Ce fut difficile pour moi de réaliser le moindre rêve. Les miens auraient apparemment été dissimulés par une force supérieure totalement inconnue. Cette force que je pensais jusque-là d'un haut niveau et intouchable présentera un grand signe de faib...
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15 novembre
« Si je me souviens bien, à cette époque, je venais de perdre ma grand-mère. J'avais 19 ans et c'était en pleine automne. J'étais tombée dans une grande déprime. Vivre sans ma grand-mère c'était comme m'arracher une partie de mon être », je raconte à Hakeem qui me fixe attentivement. Nous étions installés dans un petit bistrot calme dans un coin de Paris.
« Ce qui veut dire qu'à cette époque tu as vécu ces rêves ?
- Je te voyais à chaque fois pleurer. Je tentais de t'approcher, mais tu te protégeais avec des murs.
- C'est vrai, je ne laissais personne m'approcher. Et en début d'année, quelque chose a éclaté chez moi. Sans ma grand-mère et personne pour me protéger, je me suis contentée de prendre la fuite. Sans aucun sou ni une seule affaire. J'ai dormi cette nuit dans la rue avant d'intégrer un foyer pour SDF. Quelques mois plus tard, j'ai eu un logement étudiant. Mais j'avais l'obligation de le quitter chaque été. Donc je dormais à nouveau soit dans la rue, en foyer ou hébergé chez une amie ou connaissance. Toutes mes demandes de logements, foyer ou résidence de jeunes travailleurs étaient refusés. Je ne savais pas ce qui bloquait. On m'expliquait que c'était parce que les revenus de ma famille ne me permettaient pas d'obtenir de l'aide. J'avais beau avoir fui, j'étais toujours rattachée d'une certaine manière à eux. Avec tout ce que j'ai vécu, je ne sais pas comment j'ai fait pour survivre jusqu'à aujourd'hui. Il y a bien sûr pire dans la vie, mais c'était mes épreuves à moi.
- Personne ne devrait dire le contraire, me dit Hakeem.
- Et toi, depuis le début, je ne parle que de moi. Comment tu as vécu depuis tout ce temps ?
- Des parents aimants, un grand-frère fou et une petite sœur adorable. L'épreuve qu'on a vécu, c'est la maladie de ma petite sœur et mes rêves qui ont beaucoup bouffé mes parents. Ils ne m'ont bien sûr jamais laissé tomber, pareil que mon grand-frère. Le souhait de mon père est que l'on soit une famille unie et soudée. La vie est beaucoup trop difficile pour que qu'on la passe à s'égorger entre frères et sœur. Je partage l'entreprise de mon père avec mon frère. Il vit actuellement tous les deux au Nigéria. Ils rappliqueront ici, si je leur annonce que je me marie...
- À propos ? Lui dis-je gênée.
- Je sais, ne t'en fais pas », me répond Hakeem en souriant. Il est tout de même mignon en souriant. Sérieusement, avant que l'on entre dans le bistrot, sa mine était tellement fermée que le serveur a hésité une bonne dizaine de minutes avant de venir nous questionner sur notre choix. Je remercie Hakeem d'une légère inclination de la tête vu qu'il comprend mes pensées.
Depuis quelques jours, je dois l'avouer que j'ai plutôt baissé ma garde le concernant. Hakeem et moi prenons le temps de discuter beaucoup, la première raison pour apprendre à nous connaître mutuellement. Notre discussion dans ce restaurant des champs m'avait à vrai dire cloué le bec. Je n'avais pas trouvé d'autres arguments pour le contredire ou même refuser sa requête. Bien sûr, il était hors de question de passer la case du mariage sans que j'en connaisse un minimum sur lui. C'était trop frais pour faire quoi que ce soit. Et à vrai dire, je n'étais pas sûre de poursuivre assez longtemps, viendra le jour où cet homme comprendra que je ne suis pas la femme qui lui faut.
