour l'instant.

- Comment tu ne peux pas? Tu vas quand même pas me forcer à déménager de chez moi contre mon gré! Avec mon fils en plus!

- Notre fils.

- Il devient ton fils que quand ça t'arrange!

Il lève les yeux au ciel, mais ne répond pas.

- Il est hors de question que j'aille où que ce soit avec toi.

- Arrête, s'il te plaît. Ne pense pas je fais ça dans mon propre intérêt.

- À parce que c'est pour le nôtre peut-être ?

- Exactement.

- Me prend pas pour une conne! Je veux que tu m'explique tout ce bordel.

Il m'ignore et continue à regarder la route. Je n'ai plus la force de riposter. Quand il me ramènera, j'aurais qu'à lui claquer la porte au nez et j'aurais la paix.

CloserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant