Epilogue

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À mon réveil, elle est là. Elle écrit encore dans son carnet vert. Elle a même ressorti le bleu et le rouge, en prévision de cette journée. Comme à son habitude, elle fait comme si elle ne savait pas que je suis réveillée. Quant à moi, je l'observe. Comme toujours, dans mon sommeil, je me suis recroquevillée, dos contre le mur, mes cheveux tombant en rideau devant mon visage. Après quelques minutes, elle referme son carnet, et me regarde avec ce sourire triste que je connais si bien.

- Je suis désolée.

Je me redresse, et retire le masque à oxygène. Elle attend que je continue.

- Je me pensais plus forte. J'étais sûre que c'était enfin derrière moi.

- Je sais Camille. Tu es forte et courageuse. Je suis fière de toi. Je t'assure qu'il ne t'arrivera rien. C'est elle qui a demandé à être présente aujourd'hui. Comme je te l'ai dit tout à l'heure, je crois qu'elle veut te parler, dit Evelyn.

- Pourquoi ?

- Je l'ignore. Elle a dit que c'était personnel, et que cela ne concernait qu'elle et toi.

- J'ai peur. Qu'est-ce que je ferai si elle est encore en colère, et qu'elle vient uniquement pour me le dire. Si c'est pour me rappeler que ce sera toujours ma faute.

- Je ne crois pas qu'elle soit venue pour cela, me rassure-t-elle. Il y a peu tes parents sont sortis de prison. Elle les a revus. Je crois que c'est de ça qu'elle est venue te parler.

Lorsqu'ils ont été libérés, leur première demande a été de revoir mon frère et ma sœur. Malgré les années de séparation forcée, ils sont restés amoureux, et ont continué d'aimer Joseph et Anne. Ils ont suivi une courte thérapie, mais cela n'a rien changé pour moi. Ils me détestent toujours autant. Si Joseph a simplement refusé de les revoir, Anne n'a jamais parlé de ce qu'elle leur a dit. Evelyn n'a jamais insisté par égard pour elle. Elle s'est simplement assurée qu'elle allait bien, qu'elle n'était pas trop bouleversée.

Ma tutrice se lève, et sort une tenue de mon placard : un short à bretelles bleu clair, avec un t-shirt à manches longues large rose. Nous allons ensuite dans la cuisine nous restaurer. Je ne mange qu'un bol de fruits en morceaux. Il est à peine dix heures. Il me reste encore quatre heures avant leur arrivée. Evelyn prend ma brosse à cheveux, et entreprend de me coiffer. Elle me fait des tresses attachées avec des rubans blancs. Je décide de ranger ma chambre. J'ai retourné toutes mes affaires afin de retrouver mon livre. Je ramasse les vêtements, les cahiers, les feuilles et les jouets qui trainent par terre. Je refais mon lit correctement. J'ouvre le volet et la fenêtre pour laisser la lumière et l'air entrer. Je remets en ordre mon bureau. Je range mes livres dans la bibliothèque. Je ne garde que celui de mes amis. Une fois terminé, je me rends sur le balcon. Je me pose dans le fauteuil suspendu. J'entends les oiseaux chanter dans le bois, le murmure du vent qui apporte des odeurs divines, et j'observe la vie autour de moi. Des abeilles viennent butiner nos fleurs, des petits moineaux s'amusent sur la rambarde, des papillons volètent non loin de là. Je me sens apaisée. Je me replonge dans le livre. Je m'arrête de nouveau sur ce portrait de moi. J'ai l'impression de revivre cet instant. Quand j'ai rencontré Evelyn pour la première fois, j'étais perdue, apeurée, et triste. J'avais si mal, et pas que physiquement. Je me rends compte que certaines blessures ne guériront jamais. J'aurais toujours ce creux dans mon cœur d'avoir été rejetée par ma famille. Il ne me reste que Joseph qui a su me voir comme Evelyn me voit.

Il y avait un million de questions que je me posais. Pourquoi Anne avait-elle prévenu Jennifer ? C'était ma principale interrogation. Elle avait regretté sa décision par la suite. Tout aurait été tellement plus simple si j'étais morte ce jour-là. Je ne souffrirai plus, Anne serait avec Joseph, et notre tutrice n'aurait plus à s'inquiéter tous les jours. Je n'aurais pas déçu tout le monde une fois de plus en mutilant mon bras. Je regarde le bandage qu'elle m'a fait. Il me couvre de l'épaule au poignet. Elle a mis une double couche de tissus pour couvrir le sang qui coulait encore ce matin.

Coupable d'existerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant