Quelques mois plus tôt, Lutèce, 2022.
Il se fit un long silence pendant lequel Franck Collins détaillait, d'un œil ahuri, Dakota. La jeune fille s'interrogeait sur l'air stupéfait de son frère. Elle avait beau retourner la situation dans son esprit, cela ne lui était toujours pas clair. Franck ajusta ses manières et, fixant toujours sa sœur, s'exprima avec courtoisie et pantoisité :
- Tu ne vas pas sortir comme ça ? C'est une blague Dakota ?
Dakota ne comprenait toujours rien à la question de Franck.
- Mais qu'est-ce qu'il y a ?
- Tu es sérieuse avec ta question ? s'offusqua presque le jeune homme.
- Si tu m'expliquais ce qui te dérange...
- Tu veux me faire croire que tu ne te rends pas compte que t'es mal habillée ?
Sidérée, Dakota ne put que balbutier :
- Moi, mal habillé ?
Dakota concentra son attention sur sa tenue. Elle ne remarqua rien que Franck puisse lui reprocher. Son jogging était plutôt adéquat.
- Dakota, on va dîner au ritz, et toi tu... tu... tu portes un survêtement ? Sérieusement Dako ? Tu veux te venger de moi, c'est ça ? Nous sommes en deux mille vingt-deux ! Pas à l'époque de Paris et Kim se baladant à la Reyna de los Ángeles.
Franck se lamentait presque. Dakota le reconnaissait bien là, il avait toujours eu un amour démesuré pour l'esthétique et l'apparence, et loin d'être superficiel, puisque sa passion était la mode. Chez lui, à travers elle, il exprimait sa singularité. Comme présentement.
Cet homme n'avait sûrement pas hésité lorsqu'il avait tracé son trait de liner, encore moins lorsqu'il avait recouvert ses lèvres de gloss. Franck portait une veste de la taille d'un crop top, avec en dessous un col roulé au tissu léger et scintillant. Des bagues et des chaînes venaient compléter cette tenue flamboyante et d'une extravagance assumée.
- N'exagère rien Francky, c'est juste un jogging.
- Mais c'est bien ça le problème. En plus tu as commis un autre fashion faux. De simples mules ? Sérieusement Dakota ! ?
Franck avait une mine désespérée. Sa sœur s'en amusait.
- Mais Francky, je suis à l'aise ainsi. C'est le but premier d'une tenue, qu'elle soit confortable.
- Tu sais quoi ? Juste, va porter des talons à lanières, que tu attacheras au bas de ton jogging, au moins tu auras un semblant de look.
Dakota savait que discuter avec son frère s'avérait inutile, d'autant plus qu'ils avaient pris du retard. Elle sortit du véhicule.
☘️
En prenant la route du ritz, Dakota espérait que sa "faute vestimentaire" ait été oublié, en partie, par Franck. Le jeune homme ne dégageait aucun sentiment désagréable. Il était quiet. Mais dès que la voiture gara devant le restaurant, elle commença à douter de ce qu'elle croyait. Son frère, avec des gestes rapides et agités, ouvrit sa pochette en sequin et se mit à la fouiller dans tous les sens, des expressions grossières s'échappant de sa bouche.
- ...putain, je ne le trouve pas, murmura-t-il à nouveau.
- Qu'est-ce que tu cherches ?
- Mon fond de teint. Je ne le retrouve plus.
- Le voici.
Dakota récupéra l'objet dans l'un des porte-gobelet de la Mercedes et le lui remit.
- Merci, déclara Franck soulagé, un sourire pour sa sœur.
Le jeune homme appliqua une petite couche sur son visage, puis rangea l'objet dans la boîte à gant.
- Maintenant nous pouvons y aller.
☘️
Comme si elle était soudain écœurée par le mets qu'elle mangeait, Dakota écarta son assiette en laissant échapper un soupir qui sembla emplir la pièce où elle dinait aux côtés de son frère et de l'ami de ce dernier, Évrard, un homme de trente ans avec des cheveux coupés si court que son crâne luisait sous la lumière des lustres au-dessus d'eux. Il avait l'allure olympienne le corps bien bâti, lui conférant une force d'attraction naturelle. On souhaitait découvrir, la promesse que miroitait sa chemise prête à se déchirer sous l'effet de ses muscles qui se contractaient alors qu'il dépeçait la viande se trouvant dans son plat.
En buvant son verre de vin, Franck observa sa sœur par en dessous. Il savait ce qui la chagrinait, mais il n'osait pas faire allusion à Épicure... du moins le moment adéquat ne s'était pas encore présenté.
La voix d'Évrard cristallisa sur lui l'attention. Les Collins le fixèrent.
- Le plat ne t'es pas assez agréable Dakota ?
Dakota se mordit la lèvre pour avoir laissé transparaître ses émotions. Être interrogée sur les raisons de son soudain changement d'humeur était la dernière choses qu'elle désirait :
- Je... je n'ai pas vraiment faim.
La réponse de Dakota ouvrit la porte à l'éloquence réfrénée de Franck.
- Sans vouloir être indiscret, Dakota fait face à une situation qui réclame d'elle une décision. Mais elle est d'une irresolution grande Evrard. J'ai beau lui donner des conseils, lui dire de voyager pour confronter la personne, elle n'en fait qu'à sa tête et se lamente.
- Francky !
Indignée par l'indiscrétion de son frère qui ne montrait aucune retenue, Dakota lui fit de grands yeux. Franck haussa les épaules.
- Quoi ? C'est la vérité.
- Si je peux me permettre Dakota, la seule chose que je puisse te dire par rapport à cette fameuse décision est de suivre ton cœur et ne pas écouter les mots de ta raison. Car bien des fois, notre ego nous pousse à prendre des décisions que l'on regrette toujours par la suite. Surtout celles qui auraient fait la différence en changeant une situation pour le mieux.
Non, elle ne voyagerait pas, pensa d'abord catégoriquement Dakota. Puis au fur et à mesure que les mots d'Évrard trouvèrent une voie menant à son cœur, sa raison consentit à considérer plus encore la possibilité d'un voyage pour Lugdunon. Peut-être n'était-ce pas une si mauvaise idée ? Pourquoi devrait-elle se laisser porter par son ego qui lui priverait d'une probable confrontation qui sûrement marquerait le début d'une nouvelle page dans cette relation qui avait déjà plus d'un an ?
- Je vais réfléchir, dit-elle avec une grande retenue pour ne pas donner facilement satisfaction à Franck.
- Je suis sûr que tu feras le bon choix, lui dit Évrard le regard bienveillant. Bon, ce n'est pas tout, mais le dîner semble délicieux et j'aimerai que l'on profite tous de cela.
Franck partagea un regard entendu avec son compagnon et lui sourit. C'était retors de sa part d'avoir organisé ce dîner pour permettre à sa sœur d'écouter une autre personne lui prodiguer le même conseil qu'il ne faisait que lui marteler.
Qui plus est, cela avait été plus aisé que ce qu'il avait imaginé pour permettre à Évrard d'intervenir. L'humeur de Dakota avait rendu la chose plus facile.
☘️
Le dos enfoncé dans son fauteuil, assailli par des réflexions incessantes, Dakota but une gorgée de son thé en exhalant un soupir. Une nouvelle vague de souvenirs la submergea. En vain, elle s'efforçait de les révoquer. Ils étaient douloureux, ils écorchaient toujours son amour-propre, ils lui rappelaient cette habitude contrariante d'Épicure.
Sa copine avait changé en mal. Epicure l'avait rendue nerveuse. Par les pleurs et le découragement, elle s'était rendue à l'évidence, la réponse à la question de ce changement elle ne l'aurait jamais, pas plus que celle liée au mépris d'Épicure.
Un dernier soupir, elle récupéra son téléphone près d'elle, ouvrit la messagerie d'Épicure - ce qu'elle n'avait plus fait depuis trois semaines - constata amèrement qu'elle ne s'était pas inquiétée de cette tentative pour lui rappeler son existence, et se mit à taper le message qui, elle l'espérait, lui permettrait de retrouver une Épicure plus soucieuse et attentionnée comme au début, du moins.
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SIGO A TU LADO ( GxG )
RomanceLorsque Dakota Collins croise le regard d'Épicure, c'est le coup de foudre. Tout était parfait, un peu trop, la fissure est née, aujourd'hui leur couple bat de l'aile. Dakota est dans la tourmente. À dix-sept ans, l'amour est une énigme complexe qu'...