Le pays des Diallobé n'était pas le seul qu'une grande clameur eût réveillé un matin. Tout le continent noir avait eu son matin de clameur.
Étrange aube ! Le matin de l'Occident en Afrique noire fut constellé de sourires, de coups de canon et de verroteries brillantes. Ceux qui n'avaient point d'histoire rencontraient ceux qui portaient le monde sur leurs épaules. Ce fut un matin de gésine. Le monde connu s'enrichissait d'une naissance qui se fit dans la boue et dans le sang.
De saisissement, les uns ne combattirent pas. Ils étaient sans passé, donc sans souvenir. Ceux qui débarquaient étaient blancs et frénétiques. On n'avait rien connu de semblable. Le fait s'accomplit avant même qu'on prît conscience de ce qui arrivait. Certains, comme les Diallobé, brandirent leurs boucliers, pointèrent leurs lances ou ajustèrent leurs fusils. On les laissa approcher, puis on fit tonner le canon. Les vaincus ne comprirent pas.
D'autres voulurent palabrer. On leur proposa, au choix, l'amitié ou la guerre. Très sensément, ils choisirent l'amitié : ils n'avaient point d'expérience.
Le résultat fut le même cependant, partout.
Ceux qui avaient combattu et ceux qui s'étaient rendus, ceux qui avaient composé et ceux qui s'étaient obstinés se retrouvèrent le jour venu, recensés, répartis, classés, étiquetés, conscrits, administrés.
Car, ceux qui étaient venus ne savaient pas seulement combattre. Ils étaient étranges. S'ils savaient tuer avec efficacité, ils savaient aussi guérir avec le même art. Où ils avaient mis du désordre, ils suscitaient un ordre nouveau. Ils détruisaient et construisaient. On commença, dans le continent noir, à comprendre que leur puissance véritable résidait, non point dans les canons du premier matin, mais dans ce qui suivait ces canons. Ainsi, derrière les canonnières, le clair regard de la Grande Royale des Diallobé avait vu l'école nouvelle.
L'école nouvelle participait de la nature du canon et de l'aimant à la fois. Du canon, elle tient son efficacité d'arme combattante. Mieux que le canon, elle pérennise la conquête. Le canon contraint les corps, l'école fascine les âmes. Où le canon a fait un trou de cendre et de mort et, avant que, moisissure tenace, l'homme parmi les ruines n'ait rejailli, l'école nouvelle installe sa paix. Le matin de la résurrection sera un matin de bénédiction par la vertu apaisante de l'école.
De l'aimant, l'école tient son rayonnement.
Elle est solidaire d'un ordre nouveau, comme un noyau magnétique est solidaire d'un champ. Le bouleversement de la vie des hommes à l'intérieur de cet ordre nouveau est semblable aux bouleversements de certaines lois physiques à l'intérieur d'un champ magnétique. On voit les hommes se disposer, conquis, le long de lignes de forces invisibles et impérieuses. Le désordre s'organise, la sédition s'apaise, les matins de ressentiment résonnent des chants d'une universelle action de grâce.
Seul un tel bouleversement de l'ordre naturel peut expliquer que, sans qu'ils le veuillent l'un et l'autre, l'homme nouveau et l'école nouvelle se rencontrent tout de même. Car ils ne veulent pas l'un de l'autre. L'homme ne veut pas de l'école parce qu'elle lui impose, pour vivre – c'est-à-dire pour être libre, pour se nourrir, pour s'habiller – de passer désormais par ses bancs ; l'école ne veut pas davantage de l'homme parce qu'il lui impose pour survivre – c'est- à-dire pour s'étendre et prendre racine où sa nécessité l'a débarquée – de compter avec lui.
*
* *
* * *
Lorsque la famille Lacroix arriva dans la petite ville noire de L., elle y trouva une école. C'est sur les bancs d'une salle de classe de cette école remplie de négrillons que Jean Lacroix fit la connaissance de Samba Diallo.
Le matin de leur quinzième jour à L., M. Lacroix avait mené ses deux enfants, Jean et Georgette, à l'école de la petite ville. À Pau, les deux enfants n'avaient guère été qu'à l'école maternelle. La classe de M. N'Diaye correspondait largement à ce qu'il leur fallait.
