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19 JUILLET 2014

En compagnie de ma solitude, je m'amuse à dessiner sur un banc de la place de jeu. Un groupe d'enfants jouent au foot un peu plus loin, pendant que je dessine des vêtements sur mon vieux carnet de dessin. Le dessin a toujours été une de mes échappatoires et depuis peu, j'ai commencé à créer des vêtements. Je ne suis pas encore très douée mais je fais de mon mieux pour m'améliorer.

Je tourne la tête par hasard et je croise le regard timide de Lucas qui se trouve quelques mètres plus loin. Il a l'air de m'observer depuis un moment. Je rigole et je lui fais un signe de la main pour lui dire d'approcher, ce qu'il fait. Il vient s'assoir à côté de moi sur le banc et il examine silencieusement mes dessins.

- C'est beau ce que tu fais, me dit-il calmement.
- Merci. Tu faisais quoi là-bas? demandai-je curieusement.
- J'attends Nab et je t'ai vue assise ici, j'osais pas venir te déranger.

Je lui souris et je ris intérieurement quand je réalise à quel point je l'intimide. C'est un mec qu'on peut considérer de « clown » qui est constamment en train d'amuser la galerie mais il se retrouve bien silencieux face à moi. Je ne vais pas trop en profiter parce que ça serait mesquin mais ça booste pas mal mon égo, je dois l'avouer.

- T'attends Nabil pour aller où? demandai-je pour faire la conversation.
- Au studio, Tarik et lui vont enregistrer.
- Ah ils font des trucs ensemble en plus? pouffai-je.

Il arque un sourcil en me regardant et il bouscule mon épaule pour rigoler.

- Tu devrais venir, tu te rendrais peut-être compte du niveau. J'suis sûr que ça leur dérangerait pas.
- Non t'inquiète, je vais m'en passer.
- Rends-toi compte des choses avant qu'il soit trop tard! dit-il dramatiquement.
- Fais pas le mystérieux, c'est juste du rap. C'est pas les premiers qui en font et ça sera pas les derniers. Ça a jamais sorti personne de la merde. En tout cas pas des Tarterêts.
- Qu'est-ce que t'en sais? Peut-être qu'on sera les premiers, dit une voix derrière moi.

Lucas et moi nous retournons pour apercevoir Nabil qui se trouvait derrière nous, le sourire aux lèvres. Je fais une grimace et je hausse les épaules.

- Vas-y Lucas, t'es prêt?

Le concerné se lève du banc et me fait un clin d'œil.

- On se capte bella, dit-il en s'éloignant.

Nabil reste vers moi et il me fixe sans parler pendant quelques secondes.

- Tu devrais passer au studio un de ces jours, je serais ravi de te faire écouter ce qu'on fait.

Je ris doucement et je hoche la tête.

- Je peux vous laisser une chance.
- À la prochaine bambina, dit-il en me faisant un salut militaire.

Il rejoint Lucas plus loin et les deux s'en vont.

Tarik et Nabil sont frères mais ils sont tellement différents. Je ne comprendrai jamais comment ils font pour s'entendre. Nabil est doux et même s'il est discret et renfermé, je peux voir que c'est une bonne personne. Tarik quant à lui est détestable. Il est agressif et méprisant, il n'a aucun bon côté.

Je décide de ranger mon carnet et de rentrer chez moi. Je me sens d'humeur à faire un gâteau, en attendant que Manël termine le travail et qu'on puisse sortir.

Sur mon chemin, je croise Sami. Je décide d'aller lui parler parce que j'en ai marre qu'il m'ignore sans raison. J'aimerais juste comprendre ce qu'il se passe, peut-être que j'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas. Ça me frustre de ne pas savoir alors je préfère être fixée.

Lorsqu'il me voit arriver devant lui, je le vois rouler des yeux, ce qui est mauvais signe. Je me lance quand même:

- Pourquoi tu m'évites? demandai-je sans amorce.
- Je t'évite pas, dit-il de manière indifférente.

Je pouffe et je soupire un bon coup. Une atmosphère pesante plane au-dessus de nos têtes, dans ce coin de rue.

- T'oses pas me parler à cause de Youssef? T'sais c'est pas si grave que ça. Il va bien devoir s'habituera à ce que j'aie des potes aussi! Y a pas à avoir peur de You- commençai-je.
- C'est bon, arrête ton monologue. J'ai pas peur de Youssef, j'ai juste pas envie de te parler. Arrête de forcer non? m'interrompt-il d'un ton sec.

Il m'a cloué le bec. Je n'ai plus rien à dire.

Il écrase sa cigarette par terre et il s'en va. Je souffle et je ferme les yeux avant de rester là, ne sachant que faire.

Un rire me fait ouvrir les yeux brusquement et je maudis tous mes ancêtres quand je vois Tarik qui sort de nulle part, avec son sourire moqueur sur les lèvres.

- Je rêve ou tu viens de te faire recaler par yeux bleus?
- Ferme ta gueule, aboyai-je. Mêle-toi de tes affaires.
- Ouais, j'ai bien entendu alors. C'était violent quand même, il a pas eu de pitié.

Je sens les nerfs monter. Déjà, je n'ai pas compris la réaction de Sami et la violence de ses propos. Ensuite, je suis vraiment énervée que cet enfoiré de Tarik ait tout entendu et qu'il en profite pour me narguer à présent.

- T'es tout le temps en train de parler normalement mais là on t'entend plus! remarque-t-il.

Il n'a pas tord.

Son regard louche sur mon décolleté et je sens le rouge me monter aux joues. J'ai une poitrine assez généreuse qui a commencé à attirer le regard des hommes dès que j'ai atteint les 15 ans mais ça ne cessera jamais de me mettre mal à l'aise quand je m'en aperçois.

 J'ai une poitrine assez généreuse qui a commencé à attirer le regard des hommes dès que j'ai atteint les 15 ans mais ça ne cessera jamais de me mettre mal à l'aise quand je m'en aperçois

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Il se reprend quand ses yeux croisent les miens et il secoue la tête.

- Bref je serais bien resté avec toi pour te consoler mais j'ai d'autres chats à fouetter moi, me dit-il sarcastiquement.

*
*           *

Manël caresse mes cheveux pendant que je suis couchée sur son ventre et elle se penche en avant pour déposer un baiser sur mon front. Je la regarde et elle m'offre son sourire le plus réconfortant.

- Il a vraiment dit ça de cette manière?
- Mais oui! Et le pire c'est que ce connard de Tarik a tout entendu, vraiment la honte. Je sors plus de chez moi pendant 3 mois.

Elle rigole et secoue la tête.

- C'est pas un drame que Tarik ait entendu. Puis t'as quoi contre lui d'ailleurs? Il est trop cool.
- J'sais pas, je le sens pas. Aucune raison particulière, mentis-je.

J'aimerais tout raconter à ma meilleure amie mais je sais que je ne peux pas. Elle est impulsive et elle irait lui casser la gueule, ami de longue ou pas.

PAS D'JASMINE POUR JAFAR - ADEMOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant