Chapitre 12

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Quand je suis rentrée de l'hôpital, Evelyn avait déjà emmené Anne pour faire sa rentrée. Joseph restait enfermé dans sa chambre. Il était dévasté par le sentiment d'abandon qui le rongeait. Il refusait de voir qui que ce soit, pas même notre tutrice. Le seul qui réussit à l'amadouer fût Ethan. Evelyn l'appela en renfort la veille de la rentrée. Il vint en début d'après-midi. Il resta avec mon frère le reste de la journée, jusqu'au diner. Si Joseph ne consentit pas à sortir, il accepta le repas sans problème à condition qu'il lui soit servi dans sa chambre. Pendant que notre tutrice surveillait mon ainé, le pédopsychiatre en profita pour discuter avec moi.

- Alors, comment tu te sens ? demanda-t-il.

- Je ne sais pas trop. C'est étrange. Est-ce que c'est mal si j'éprouve du soulagement ?

- Absolument pas. Dis-moi qu'est-ce qui te soulage ?

- Anne me fait un peu peur ces derniers temps. J'ai l'impression d'être face à mes deux parents quand je la vois. Elle leur ressemble tellement. En même temps, je me sens mal de ressentir ça.

- Pourquoi ? m'interrogea-t-il.

- C'est ma sœur, et elle est malheureuse. C'est ma faute, mais elle ne me croit pas quand je dis que je suis désolée. Elle pense que je suis une menteuse, et que je suis contente qu'ils soient en prison. Mais, ce n'est pas vrai. Je ne suis pas heureuse. Je me sens vraiment mal pour ce qui est arrivé. Si j'avais été plus forte, rien de tout cela ne se serait passé. J'aimerais tellement revenir en arrière, pleurai-je.

- Je vais te le redire, parce que tu as besoin de l'entendre : tu es déjà bien assez forte Camille. Tu as été une enfant courageuse d'affronter tout cela seule. On ne choisit pas d'être malade. Anne aussi le sait, mais elle a besoin de temps pour le comprendre, comme toi. Je ferai en sorte que ce sentiment de culpabilité s'amenuise avec le temps. Je te promets d'essayer.

Après cette conversation, il me donna plusieurs exercices d'écriture afin de définir ma personnalité, mes goûts, mes envies, mes passions... Plein de petites listes à faire afin de savourer ces petites choses du quotidien qui me faisaient du bien. Il me donna aussi une lettre à rédiger pour demander pardon à ma famille pour tout ce que j'avais fait. Même si, selon lui, je n'avais rien à me reprocher. Il pensait que cela pourrait m'aider à avancer.

Je fis ma rentrée en CM2 un jour après que Joseph fut entré au collège. Nous ne partagions plus la même école, et cela me rendit un peu nerveuse. Pourtant, passée la première semaine, je me sentis à ma place. Je n'avais plus d'avance sur les autres élèves. Je comprenais avec facilité les leçons, mais je prenais mon temps sur les exercices. Un garçon que je connaissais déjà pour avoir passé du temps sur la chaise à côté de lui vint même m'aborder pendant une récréation durant laquelle j'errais seule.

- Salut Camille ! Tu te souviens de moi ?

- Oui, tu es Antoine, répondis-je.

-Tu n'es pas dans notre classe cette année ? Je ne pensais pas te revoir.

- J'ai sauté une classe. Je suis avec les plus grands maintenant, lui expliquai-je.

- C'est vrai que tu allais bien trop vite pour nous. Au moins avec les CM2 tu auras de la vraie compétition, dit-il en riant. Est-ce que tu veux qu'on joue ensemble ?

J'acceptai. C'est ainsi que j'ai passé l'année. J'alternais entre les leçons à l'école, les récréations avec Antoine, et les cours de musique auxquels m'avait inscrite Evelyn. Elle refusait que je fasse un sport trop intense à cause de mes poumons qui avaient du mal à s'oxygéner, alors en contrepartie elle m'a inscrite au loisir artistique que je voulais. J'ai commencé le solfège en même temps que le piano. J'avais promis de bien m'appliquer. Notre tutrice avait acheté un piano droit électrique. C'était comme un vrai mais avec l'avantage de pouvoir en jouer quand je le voulais. Je m'entraînais tous les matins quand je me réveillai trop tôt, et tous les soirs après avoir fait tous mes devoirs d'école. Je progressais rapidement. Je lisais les notes avec peu de difficultés. La première année de conservatoire fut couronnée de succès. Evelyn m'en félicita pour cela, et pour mes résultats scolaires. Si tout était si parfait, ce n'était pourtant qu'en apparence...

Coupable d'existerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant