3 AOÛT 2015
2 MOIS PLUS TARD
Ces derniers temps, ma vie a bien changé.
Depuis que Youssef et Manël se sont mariés, on ne les voit plus trop. Ils viennent nous voir tous les dimanches et je vais chez eux de temps en temps mais ils semblent très occupés par leurs vies de jeunes mariés. Je suis très heureuse pour eux, ils respirent le bonheur et la joie de vivre même si j'aurais aimé les voir plus souvent.
À la maison, c'est devenu compliqué. Ils sont tout le temps sur mon dos maintenant que je suis la seule adulte à la maison. L'agitation autour du mariage s'est dissipée alors l'attention est sur moi. Ils me parlent tout le temps de mariage, me recommandent tous les jours un nouveau prétendant. Ce n'est pas facile au quotidien, j'ai l'impression d'être revenue au point de départ — un an auparavant.
Pour couronner le tout, Zara ne me parle plus du tout. C'est comme si elle avait fait l'effort pendant que Youssef était encore là parce qu'elle savait qu'il lui aurait pris la tête autrement. Depuis son départ, plus rien.
Je demande à mes parents de s'assoir dans le salon parce que je dois leur parler, c'est l'heure de leur annoncer la grande nouvelle. Zara, qui est dans le salon, nous écoute d'une oreille.
— Tu vas te marier? demande directement ma mère en persan.
— Non, maman. Je vais pas me marier.Son visage se ternit et je crois qu'elle comprend que mon annonce ne va pas leur plaire. Quant à lui, mon père me regarde en fronçant les sourcils, prêt à me sauter à la gorge à la moindre chose qui le contrarie.
— Mais je vais partir du foyer.
Un silence s'ensuit et Zara me fixe du regard. Pour la première fois depuis des mois, elle m'accorde son attention et ne m'ignore pas.
— Je pars à Milan. J'ai décidé de réaliser mon rêve et de faire mon master à l'université de Milan. J'ai été acceptée.
Ma mère pousse un cri de surprise et je vois le regard de Zara s'assombrir. Mon père serre la mâchoire.
— Si tu crois qu'on va financer ça, tu peux rêver! Comment tu vas aller à Milan, tu es folle? me dit-il en persan.
— J'ai de l'argent. J'ai travaillé pendant des mois pour économiser et pouvoir partir sans dépendre de personne. Je voulais pas vous demander d'argent mais je pouvais pas rester ici.
— T'as travaillé dans quoi? Dans les mêmes conneries que ton frère? me hurle mon père dessus et il n'a pas besoin de réponse de ma part pour le confirmer.Ma mère se met à pleurer, je crois qu'elle ne va jamais l'accepter.
— Tu as fait ton choix? me demande fermement mon père.
— Oui. Je suis vraiment désolée de l'avoir fait dans votre dos mais je savais que vous essayeriez de m'en empêcher. Maintenant vous pouvez plus.Il me fixe du regard avec tellement de haine que j'ai peur qu'il commence à me tabasser. Derrière lui, Zara me fusille du regard et elle se lève avant de partir s'enfermer dans sa chambre en claquant la porte. Je meurs d'envie de la suivre et de m'excuser, de la supplier à genoux de me pardonner, mais je sais qu'il vaut mieux pour elle qu'elle me déteste. Elle ne me pardonnera jamais mais au moins je ne lui manquerai pas.
— Très bien. Tu n'es plus notre responsabilité dans ce cas.
Je crois que ça me fait encore plus mal de l'entendre dire ça plutôt que s'il avait résisté.