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Je n'avais pas vu cette maison depuis des lustres, ça me fait tout drôle.
Léo m'ouvre avec de gros cernes sous les yeux mais un sourire sincère sur les lèvres.

- Ça a bien changé ici, je lui dis en regardant autour de moi alors que je pénètre dans la maison.
- Ouais, j'ai fait quelques travaux avec mon père.
- C'est joli.
- Merci, sourit-il, tu veux boire quelque chose ?
- Je veux bien un café s'il te plaît.

Il hoche la tête et je le suis à la cuisine. Rapidement, Léo pose deux tasses fumantes sur la table et s'assoit face à moi.

- Comment tu te sens ?, je lui demande.
- Ça va, je me sens vaseux à vrai dire. Et toi ?

Je baisse les yeux vers ma tasse et souffle dessus. Je vais mal, d'ailleurs, j'ai mal.

- Ça va bien, dis-je en lui adressant un sourire avant de boire une gorgée de café.
- Je vais retourner faire un séjour en clinique.
- Je pense que c'est une bonne chose. Quand est-ce que tu pars ?
- Dans deux jours. L'hôpital m'a trouvé une place en urgence, sinon ça aurait probablement mis trois mois, peut-être plus.
- Je pourrais t'accompagner ?, je lui demande.
- Avec plaisir, je vais avoir besoin de soutien alors ta présence ne sera clairement pas de trop.

Je souris une nouvelle fois en hochant la tête et bois de nouveau. Je suis contente qu'il accepte. Je jette un coup d'œil à mon téléphone : pas de notifications.

- Tu as parlé à Nathan depuis l'hôpital ?, me demande-t-il d'une voix prudente.
- Non et je ne sais pas si c'est une bonne idée.
- C'est complètement con d'en arriver là, soupire Léo en appuyant son dos contre le dossier de sa chaise.
- Je ne savais pas qu'il m'en voulait autant, je suis un peu déçue qu'il n'ait rien dit.
- Ne sois pas déçue et ne lui en veut pas non plus. Il a juste fait comme nous tous, il a enfoui tout ça au fond de lui en espérant que ça passe.
- J'en reviens pas qu'il nous ait autant détruits..., je chuchote et Léo comprend vite que je ne fais pas allusion à Nathan.
- Ce n'est pas ton frère qui nous a détruits, c'est son départ.

Je jette un coup d'œil par la fenêtre, il fait beau aujourd'hui et la température est agréable. Je me souviens du temps où voir l'été arriver doucement me réjouissais.
Mon téléphone vibre : juste un spam sur ma boîte mail. Je sais que je ne devrais pas y penser, que Léo vit quelque chose de terrible et que je ne devrais pas m'apitoyer sur mon sort, mais c'est plus fort que moi.

- J'ai la sensation d'avoir tellement régressé... Je sais que je t'ai dit que j'allais bien, et c'est vrai, mais je me rends compte qu'une partie de moi est toujours en colère.

Peut-être que je ne devrais pas lui dire ça. J'ai peur que ça le ramène à cette promesse stupide de veiller sur moi, mais les non-dits nous ont déjà rongés alors je préfère être honnête.

- Tu as appris beaucoup de choses d'un coup, des choses qu'on n'aurait pas dû te cacher. On a aussi fait des erreurs en croyant bien faire. Le plus important c'est de s'en rendre compte.
- C'est vrai. On fera mieux à partir de maintenant.

Il hoche la tête en souriant. Je remarque que ses mains tremblent un peu et me dire qu'il s'agit probablement d'un effet du manque me serre le cœur. J'aimerais avoir le pouvoir de le soulager immédiatement, mais la réalité est qu'un long chemin vers la guérison l'attend et que ce ne sera pas facile.

- Dis-moi, il commence prudemment, c'était qui le mec avec toi le soir de mon accident ?

Mes doigts se crispent autour de ma tasse brûlante. Les larmes montent instantanément, menaçant de s'échapper à tout moment. Je me sens stupide, habitée par une peine plus grande que ce qu'elle devrait et qui, je le sais, ne s'en ira pas en un claquement de doigts.

What's left of us - Cha EunwooOù les histoires vivent. Découvrez maintenant