Chapitre 4

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— Kellyyyy. Ton Lieutenant est là.

Celle-ci relève la tête, regardant le Lieutenant O'Neill qui n'osait manifestement pas s'annoncer pour entrer dans le labo ni encore moins la voir.

— Ce n'est pas mon Lieutenant, Jenna, demande-lui qu'est-ce qu'il veut. Est-ce qu'il nous a laissé des échantillons à analyser ?

— Euh, non, rien à son nom, répondit-elle en regardant les dossiers. Peut-être qu'il vient s'excuser et t'inviter au restaurant ?

— Ça m'étonnerait. Bon, j'y vais, puisque tu ne veux pas te lever pour lui ouvrir la porte.

— C'est TON Lieutenant, pas le mien, le mien est trop... chou.

— Jenna...

Kelly sortit de son bureau d'un pas décidé, et ouvrit la porte, le visage neutre.

— Vous pouvez entrer, vous savez, vous n'avez pas besoin d'une invitation. Que pouvons-nous faire pour vous, Lieutenant O'Neill, je ne crois pas avoir d'analyse en cours ou en attente pour vous.

— Je voulais m'excuser pour mon comportement de l'autre jour, réussit-il à dire d'une seule traite.

— Vous savez, vous n'étiez pas obligé, je traite vos demandes dans l'ordre d'arrivée ou selon les priorités. Je ne vous ai pas mis sur liste noire.

— Je le sais, mais on m'a fait comprendre qu'il était préférable que je le fasse. Je ne vous connaissais pas, je débutais et je me suis laissé emballer par le prestige de la Ville. Je me suis comporté comme un con, et je m'excuse.

— Excuses acceptées, Lieutenant O'Neill. Comprenez que je dirige mon service d'une certaine façon. Je n'ai besoin de personne pour me dire ce qui est prioritaire, je le sais, c'est même moi qui le décide. Maintenant, que les choses soient claires entre nous, ce n'est pas parce que j'ai accepté vos excuses que vous aurez un passe-droit dans le traitement de vos dossiers, dit-elle en lui faisant un clin d'œil et de lui tendre la main. Ravie de travailler avec vous, Lieutenant.

— Moi aussi, Madame Michaels, répondit-il en lui serrant la main avant de repartir.

— Alors, il t'a invité au restaurant ? demanda Jenna, son visage reposant en coupe sur ses paumes, les coudes sur son plan de travail.

— Non, mais il s'est excusé, l'incident est clos. Allez, reprends le travail, la journée est encore jeune, fit-elle en retournant à ses propres analyses. Kelly complétait ses rapports, glissait les analyses et elle contactait les policiers responsables des enquêtes avant de s'accorder une pause repas. Jenna mangeait généralement dans son bureau en visioconférence avec son fiancé, aussi elle en profitait pour sortir. Jenna avait rencontré l'homme de sa vie alors qu'elles arrivaient sur une scène de crime dans un centre commercial où avait eu lieu une fusillade. Ce fut le coup de foudre pour les deux. Ethan était venu acheter un cadeau pour l'anniversaire de sa grand-mère et était tombé sous le charme de la jeune texane. Alors qu'elles finissaient et qu'elles étaient en train de ranger leur matériel, Ethan s'était approché, l'invitant à dîner, déclarant sa flamme directement. Quelques rendez-vous plus tard, et plusieurs nuits blanches, Jenna accepta de devenir Madame Saunders. Pour beaucoup, c'était un peu rapide, mais ils vont tellement bien ensemble. Ethan est totalement accro et c'est compréhensible. Jenna a encore cette innocence dans le regard, dans sa façon d'être, de voir les choses. New York ne l'a pas encore pervertie de son cynisme. Pour Kelly, ça lui prend au moins trois ans de fréquentation, un bilan sanguin et bancaire avant qu'elle n'accepte un simple rendez-vous au restaurant. Non qu'elle soit prudente, mais elle est assez méfiante. Une mauvaise expérience à l'université lui avait suffi. Sa colocataire l'avait emmenée dans un bar fêter leur fin de session, le temps qu'elle s'éloigne aux toilettes, Kelly la retrouva accrochée au bras d'un homme, ne tenant plus sur ses jambes, le regard hagard. Elle avait réussi à l'extirper de là avec l'aide de quelques clients, mais l'homme avait réussi à sortir du bar et disparaître. Donc, pour Kelly, les sorties dans les bars, c'est non, sinon les verres sont vidés au lieu d'être laissés sans surveillance. Au restaurant, elle ne quitte ni sa chaise ni son verre des yeux. Elle mise sur la prudence, il y a tellement de connards prêts à droguer une femme pour pouvoir abuser d'elle que, finalement, elle sort peu ou alors dans un bar fréquenté par les policiers, là au moins elle est tranquille. L'inconvénient c'est que l'on finit une fois sur deux à parler boutique ou sport. Bref, la conversation est limitée. Comme Kelly n'est pas très hockey, ni baseball, ni basket et encore moins football. Il ne faut surtout pas la partir sur le soccer ou, comme l'appelle le reste du monde... le football. Pourquoi appeler football un sport qui se joue avec les pieds et un ballon ? Où est la logique ? Aux États-Unis, c'est plus logique, un sport où le ballon est quasiment en permanence dans les mains, ils appellent ça le football... probablement parce que Handball était déjà pris. Elle s'amuse toujours avec ça lorsqu'elle parle de sport avec ses amis. C'est typiquement américain, toujours à une excentricité près, surtout à New York.

Un appel coupa sa pause-repas, un cadavre venait d'être découvert dans un mini-entrepôt, apparemment la viande était fraîche selon l'information que lui communiqua un officier en soulevant le ruban de rubalise pour la laisser passer. L'unité n'avait pas été payée depuis quelques mois, et en coupant le cadenas pour ouvrir et vider l'unité, l'employé avait eu la surprise de sa vie. Devant Kelly, appuyée sur le mur du fond, se tenait un homme, bras croisés sur la poitrine, une jambe croisée contre l'autre, comme s'il attendait. La tête, légèrement tournée, il regardait un plan de Manhattan.

Le Lieutenant Henry Thomasson, l'attendait, sachant immédiatement ce qu'elle allait dire en pénétrant dans l'unité de stockage.

— Je n'aime pas ça, j'ai un mauvais pressentiment, Tom.

— Fait de ton mieux Kelly. Personne n'est entré. Pourras-tu me cibler au maximum ce qu'il regarde sur le plan, le point le plus précis ?

— Je vais faire mon maximum. Vu la mise en scène, je peux déjà te dire de t'attendre à ce que Monsieur ne soit que le premier.

C'était évident pour tout le monde, mais personne ne voulait le dire, aussi elle s'était dévouée. Ouvrant sa mallette, elle sortit et enfila une paire de gants, avec une longue paire de pinces, Kelly écartait puis fouillait les poches de la victime, puis elle palpa et glissa ses pinces à l'intérieur, tentant d'accéder à la poche intérieure, en sortant un ticket de stationnement. S'approchant du plan, Kelly cibla une zone.

— Un ticket de parking du 444 Riverside, dit-elle tandis que Tom notait l'information sur un carnet et qu'elle rangeait le ticket dans un sac en plastique pour le sceller. Sortant une règle de sa mallette, elle la fit glisser doucement dans le dos de la victime, au niveau des fesses.

— Portefeuille dans la poche arrière. Il était droitier. Je vais avoir besoin de toi pour maintenir le corps le temps que je le sorte, dit-elle en lui indiquant sa mallette. Prends deux pinces et appuie-toi sur tes jambes, il va pencher un peu, tu devras peut-être le retenir.

L'écoutant, il prit position tandis qu'elle décollait légèrement le corps de la cloison, afin d'extraire le portefeuille de la poche arrière droite.

— Malcolm Donohue. La photographie correspond. 1231 Woodrow, appartement 4, Edgewater, New Jersey Ah ! Un badge. C'est un conducteur de métro pour la MTA. Il y a encore de l'argent dans son portefeuille, donc ce n'est pas le mobile, il y a... quatre-vingt-trois dollars. Tu peux le repousser, Tom, merci. Bon, je vais faire des prélèvements et te ferai un topo plus tard, tu passes en traitement prioritaire.

— Je vais commencer par les infos que tu m'as données. Regarde quand même les yeux et la carte, au cas où ça viserait ailleurs que sur le stationnement. Merci Kelly, dit-il en s'éloignant.

Elle contacta la morgue pour qu'ils viennent récupérer le corps, et en les attendant, elle effectuait divers prélèvements sur les doigts, vérifiait les ongles, prélevait tout ce qu'elle pouvait en attendant, à divers endroits, comme au niveau des aisselles et de la poitrine si le corps avait été traîné. Avec une loupe elle cherchait des fibres, des cheveux. Kelly emballe et étiquette tout ce qu'elle prélevait, tout ce qu'elle pouvait. Elle finissait de prendre des photographies et décolla la carte du mur quand elle s'arrêta, surprise, avant de prendre une autre photographie, cadrant le symbole et le nombre 2 dessiné au marqueur noir. Kelly regardait ses collègues envelopper le corps avant de le faire basculer pour l'allonger sur une civière. Elle prit des photographies de l'opération et du mur, mais aucune autre inscription ne l'attendait derrière le corps. Une fois les collègues de la morgue partis, Kelly examina le mur du fond en détail, mais ne vit rien de particulier.

Remerciant les policiers en uniforme qui attendaient à l'extérieur, elle les laissa sécuriser la scène de crime alors qu'elle s'éloignait, envoyant à Tom la photographie du symbole et du numéro, expliquant où elle les avait trouvés.

Autant bousiller sa nuit et celle de la hiérarchie tout de suite.

Kelly retourna au laboratoire mettre Jenna au courant, changer les priorités des dossiers, prévenir les personnes concernées et commencer les analyses. Vu l'heure, l'équipe du soir n'allait pas tarder et allait avoir du pain sur la planche. La priorité étant le plan. Kelly avait pris un nombre incalculable de photographies, il ne lui restait plus qu'à en tirer une modélisation afin de voir ce que fixait Monsieur Donohue.

Fausse piste (WATTYS WINNER 2022)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant