What's left of us - Cha Eunwoo

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J'ouvre péniblement les yeux grâce, ou plutôt à cause, de mon réveil. Huit heures. Je ferais bien de me dépêcher d'appeler un plombier pour la villa.

Je passe une main sur mon visage et souffle. Je me motive difficilement à sortir de mon lit chaud, mais y parvient finalement. Je m'étire, un passage éclair aux toilettes et je descends dans la cuisine.

Je me fais couler un café et m'assois en tailleur dans le canapé, face à la baie vitrée. La ville est tout simplement magnifique à la lumière du matin. Je profite du silence et de mon café puis passe un rapide coup de fil à mon parrain. Il me fournit le numéro d'un ami à lui qui peut réaliser des travaux de plomberie.

Je souris parce que je trouve incroyable de gagner aussi bien sa vie, mais de toujours grappiller les services des uns et des autres. Mon parrain connait pas mal de monde et il a rendu beaucoup de service au cours de sa vie, inévitablement, on lui rend ses services un jour ou l'autre.
Je fixe un rendez-vous avec lui pour neuf heures et demie a la villa. Rapide.

J'envoie un message à Cha Eunwoo pour être sûre de ne pas le surprendre à la sortie du lit, ce serait un peu gênant.
Sa réponse ne tarde pas à arriver et le rendez-vous est bien fixé. Je me lève aussitôt et file sous la douche.

Je sors le sac -plein des serviettes que j'ai soigneusement pliées- du coffre de ma voiture et sonne à la porte accompagnée du plombier.

Eunwoo nous ouvre et nous nous saluons à tour de rôle avant de pénétrer dans la villa. Je montre la douche au plombier et lui raconte la mésaventure de la veille, puis dépose quelques serviettes propres dans le placard et descends dans la buanderie pour ranger le reste.

Quand j'en sors, je traverse la cuisine et entre dans le salon. Le chanteur est assis sur le grand canapé en forme de U, dos à moi. Je crois qu'il ne m'a pas entendu puisqu'il reste pencher sur son téléphone en fredonnant une mélodie.
Je n'ose pas l'interrompre tout de suite. À vrai dire sa voix est très douce, je croirais entendre une berceuse. Mes lèvres s'étirent légèrement.

Après plusieurs secondes, je finis par me manifester en toussant légèrement tandis que je fais mine d'être entrée dans la pièce juste à l'instant. Il sursaute un peu et se retourne.

- Désolée, je ne voulais pas vous faire peur.
- C'est rien, dit-il en souriant.
- Je vais rester jusqu'à ce que le plombier s'en aille mais j'attendrais dehors, je ne vais pas plus vous déranger, dis-je en me dirigeant déjà vers la sortie.
- Attendez, s'exclame-t-il, vous ne voulez pas boire quelque chose ? Un thé ?

Je le fixe un instant, un peu surprise, mais je finis par acquiescer. Il sourit et s'éclipse dans la cuisine. J'attends en regardant autour de moi : une nouvelle odeur a définitivement remplacé celle que j'avais laissée ici, mais c'est loin d'être désagréable.

Lorsque je le vois revenir avec un plateau dans les mains sur lequel trône une théière et deux tasses, je déglutis : il va falloir faire la conversation. Ça ne me dérange pas trop d'habitude, mais je ne sais pas pourquoi mes mains deviennent moites tout à coup.

Il m'invite à m'installer sur le canapé et je m'assois à bonne distance de lui, l'observant remplir les deux tasses avant qu'il ne m'en tende une.

- Vous vous sentez bien ici ?, je lui demande après l'avoir remercié.
- Oui, dit-il en hochant la tête un peu trop rapidement, j'avais vraiment besoin d'un endroit tranquille comme celui-ci.
- J'ai cru comprendre que vous aviez besoin de repos.
- Je travaille toujours beaucoup en Corée, mais c'est le métier qui veut ça, je ne m'en plains pas.

J'ai la sensation qu'il ment, en tout cas, son visage s'est un peu fermé lorsqu'il a dit ça. Peut-être qu'il veut juste faire bonne figure.

Je bois une nouvelle gorgée de thé et l'ambiance s'alourdit un peu, je complimente le goût du breuvage pour détendre un peu l'atmosphère et le chanteur sourit en me remerciant.
Cependant, il semblerait que j'ai échoué puisque l'ambiance s'alourdit de nouveau et le silence revient. Je mordille l'intérieur de ma joue nerveusement : j'arrive à faire ça d'habitude, mais là je ne sais pas quoi dire.

