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Le bruit du déclencheur de mon appareil photo résonne dans l'habitacle de ma voiture.
Quelques photos de plus et j'aurai tout ce qu'il me faut pour finaliser le dossier de ma cliente. Encore une affaire rondement menée et un divorce qui s'achèvera sur un coup de grâce.

On pourrait penser que mon travail n'est pas très éthique, mais est-ce éthique de tromper son partenaire ?
J'aide des gens à sauver ce qu'il reste à sauver, à étoffer leur fierté et également à s'engraisser avec l'argent d'un divorce, ce qui est un peu moins glorieux.

Je regarde rapidement les dernières photos que j'ai prises. Je me demande pourquoi ils n'ont pas fermé les rideaux de la chambre d'hôtel, et pourquoi ils s'amusent à exposer leur ébat adultérin aux yeux du monde.
Après tout, même le plus chevronné des tueurs en séries fini toujours par faire une erreur, souvent par abus de confiance, apparemment, les maris infidèles aussi.

Je range mon appareil que je place sous le siège passager. L'écran de mon téléphone affiche minuit et demi. Je jette un dernier coup d'œil à la fenêtre de la chambre d'hôtel et démarre la voiture.

Le bruit du moteur résonne dans tout le quartier jusqu'à ce que je coupe le contact dans l'allée de la villa.
Je me dirige vers la porte d'entrée, les bras chargés de mes affaires et remarque une faible lueur par une des fenêtres du salon.
Je me fous une claque mentalement : j'avais oublié que Paul devait venir ce soir.

J'appuie sur la poignée de la grande porte d'entrée en manquant de faire tomber la moitié de mes affaires sur le sol.

En entrant dans l'énorme salon, je remarque Paul assis sur un fauteuil, seule la lumière de l'écran plat dernier cri éclaire la pièce. Il doit m'attendre depuis un moment, je risque de passer un sale quart d'heure.

Mon parrain est toujours impeccablement vêtu et sa barbe poivre et sel toujours très bien taillée, sans parler de sa coupe : des cheveux grisonnants et légèrement bouclés tirés en arrière.

Je dépose mes affaires sur la commande la plus proche et m'assois sur un fauteuil non loin de lui. Je me recroqueville un peu, les mains sur mes genoux serrés entre eux. J'imagine que j'ai l'allure d'une petite fille qui va se faire disputer.

- Tu m'as encore oublié, lâche-t-il d'un ton las.
- Excuse-moi, j'avais beaucoup à faire, ça m'est sorti de la tête.

Il ne répond pas et ne décroche pas son regard de la télévision.

- Tu as mangé ?

Ma question le réanime, il tourne la tête vers moi. Bien sûr qu'il a mangé, il est presque une heure du matin. Je me dirige dans la cuisine en lui disant que je vais me faire un sandwich, il me suit.

Je m'attèle à la tâche lorsqu'il ouvre de nouveau la bouche :

- Écoute, je suis désolé mais tu vas devoir quitter la villa.

Je déglutis et lâche mon morceau de pain du regard pour le reporter sur mon parrain.

Bien sûr, je suis déçue mais il fallait s'y attendre, ce n'est pas une surprise. Je ne savais simplement pas jusqu'à quand cette situation allait durer.

- D'accord. Tu en as besoin rapidement ?
- Dans deux semaines.
- Deux semaines ?! Je n'aurai jamais le temps de me trouver un appartement en deux semaines.
- Pas de panique, j'ai quelque chose à te proposer.

Je penche la tête sur le côté en l'interrogeant du regard.

- J'ai besoin de la villa parce que l'une des célébrités de l'agence que je représente prend une petite retraite ici pour travailler sur un prochain album. Je te propose donc de t'embaucher en tant que femme à tout faire.

What's left of us - Cha EunwooOù les histoires vivent. Découvrez maintenant