Fausse piste (WATTYS WINNER 2022)

Chapitre 24

Kelly n'a pas prononcé une seule parole dès qu'elle est montée en voiture. Sa nervosité monta d'un cran en pénétrant dans le Lincoln Tunnel avant de finir par prendre la direction d'Hoboken puis de se diriger vers une rue, tournant de rue en rue, penchée sur le volant ou le nez sur la fenêtre jusqu'à se souvenir.

— Ah, dit-elle simplement, tournant dans une rue, ralentissant enfin et se garant devant une maison.

— C'est ici que...

Jake n'avait pas besoin de finir sa phrase, et elle ne demandait pas vraiment une réponse. C'était le résultat d'une simple analyse.

— Oui, répond-elle, tremblante. Je ne sais pas si je vais y arriver. C'est différent et si semblable. Je le vois encore.

— Reste ici, je vais vérifier, la coupe Jake en sortant de la voiture, coupant à travers le jardin et allant à l'arrière de la maison.

La piscine est là, pleine. Des arbres matures sur le terrain, un rosier, un plancher conduisant de la piscine à la maison qui n'est pas neuf. Il n'y a pas eu de travaux ici depuis un moment. Jake fait demi-tour et retourne à la voiture. Il raconte tout ce qu'il a vu à Kelly et, une fois rassurée, veut voir par elle-même, le voyant comme une thérapie. Aidée de Jake, en s'accrochant à son bras, Kelly revient sur les lieux de son crime, souriant à l'adage. Son souvenir se superpose à ce qu'elle a devant les yeux. Elle se revoit sortir de la maison, humiliée, salie, les larmes ayant depuis longtemps séché. Il était là, endormi, tout le monde dormait. Prenant un couteau à effiler dans le bloc sur le comptoir de la cuisine, elle avait fait coulisser la porte-fenêtre du patio et s'était approchée, lentement, bras le long du corps, le couteau semblait peser cent kilos alors qu'elle s'approchait, mille kilos en se tenant devant son violeur qui dormait sur le transat. Il ne pesait plus rien, léger comme une plume, alors qu'elle enjambait celui qui allait mourir. Kelly n'avait jamais imaginé que tuer quelqu'un ne lui ferait rien. Elle avait simplement posé la pointe à l'endroit le plus logique, se fiant aussi à ses cours de science, et poussa. Voir l'incrédulité et la vie quitter les yeux de sa victime ne lui avait fait ni chaud ni froid. Elle analysait la situation, se disant être encore en phase de choc traumatique, mais elle savait qu'il n'en était rien, à l'instant où elle fit basculer le corps au fond du trou, qu'elle se mit à creuser, puis qu'elle recouvrait le corps. À cet instant, elle était pleinement consciente de ce qu'elle faisait.

— Allons-nous-en avant de nous faire remarquer, chuchota Kelly.

Kelly s'accroche à Jake avant de monter dans la voiture, attendant que les portières soient fermées pour souffler.

— C'était intense. Revenir ici m'a fait revivre cette soirée.

— Chez qui sommes-nous ?

— C'était la maison d'un gars de ma classe dont j'ai oublié le nom, si je ne l'ai jamais su. Est-ce une coïncidence ? Que j'ai imaginé un lien ?

— Je ne sais pas. Tu veux bien me donner son nom, j'aimerais vérifier quelque chose.

Kelly met quelques secondes à répondre.

— Il s'appelait Duncan Jessup.

— Merci.

Démarrant, Kelly fait le trajet en sens inverse, rentrant directement chez elle, en silence, pour finir par s'excuser d'être un peu ailleurs. Jake, lui, a juste hâte de contacter un ami qui pourra vérifier une théorie pour lui. Profitant que Kelly est dans la salle de bain, il appelle son ami, lui donnant toutes les informations en sa possession, jusqu'à lui donner la réponse qu'il espérait ne pas recevoir. Assis sur le canapé, il fixe le mur devant lui, perdu dans ses pensées. Kelly s'assied à ses côtés et pose sa tête sur son épaule.