L'histoire de la vie de Samba Diallo est une histoire sérieuse. Si elle avait été une histoire gaie, on vous eût raconté quel fut l'ahurissement des deux enfants, en ce premier matin de leur séjour parmi les négrillons, de se retrouver devant tant de visages noirs ; quelles furent les péripéties du vaste mouvement d'approche que Jean et sa sœur sentaient qui se resserrait petit à petit autour d'eux, comme un ballet fantastique et patient. On vous eût dit quelle fut leur surprise puérile de constater, au bout de quelque temps combien, sous leurs têtes crépues et leurs peaux sombres, leurs nouveaux camarades ressemblaient aux autres, à ceux qu'ils avaient laissés à Pau.
Mais il ne sera rien dit de tout cela, parce que ces souvenirs en ressusciteraient d'autres, tout aussi joyeux, et égaieraient ce récit dont la vérité profonde est toute de tristesse.
Bien longtemps après, y songeant, Jean Lacroix croyait se souvenir que cette tristesse, il l'avait perçue dès les premiers moments de ses contacts avec Samba Diallo, quoique de façon diffuse et imprécise.
Ce fut dans la classe de M. N'Diaye qu'il la ressentit d'abord. Il avait eu, dans cette classe, comme l'impression d'un point où tous les bruits étaient absorbés, où tous les frémissements se perdaient. On eût dit qu'existait quelque part une solution de continuité à l'atmosphère ambiante. Ainsi, lorsqu'il arrivait à la classe entière de rire ou de s'esclaffer, son oreille percevait comme un trou de silence non loin de lui. Lorsque, à l'approche des heures de sortie, un frémissement parcourait tous les bancs, que des ardoises étaient agitées puis serrées subrepticement, que des objets tombaient qui étaient ramassés, la personne entière de Jean sentait au cœur de cette animation comme une brèche de paix.
En réalité, bien qu'il l'eût perçu dès le début, il n'eut une claire conscience de cette fausse note universelle qu'après une dizaine de jours passés dans la classe de M. N'Diaye. À partir de ce moment, tous ses sens se tinrent en éveil.
Un matin, M. N'Diaye interrogeait la classe. Il avait pris prétexte justement de la présence de Jean et de Georgette pour interroger sur la géographie et l'histoire de France. Le dialogue entre le maître et la classe était soutenu et rapide. Subitement, le silence, un silence gêné pesa sur la classe.
— Voyons mes enfants, insistait M. N'Diaye, Pau se trouve dans un département dont il est le chef- lieu. Quel est ce département ? Que vous rappelle Pau ?
Jean, à qui cette question ne s'adressait pas, perçut très nettement alors que quelqu'un non loin de lui, n'était pas gêné par ce silence, quelqu'un se jouait de ce silence et le prolongeait comme à plaisir, quelqu'un qui pouvait le rompre, qui allait le rompre. Lentement, il tourna la tête et, pour la première fois, observa son voisin de droite, celui qui, avec Georgette et lui, occupait la première table de la rangée centrale. Ce fut comme une révélation. Le trou de silence, la brèche de paix, c'était lui ! Lui qui, en ce moment même attirait tous les regards par une espèce de rayonnement contenu, lui que Jean n'avait pas remarqué mais dont la présence dans cette classe l'avait troublé dès les premiers jours.
Jean l'observa de profil, il était tout à son aise pour le faire, car l'autre avait levé la tête et toute son attention était fixée sur M. N'Diaye. La classe le regardait et il regardait le maître. Il paraissait tendu. Son visage, dont Jean remarqua la régularité, son visage rayonnait. Jean eut l'impression que s'il se penchait et regardait son camarade en face, il lirait sur son visage, tant son rayonnement était vif, la réponse qu'attendait M. N'Diaye. Mais lui, à part cette tension et ce rayonnement, ne bougeait pas. Jean devait constater par la suite qu'il ne levait jamais la main – l'habitude était cependant, lorsqu'on voulait répondre, de la lever, de claquer les doigts. Son voisin demeurait immobile et tendu, comme angoissé. M. N'Diaye se tourna vers lui. Jean perçut comme une relaxation musculaire chez l'autre. Il sourit et eut l'air confus ; puis il se leva.
— Le département dont le chef-lieu est Pau est celui des Basses-Pyrénées. Pau est la ville où naquit Henri IV.
Sa voix était nette et son langage correct. Il parlait à M. N'Diaye, mais Jean eut l'impression qu'il s'adressait à la classe, que c'est à elle qu'il expliquait.
Quand il eut fini de parler, il se rassit sur un signe de M. N'Diaye. Jean le fixait toujours. Il remarqua que l'autre en fut gêné et s'absorba dans la contemplation de son ardoise.
La classe, un moment suspendue, était repartie. Alors seulement Jean se souvint que ce n'était pas par hasard qu'il était près de Samba Diallo. Il se rappela que, le premier jour de leur arrivée, il avait voulu entraîner Georgette vers une table où il avait remarqué deux places inoccupées. M. N'Diaye était intervenu et les avait fait asseoir à la première table, près de Samba Diallo.
Lorsque midi sonna, que M. N'Diaye eut libéré ses élèves et que Georgette et Jean furent sortis, il fut impossible à ce dernier de retrouver Samba Diallo. Jean se dressait sur la pointe des pieds, regardant de tous côtés, lorsqu'on lui toucha l'épaule. Il se retourna : c'était Ammar Lô, le premier garçon avec lequel il se fut lié dans cette classe.
— Qui cherches-tu, le Diallobé ?
— Qu'est-ce que c'est...
— Mais ton voisin, Samba Diallo.
Jean fut surpris et un peu fâché qu'Ammar Lô l'eût deviné. Il ne répondit pas.
— N'attends plus Samba Diallo, il est parti. Lui-même tourna le dos et s'en fut.
M. Lacroix était venu chercher ses enfants en
voiture.
Quand Jean revint en classe l'après-midi, Samba Diallo était absent. Il en eut quelque dépit.
Le lendemain était jeudi. Jean ne sortit pas de la matinée. L'après-midi, il se rendit à la Résidence du
Cercle, au bureau de son père.
Il frappa à la porte et entra. Deux personnes étaient dans la pièce où il pénétra, occupant deux bureaux séparés. L'une de ces personnes était son père. Il se dirigea vers lui, tout en regardant son voisin, qui était un noir.
L'homme était grand, on le remarquait tout de suite, quoiqu'il fût assis. Les boubous qu'il portait étaient blancs et amples. On sentait sous ses vêtements une stature puissante mais sans empâtement. Les mains étaient grandes et fines tout à la fois. La tête, qu'on eût dit découpée dans du grès noir et brillant, achevait, par son port, de lui donner une posture hiératique. Pourquoi, en le regardant, Jean songea-t-il à certaine gravure de
ses manuels d'histoire représentant un chevalier du Moyen-âge revêtu de sa dalmatique ? L'homme, sur le visage de qui s'esquissait un sourire, tournait lentement la tête pour le suivre du regard. Jean l'observait tant, de son côté, qu'il faillit buter sur une chaise.
— Eh bien, Jean ? dis bonjour à monsieur.
Jean fit quelques pas vers lui qui sourit derechef et tendit la main d'un geste qu'amplifia son grand boubou.
— Alors jeune homme, comment allez-vous ?
Sa main enveloppa celle de Jean d'une étreinte vigoureuse et sans brutalité. L'homme regardait l'enfant, et son visage, son beau visage d'ombre serti de clarté, lui souriait. Jean eut l'impression que l'homme le connaissait depuis toujours et que, pendant qu'il lui souriait, rien d'autre n'existait, n'avait d'importance.
— C'est mon fils, Jean. Il n'est pas bête, mais il est très souvent en voyage dans la lune...
Cette déplorable habitude qu'avait son père de toujours divulguer les secrets de famille ! Jean l'eût encore tolérée en toutes circonstances, mais ici, devant cet homme...
— Chut, ne faites pas rougir ce grand jeune homme. Je suis sûr que ses voyages dans la lune sont passionnants, n'est-ce pas ?
La confusion de Jean n'eût pas connu de bornes si, à ce moment précis, l'attention n'avait été détournée de lui par deux coups faibles mais nets, frappés à la porte. Samba Diallo parut. De la confusion, Jean passa à la surprise. Samba Diallo, revêtu d'un long caftan blanc, chaussé de sandalettes blanches, pénétra dans la salle d'un pas souple et silencieux, se dirigea d'abord vers M. Lacroix qui lui tendit la main en souriant. Ensuite, il marcha sur Jean, la main ouverte :
— Bonjour, Jean.
— Bonjour, Samba Diallo.
Leurs mains s'étaient rencontrées. Puis Samba
Diallo tourna le dos et salua le chevalier à la dalmatique. Ni l'un ni l'autre ne souriaient plus ; simplement, ils se regardèrent dans les yeux, l'espace de quelques secondes, ensuite, d'un même mouvement, ils se retournèrent, leurs visages de nouveau illuminés.
— Je vois que ces jeunes gens se connaissent déjà, dit M. Lacroix.
— Samba Diallo est mon fils, ajouta le chevalier. Où donc vous êtes-vous rencontrés... si ce n'est pas indiscret ?
Son ton était ironique en prononçant ces derniers mots.
— Nous occupons la même table, dans la classe de M. N'Diaye, répondit Samba Diallo, sans quitter Jean du regard. Seulement, nous n'avions guère eu l'occasion de nous parler... n'est-ce pas ?
L'aisance de Samba Diallo depuis qu'il était entré ne laissait plus aucun doute à Jean : Samba Diallo avait déjà rencontré M. Lacroix. Mais il n'en avait rien laissé voir à l'école.
Jean confirma, en rougissant, qu'ils ne s'étaient jamais parlé en effet.
Samba Diallo se mit à entretenir son père à demi-voix. Jean en profita pour aller à M. Lacroix.
Les deux garçons sortirent du bureau en même temps. Ils s'engagèrent sans parler dans l'allée de marne blanche bordée de fleurs rouges qui menait au portail de la résidence. Samba Diallo coupa une fleur et se mit à la contempler. Il la tendit ensuite à Jean.
— Regarde, Jean, comme cette fleur est belle.
— Regarde, Jean, comme cette fleur est belle.
Elle sent bon.
Il se tut un instant puis ajouta, de façon inattendue.
— Mais elle va mourir...
Son regard avait brillé, les ailes de son nez avaient légèrement frémi quand il avait dit que la fleur était belle.
Il avait eu l'air triste, l'instant d'après.
— Elle va mourir parce que tu l'as coupée, risqua Jean.
— Oui, sinon, voilà ce qu'elle serait devenue.
Il ramassa et montra une espèce de gousse sèche et épineuse.
Puis, prenant son élan, il tourna sur lui-même, lança bien loin la gousse et se retourna en souriant :
— Tu ne veux pas venir te promener avec moi ? — Je veux bien, répondit Jean.
Ils sortirent de la résidence et prirent une de ces longues rues de marne blanche qui sillonnent le sable rouge de la petite ville de L. Ils marchèrent longtemps sans parler. Ils abandonnèrent la marne blanche pour le sable rouge. Une vaste étendue de ce sable s'offrait précisément à eux, qu'entouraient
des euphorbes laiteuses. Au milieu de la place, Samba Diallo s'arrêta, s'assit, puis s'étendit sur le dos, le visage au ciel et les mains sous la nuque. Jean s'assit.
Le soleil se couchait dans un ciel immense. Ses rayons obliques, qui sont d'or à cette heure du jour, ses rayons s'étaient empourprés d'avoir traversé les nuages qui incendiaient l'Occident. Le sable rouge, éclairé de biais, semblait de l'or en ébullition.
Le visage de basalte de Samba Diallo avait des reflets pourpres. De basalte ? C'était un visage de basalte, parce qu'aussi il était comme pétrifié.
Aucun muscle n'en bougeait plus. Le ciel, dans ses yeux, était rouge. Depuis qu'il s'était étendu, Samba Diallo était-il rivé à la terre ? Avait-il cessé de vivre ? Jean eut peur.
— Dis-moi, Samba Diallo, qu'est-ce qu'un Diallobé ?
Il avait parlé pour dire quelque chose. Le charme se rompit. Samba Diallo éclata de rire.
— Ah, tiens, on t'a parlé de moi... Un Diallobé... Eh, bien, ma famille, les Diallobé, fait partie du peuple des Diallobé. Nous venons des bords d'un grand fleuve. Notre pays s'appelle aussi le Diallobé.
Je suis le seul originaire de ce pays, dans la classe de M. N'Diaye. On en profite pour me plaisanter...
— Si tu es Diallobé, pourquoi n'es-tu pas resté dans le pays des Diallobé ?
— Et toi, pourquoi as-tu quitté Pau ?
Jean fut embarrassé. Mais Samba Diallo reprit : — C'est chez moi ici, toujours chez moi. Bien sûr,
j'aurais préféré rester au pays, mais mon père travaille ici.
— Il est grand, ton père. Il est plus grand que le mien.
— Oui, il est très grand...
Pendant qu'ils parlaient, le crépuscule était venu. L'or des rayons s'était délayé un peu et de pourpre était devenu rose. Sur leur frange inférieure, les nuages s'étaient glacés de bleu. Le soleil avait disparu, mais déjà à l'Est la lune s'était levée. Elle aussi éclairait. On voyait bien comment la clarté ambiante était faite du rose pâlissant du soleil, du blanc laiteux de la lune et aussi, de la paisible pénombre d'une nuit qu'on sentait imminente.
— Excuse-moi, Jean. Voici le crépuscule et il faut que je prie.
Samba Diallo se leva, se tourna vers l'Est, leva les bras, mains ouvertes, et les laissa tomber, lentement. Sa voix retentit. Jean n'osa pas contourner son camarade pour observer son visage, mais il lui sembla que cette voix n'était plus la sienne. Il restait immobile. Rien ne vivait en lui, que cette voix qui parlait au crépuscule une langue que Jean ne comprenait pas. Puis son long caftan blanc que le soir teintait de violet fut parcouru d'un frisson. Le frisson s'accentua en même temps que la voix montait. Le frisson devint un frémissement qui secoua le corps tout entier et la voix, un sanglot. À l'Est, le ciel était un immense cristal couleur de lilas.
Jean ne sut pas combien de temps il demeura là, fasciné par Samba Diallo pleurant sous le ciel. Il ne sut jamais comment s'acheva cette mort pathétique et belle du jour. Il ne reprit conscience qu'en entendant un bruit de pas, non loin de lui. Il leva la tête et vit le chevalier à la dalmatique, qui s'avança en souriant, lui tendit la main pour l'aider à se lever. Samba Diallo était accroupi, la tête baissée, son corps encore frissonnant. Le chevalier s'agenouilla, le prit par les épaules, le mit sur les jambes et lui sourit. À travers ses larmes, Samba Diallo sourit aussi, d'un clair sourire. Avec le pan de son boubou, aussi, d'un clair sourire. Avec le pan de son boubou,
le chevalier lui essuya le visage, très tendrement.
Ils reconduisirent Jean en silence jusqu'à la rue marneuse, puis rebroussèrent chemin pour rentrer. Sous la clarté de la lune, la rue était d'une blancheur liliale. Jean avait regardé s'éloigner les deux silhouettes se tenant par la main, puis lentement,
était rentré.
Cette nuit-là, en songeant à Samba Diallo, il fut saisi de peur. Mais cela se passa bien tard, après que tout le monde fut couché et que Jean se fut retrouvé seul dans son lit. La violence et l'éclat du crépuscule n'étaient pas la cause des larmes de Samba Diallo. Pourquoi avait-il pleuré ?
Longtemps, Jean fut obsédé par les deux visages du père et du fils. Ils l'obsédèrent, jusqu'au moment où il sombra dans le sommeil.
VOUS LISEZ
L'aventure ambiguë de Cheikh Ahmadou Kane
DiversosLe livre original sur wattpad pour ceux qui l'ont pas 👍🏾