Heureusement, le plombier arrive et je me lève aussitôt. Il m'explique la réparation, je le paye et il s'en va rapidement.

- Tout est en ordre, la douche est réparée, j'informe Eunwoo.
- Merci. Vous ne voulez pas finir le thé ?

Je baisse les yeux sur ma tasse encore presque pleine. Je me vois mal refuser, j'acquiesce donc et me rassois sur le canapé. Je bois sans rien dire et il fait de même. Reprends-toi Charlie.

- La mélodie de tout à l'heure était très jolie.

Il a l'air surpris jusqu'à ce que cet air sur son visage se transforme en un léger sourire. Je vends un peu la mèche parce qu'à la base, il n'était pas censé savoir que j'avais écouté, mais ça a le mérite d'avoir détendue l'atmosphère cette fois.

- J'étais sûr que tu étais là depuis un petit moment. Ça ne te dérange pas si on se parle un peu plus familièrement ?

Je fais non de la tête en souriant, puis reprends une gorgée de thé avant de continuer la discussion. C'est marrant parce que je me sens tout de suite plus à l'aise après cette question. Je ne réfléchis même pas à la façon d'aborder ma phrase en anglais avant de lui dire :

- Je ne voulais pas te déranger, on aurait dit une berceuse.
- Merci beaucoup, je-

La sonnerie de mon téléphone le coupe, je m'excuse et réponds. C'est bizarre que Rose m'appelle à cette heure-ci, elle devrait être au travail.

- Oui ?

Pas de réponse. Je n'entends qu'un bruit fort de vent qui souffle dans le combiné et je crois reconnaître des sanglots en fond.

- Rose ? Qu'est-ce qui se passe ?
- J'ai pété les plombs, dit-elle entre deux sanglots.

Je l'entends mieux maintenant, le bruit du vent s'est estompé et elle pleure tellement qu'elle n'a pas l'air de réussir à respirer correctement.

- C'est le travail ? T'es où ?
- Dans la rue.
- Où ça ? Dans quelle rue ?

Elle raccroche et je pousse un juron dans ma barbe en regardant l'écran noir de mon téléphone.

- Ça ne va pas ?, demande le chanteur semblant préoccupé par mon agitation.
- Une amie a des ennuis, dis-je en pianotant sur mon téléphone pour envoyer un message à Rose.
- Alors tu devrais y aller.

Au même moment, je reçois la position GPS de Rose. Je m'excuse auprès d'Eunwoo et le remercie rapidement pour le thé avant de courir monter dans ma voiture.
J'espère qu'il ne va pas prendre la mouche parce que je pars comme une voleuse, après tout, j'ai rempli ma mission de la douche.

J'entends du bruit à l'étage de mon appartement ce qui me fait tourner la tête vers l'escalier. Quelque instant plus tard, Rose apparaît dans le salon.

- Tu peux me ramener ?

Elle a les yeux gonflés d'avoir trop pleuré.

- Je ne veux pas te laisser seule.
- C'est bon Charlie, j'ai juste envie d'être chez moi, sur mon canapé avec mon chien.
- Tu devrais me parler, je souffle.

Ses yeux quittent les miens et elle se met à regarder le sol tristement. Je comprends qu'elle n'y arrivera pas aujourd'hui.

Quand j'ai retrouvé Rose tout à l'heure dans une ruelle, elle était dans un état déplorable, je crois que je ne l'avais jamais vu comme ça ou tellement rarement que je ne m'en souviens pas bien.
Sur le trajet jusqu'à chez moi, elle n'a pas voulu me dire ce qu'il s'était passé et une fois arrivée à bon port, elle a enfin ouvert la bouche pour quémander une douche.
Je l'ai écoutée pleurer derrière la porte de la salle de bain, le cœur serré.
Je l'ai ensuite emmené jusqu'à mon lit et elle s'est rapidement endormie alors que je caressais doucement ses cheveux.

J'ai fais les cents-pas dans mon salon, presque en boucle en triturant mes doigts, jusqu'à ce que je décide de me mettre devant un film pour me changer les idées et qu'elle ne se réveille.

- Mets tes chaussures, je reprend calmement en l'absence de réponse de sa part.

En la laissant devant chez elle, je lui fais jurer avec le petit doigt de m'appeler s'il y a quoi que ce soit, mais je sais très bien qu'elle n'appellera pas. Ni cet après-midi, ni ce soir. Je rentre donc chez moi dépitée en maudissant son patron, peu importe ce qu'il lui a fait, je sais que ça a forcément un lien.