AVANCER ET UN DÉJEUNER

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Heureuses, elles avaient terminé leur déjeuner au Ritz. À présent, elles arpentaient les rues proches du restaurant, profitant d'une balade qui semblait les alléger.

À brûle-pourpoint, Dakota voulait évoquer un sujet dont elle ne pouvait plus s'empêcher de penser, depuis qu'elles avaient aperçu Oscar Jones au Ritz.

L'acteur bien connu du petit écran, ayant une fortune considérable non pas grace à son métier mais plutôt à l'héritage de son dernier mari, ne s'était pas retenu de s'afficher au bras de sa conquête du moment, une jeune mannequin qui n'avait pas encore un nom.

- Toi aussi, tu as remarqué qu'Oscar a changé de partenaire ? se résolut-elle enfin à partager.

- Oui, Patricia Foirat, ou quelque chose comme ça. Je ne la connais pas très bien, ni même son parcours. C'est depuis qu'elle sort avec Oscar que les médias s'intéressent à elle. Et de ce fait que le public s'intéresse à elle.

- C'est plus fort que moi, mais je plains cette fille. Rien que d'imaginer qu'elle s'est vendu à un homme comme Oscar me glace le sang, dit-elle avec une réelle peine.

- Je ne vois pas pourquoi tu la plains, c'est le choix de cette fille. Oscar n'a dû l'obliger à rien.

- Mais l'argent de ce type, si ! Je parie qu'il ne fera pas plus de deux mois avec elle. Il y a quelques mois, ce jeune mannequin, Fred je ne sais plus quoi, était son amant. Et avant ça, il y a quatre ou cinq mois il était officiellement en couple avec Miss Lutèce. Il voit ses relations comme des trophées, tout le monde le sait ! Il n'aime personne hormis lui. Son leitmotiv est : i want it, I get it.

Dakota s'emportait déjà. Elle ne concevait pas qu'il était possible d'être en couple sans pour autant ressentir de l'amour pour la personne, au plus bas mot, de l'affinité. On ne devait qu'offrir une place à ses côtés qu'à la personne qui nous aime et que l'on aime. Seul l'amour devait lier deux Hommes.

Dakota pensait ainsi, mais elle occultait sa propre expérience. Mais cela n'était-il pas propre à l'Homme ? N'étions-nous pas maître dans l'art d'obvier notre jugement face à nos actions, et d'être plus ferme avec autrui face à ce dernier ?

Nous avions tendance à toujours nous croire mieux que les autres, d'être la référence selon le référentiel qui nous avantageait, mais il était tout aussi certain que, bien dés fois, en posant nos propres actions, en faisant nos propres choix, nous n'en tenions plus compte.

Sans que Dakota ne s'y attende, Danielle prit enfin la parole, le ton neutre, le regard porté vers l'horizon :

- Moi je te trouve bien dur dans ton raisonnement. Certes, l'amour devrait être la chose pour laquelle on se met en couple, mais il n'en reste pas moins que l'amour est un intérêt. Les Hommes tissent des liens par intérêt. Et l'argent n'échappe pas à cette règle.

Danielle marqua une brève pause, puis reprit :

- Toi tu as vécu toute ta vie dans l'opulence, tu ne sais pas ce que c'est la famine, ni le fait de ne pas boire de l'eau lorsqu'on le veut, encore moins le fait d'être anxieuse pour son avenir. Ces jeunes mannequins que tu vois, qui se lancent dans ce métier sans un nom, ni même sans être pistonné, ils connaissent à peu près chaque aspect de ce que je viens d'énumérer. Certains soutiennent même toute leur famille avec les maigres revenus de leurs débuts de carrière. Alors dès fois, il faut bien sacrifier l'amour aux dépens de la réalité, déclara-t-elle en regardant intensément Dakota.

La fille Collins, après quelques minutes, baissa les yeux, les mains s'enfonçant dans les poches de son trench.

- Détrompes-toi, rétorqua-t-elle avec un ton voilé et presque discret, j'ai connu la famine, la soif, et même le froid ? Et crois-moi que jamais je n'ai pensé monnayer mon corps, ni même ma présence auprès d'une personne, pour m'en sortir. Peut-être suis-je une idiote, mais je crois en l'amour. Et pour ma part, je ne peux être en couple avec une personne si je ne l'aime pas, ou alors si je ne ressens rien pour elle, dit-elle en plongeant ses yeux dans ceux de Danielle.

L'aveu de Dakota troubla Danielle, qui n'avait jamais soupçonné que les Collins purent avoir rencontré des difficultés dans leurs vies. Toutefois, elle s'avisa à ne pas être indiscrète.

- Marchons, tu veux. Cela nous fera du bien, consentit-elle à suggérer.

Dakota acquiesça à l'offre de Danielle et sans plus parler elles se mit à marcher du même pas, chacune emportée dans ses réflexions.

Après quelques rues, et dans un silence qui n'était pas gênant, elles arrivèrent à la Place Vendôme. Dakota se plut à reconnaître quelques magasins où sa mère l'y avait emmené enfant avec Francky. Elle lui manquait terriblement, son absence dans son esprit se ressentait certains jours plus que d'autres. Elle ne pourrait jamais l'oublier, c'était la femme la plus importante de sa vie et elle le resterait à jamais.

À côté d'elle, Danielle s'était arrêtée net. Elle observait un père et sa petite fille qui sortait de chez Cartier. L'amour qui se dégageait entre les deux était immense tout comme la joie qu'ils partageaient. Des souvenirs assaillirent son esprit. Puis, sans que Dakota ne s'y attende, elle la regarda :

- L'amour entre un père et sa fille est la plus belle chose qui puisse exister. Certains disent que c'est un lien, qui malgré la distance et les mésententes, perdure et même au-delà de la mort. Mais dès fois, vouloir croire en cela est une utopie. Car il suffit juste d'un rien pour que tout bascule.

Dakota la dévisageait avec étonnement, ne sachant vraiment ce que voulait dire Danielle :

- J'ai peur de ne pas te comprendre.

- Ce n'est pas grave. Je pensais juste à leur pique-nique, dit-elle en regardant le père et sa petite fille.

Dakota suivit le regard de Danielle et remarqua un homme qui venait d'entrer dans sa voiture en compagnie de sa fille.

- Si tu regardes les sièges arrière, reprit Danielle, tu remarqueras le panier.

Dakota s'y évertua avec attention et vit un panier de pique-nique remplie à ras bord. Le tissu blanc posé au-dessus laissait déjà entrevoir le contenu.

- Il y a bien des années, alors que je préparais un pique-nique avec mon père, nous fûmes face à une situation qui bouleversa nos vies à jamais. Et le destin est tel que nous n'avions jamais fait ce pique-nique, dit-elle en laissant échapper un rire amer, essuyant la larme à son œil.

Partageant la tristesse de cette confidence, Dakota ne put rien répondre. Ce pique-nique devait compter pour Danielle. Elle savait ce que c'était d'être privé d'un moment avec son parent. Toute sa vie, elle du s'adapter, comprendre et accepter les voyages de sa mère.

Danielle leva le regard vers le ciel pour fuir celui de Dakota. L'expression impénétrable, elle cessa sa contemplation et dit avec un timbre voilé :

- Profite toujours des gens que tu aimes Dakota, car tu ne sauras jamais quand l'un d'eux viendra à te quitter. Ça, crois-moi, on ne s'en remet jamais.

SIGO A TU LADO  ( GxG )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant